J'ai fait la connaissance de Kent Meyers au Festival America. Il faisait partie d'une table ronde intitulée "Zones d'ombres". Ses réponses aux questions de l'animateur étaient courtes, justes, acérées. J'ai donc mis son roman, Twisted Tree, dans mon petit panier et je m'en suis retournée chez moi le poser dans ma pile "à lire" qui menace écroulement très prochain... Quelques jours plus tard, je l'ai extrait de la pile. Que n'avais-je pas fait là ? Twisted Tree, qu'est-ce-que c'est ? Un polar ? Un roman noir, un thriller ? Qu'importe...
Il commence par un chapitre au cours duquel nous accompagnons le tueur de l'Interstate 90. Le meurtrier a une obsession : les "Anas", ces jeunes anorexiques pour lesquelles ce désordre alimentaire n'en est pas un, mais un choix de vie. Les pro-anas sont à l'origine d'un mouvement qui diffuse une propagande souvent jugée dangereuse, et contre lequel des lois ont même été proposées. Ce premier chapitre, explique l'auteur, a été ajouté à la fin du processus d'écriture, dans un souci de clarification. En quelques pages, Kent Meyers réussit à nous faire pénétrer dans l'esprit de cet être malade, dont l'obsession se décline en une démarche monstrueusement logique, sans pathos, presque mécanique.
Une fois ce premier chapitre passé - et il est particulièrement éprouvant, je vous avertis... - Meyers nous emmène à Twisted Tree, une bourgade située en plein Dakota du sud, dans une région particulièrement sauvage, voire hostile. C'est là que nous resterons jusqu'à la fin du roman. Chaque chapitre parle d'une voix différente, celle d'un habitant de Twisted Tree. Un habitant qui a plus ou moins bien connu la dernière victime du meurtrier, la jeune Hayley Jo, jeune fille championne de barrel racing (une forme de rodéo particulièrement sportive) qui a abandonné sa passion de façon inexplicable... Au fil des chapitres, on découvre avec un certain effarement la vie de cette petite ville où les traditions indiennes sont encore bien ancrées, où la nature toute-puissante, du crotale au bison en passant par le tamaris, semble hostile voire maléfique, où les relations entre les hommes, les femmes et les enfants sont tortueuses, où les histoires sont tues, jusqu'au jour où elles explosent au nez des protagonistes...
Autant de personnages singuliers, aux histoires parfois dramatiques, parfois dérisoires, pour construire un roman hypnotique, âpre, aux détours sinueux, à l'écriture précise jusque dans l'horreur... Kent Meyers, qui vit, enseigne et écrit dans le Dakota du sud, nous offre là un beau cadeau, une beauté qui se mérite, et nous parle d'une voix qu'on a envie de réentendre très vite.
Kent Meyers, Twisted Tree, traduit de l'américain par Laura Derajinski, éditions Gallmeister
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire