C'est toujours un plaisir de retrouver Jack Parlabane... Ne serait-ce que parce que vu ses aventures précédentes, on s'étonne qu'il soit encore en liberté, voire en vie. Car Parlabane a du journalisme une conception quelque peu dépassée. Pensez donc : prendre des risques, mettre les pieds dans le plat, défier l'immédiateté, suivre les pistes jusqu'au bout, même quand ça fait mal : il se sent un peu seul à faire ce travail-là. Dans
Les ombres de la toile,
Chris Brookmyre prend un malin plaisir à plonger son héros dans un univers au sein duquel il ne se sent pas vraiment chez lui : le monde numérique, ses ombres, ses apparences, ses modernités réelles ou illlusoires. Non pas qu'il soit passéiste, mais il a tendance à voir le mal partout, Jack Parlabane, et il a souvent raison, hélas ! Dans cette enquête-là surtout, où il va payer cher son opiniâtreté et sa clairvoyance.
Le début du roman nous plonge dans l'atmosphère particulière d'un Royaume-Uni obsédé par la sécurité, la peur de l'autre et les menaces qui pèsent sur le pays. On vous surveille, on ne vous ratera pas si vous fraudez, tel est le message que les pouvoirs publics veulent faire passer : le remède serait-il pire que le mal ? Samantha Morpeth en est là de ses réflexions lorsqu'on l'appelle : c'est son tour. Et l'homme qui va la recevoir va lui asséner le coup de massue qu'elle redoutait : elle n'a plus droit à son allocation d'aidant familial. Pourtant, elle est lycéenne, sans ressources, et c'est elle qui s'occupe de sa petite sœur Lilly, une fillette trisomique. Leur mère est aux abonnés absents, plus précisément en prison. Samantha est seule pour assumer l'éducation de la petite, mais comme elle est étudiante à plein temps, elle n'a plus droit à rien. La situation est aussi absurde que désespérée.