2 décembre 2014

John Connolly et Thomas H. Cook chez Ombres noires : beau doublé !

Ça fait un moment que je voulais vous parler d'une série d'ouvrages courts publiés par Ombres noires. Un beau choix d'auteurs, des textes de grande qualité, une mise en page soignée et un petit format bien adapté à ces bijoux littéraires, une interview de l'auteur en complément du texte : le lecteur ne peut pas demander grand-chose de mieux. C'est dans cette série que sont parus deux textes signés respectivement John Connolly et Thomas H. Cook.
Prière d'achever, de John Connolly, est un véritable concentré du talent de cet auteur irlandais fou de littérature, qui n'a pas peur du mélange des genres et qui livre là, en 150 petites pages, une œuvre à la fois bouleversante et animée d'un optimisme mélancolique qui n'appartient qu'à lui. Nous sommes en Angleterre, et M. Berger, petit fonctionnaire, mène une existence sans relief entre son bureau au Service du logement et son appartement... bourré de livres. Trois mots qui vont résumer parfaitement le destin de cet homme sans qualités, que la mort de sa mère, un héritage suffisant, une petite maison et un licenciement qui tombe à pic vont concourir à entraîner dans une magnifique histoire littéraire. M. Berger s'installe donc dans le cottage maternel à Glossom, petite ville traditionnelle, et s'attelle à son grand projet : le roman qu'il porte en lui depuis des années. Hélas, du rêve à la réalité, le chemin est long et semé d'obstacles. M. Berger n'est pas un écrivain. Mais il va être bien plus que cela. Tout commence le jour où, au cours de sa promenade quotidienne, il assiste à une scène atroce : une jeune femme se jette sous un train devant ses yeux. Problème : M. Berger est le seul à avoir assisté au drame, et le corps demeure introuvable. Du coup, notre héros passe pour un dépressif, voire un illuminé. M. Berger a alors une révélation : cette femme au sac rouge, ce ne peut être qu'Anna Karénine... Le petit sac rouge, le train... Quelques jours plus tard, même scène : la jeune femme au sac rouge veut se jeter sous le train, devant les yeux de M. Berger. Mais cette fois, Berger réussit à l'en empêcher. La femme s'enfuit, Berger à ses trousses. Et c'est là qu'il tombe, hors d'haleine, sur une vieille et singulière bâtisse : la Bibliothèque privée Caxton, dont personne dans le village n'a jamais entendu parler. C'est là que l'enchantement commence : Berger le fou de livres vient de trouver le lieu dont jamais il n'aurait osé rêver. Le lieu où vivent les héros littéraires, où ils se réfugient car ils ne meurent jamais. Il serait criminel d'aller plus loin et de révéler la suite. Sachez simplement que si vous aimez la littérature plus que tout, vous serez ensorcelé par ce magnifique conte riche en symboles, en poésie et en audace. Connolly rend un superbe hommage à ses grands anciens, de Dickens à Shakespeare, et se fait le complice de ceux pour qui les personnages de fiction ne s'oublient pas, voire jouent dans une vie des rôles que bien des humains ne sauraient incarner. Justement récompensé par le Prix Edgar Allan Poe 2014 dans la catégorie des textes courts, Prière d'achever est un texte poignant, libérateur et merveilleusement bien écrit.

Le secret des tranchées, de Thomas H. Cook, est aussi une réussite, dans un tout autre genre. En 80 pages, Cook nous raconte une histoire morale et politique, une histoire de mémoire, une histoire de famille. Franklin Altman a quitté l'Allemagne après la Première guerre mondiale. Il a fait son chemin à New York, et passe cinquante ans plus tard pour un historien, un intellectuel de valeur. Mais son passé a des zones d'ombre, qui vont ressurgir à l'occasion d'une rencontre avec un vieil homme qui l'a bien connu, autrefois. Vous n'imaginez pas le secret que va révéler ce vieillard. Vous n'imaginez pas le retournement de l'histoire qu'a concocté Thomas H. Cook. Et voilà, vous êtes obligé de lire ce livre.

John Connolly, Prière d'achever, traduit de l'anglais par Pierre Brévignon, Ombres noires
Thomas H. Cook, Le secret des tranchées, traduit de l'américain par Philippe Loubat-Delranc, Ombres noires

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