21 février 2024

Keigo Higashino, Le cygne et la chauve-souris : l’aveu, reine des preuves ?


Nous sommes à Tokyo, à l’automne 2017. L’enquête de Godai Tsutomu et de son jeune collègue Nakamachi de la police judiciaire, les a menés dans l’arrondissement d’Adachi, au nord-est de la ville, jusqu’à une entreprise spécialisée en matériel de plomberie. C’est à Yamada Yuta qu’ils veulent parler : il connaissait l’avocat Shiraishi Kensuké, qui vient d’être assassiné, et qui l’avait défendu quelques années auparavant dans une affaire de coups et blessures. Yamada est affligé  : il est reconnaissant à Shiraishi qui lui a évité une longue peine de prison et lui a en plus permis de trouver son travail actuel. L’avocat est venu prendre de ses nouvelles quinze jours auparavant, et il n’avait pas l’air dans son assiette. Yamada n’en sait pas davantage, ce qui n’avance guère Godai et Nakamachi, cruellement en manque de pistes pour cet assassinat incompréhensible. A 55 ans, l’avocat ne comptait apparemment que des amis. A une exception près, évidemment. Sa veuve et sa fille Mirei, 27 ans, sont inconsolables… Elles affirment elles aussi que ces derniers temps, Shiraishi n’était pas au meilleur de sa forme. Et personne n’a la moindre idée de ce qu’il faisait à l’endroit où il a été sauvagement poignardé.

14 février 2024

Louise Mey, Petite sale : "rural noir" or not "rural noir"?


Il y a quelques années, on aurait sans doute classé d'emblée Petite sale dans la catégorie du "rural noir". Aujourd'hui, le genre semble être un peu passé de mode, on se contentera donc d'écrire que ce roman aussi noir que malin est une vraie réussite. Tout se passe dans une de ces régions un peu hybrides : pas assez loin de Paris pour qu'on parle de province, trop éloignée de la capitale pour être qualifiée de banlieue, fût-elle grande. Quelque part entre Compiègne et Soissons. Nous sommes à la fin des années 60, et si 1968 a laissé des traces dans les villes, elle n'a pas effleuré la vie telle qu'elle se mène dans cette région où la betterave est la reine des cultures, où le gros fermier du coin est un seigneur moderne. Pour tout arranger, nous sommes en février: il fait froid, humide, gris, avec un peu de neige sur la boue pour tout arranger. Catherine est une gamine, une petite qu'on emploie à la ferme de Monsieur. La femme de Monsieur dit qu'elle est sale, mais ça n'est pas vrai. Elle est juste pauvre. Elle vit seule avec sa mère, qui n'a pas de mari, à quelques centaines de mètres de la ferme de Monsieur. Là-bas, elle fait un peu de tout, pourvu qu'on ne la voie pas. Petite souris discrète, Catherine n'en n'a pas moins l'œil ouvert et l'esprit affûté. Mais il ne faudrait pas que ça se voie... Catherine est la "petite sale". "Si les filles qu'on regarde ont des problèmes, elle préfère qu'on ne la regarde pas."

Alexandre Courban, "Passage de l'Avenir, 1934" : une année de luttes


 Cette année-là, on est en pleine affaire Stavisky, la mort de ce dernier en janvier n'a pas calmé un pays en proie à la méfiance envers les parlementaires. En février, les forces d'extrême-droite manifestent leur mécontentement, auquel répondent très vite des manifestations populaires qui feront plus de 25 morts et de mille blessés... Gabriel Funel est journaliste à L'Humanité, il est responsable de la rubrique sociale et il a fort à faire. Dans cet entre-deux guerres, les ouvriers et les ouvrières souffrent de conditions de travail honteuses et de salaires de misère, alors que la bourgeoisie est plus florissante que jamais. "Salaires de misère et vie d'esclaves (...) Et que dire à nos gosses ! Leurs écoles sont aussi sombres que des prisons!", s'insurge Pierrot, qui distribue à la sortie des usines la presse révolutionnaire. 

4 janvier 2024

François Médéline, La résistance des matériaux : Badaboum !

 


D'après l'Encyclopédie Larousse, "la résistance des matériaux permet de déterminer, sous l'action de charges données, l'état de contrainte en un point quelconque, de prévoir le déplacement subi par une section quelconque de la structure et d'évaluer les réactions d'appui des systèmes hyperstatiques." Si je vous dis que le nouveau roman de François Médéline est une parfaite incarnation de cette définition, vous allez partir en courant. Restez. Car l'auteur a décidé de nous expliquer comment un système constitué de nombreuses parties plus ou moins indispensables finit par exploser lorsque certaines de ces parties sont, pour le moins, défaillantes.

En novembre 2023, les plateaux de télévision accueillaient le retour d'un certain Jérôme Cahuzac, et Patrick Cohen lui consacrait un édito particulièrement salé dans C à vous, illustrant son propos par la diffusion d'un discours hallucinant de l'intéressé, ex-ministre du Budget de François Hollande condamné à quatre ans de prison dont deux avec sursis, et néanmoins bien décidé à revenir en politique... Il revenait en personne quelques jours plus tard sur ce même plateau pour y réaffirmer qu'il avait désormais purgé sa peine et que la deuxième chance appartenait à tout le monde, tout comme le pardon.

31 décembre 2023

La dernière séance 2023

 

Ceci n'est pas un top 6, ce n'est pas un florilège non plus. Bien plutôt une forme d'acte de contrition. Eh oui, avec l'esprit de Noël, le spirituel est passé par là.  Trève de plaisanterie, vous avez peut-être  remarqué que cette année 2023 a été un peu chaotique pour moi. Je ne vais pas vous faire pleurer avec l'angoisse de la page blanche : après tout, ce ne sont que des chroniques. Mais quand même, pour rester dans les lieux communs, faute avouée est, paraît-il, à moitié pardonnée. Alors avant de basculer en 2024, voici quelques romans qui m'ont aidée à franchir le cap de cette "annus horribilis", tant sur le plan personnel que sur celui de l'état du monde. Six romans qui auraient mérité une bonne vraie chronique, six romans qui m'auront encouragée, espérons-le, à aborder 2024 avec davantage d'énergie et d'enthousiasme. Il vaudrait mieux, vu que le mois de janvier s'annonce fertile. Bonne fin d'année à tou.te.s ! 

28 novembre 2023

Magdalena Parys, Le Prince : un roman qui explose les genres, du thriller au roman historique et politique

 

Déjà avec Le Magicien, paru en 2019 (voir chronique ici ) Magdalena Parys avait fait la preuve d'une rare capacité à évoquer une réalité politique et historique tout en construisant une intrigue digne des thrillers les plus efficaces. Avec Le Prince, elle confirme ce talent haut-la-main. L'autrice polonaise qui vit à Berlin a choisi, cette fois, de nous entraîner sur les traces du Prince, un leader nationaliste à l'identité bien cachée. Le roman nous met d'emblée dans l'ambiance. 

Nous sommes le 14 mai, dans la banlieue de Berlin. Un groupe d'une vingtaine d'hommes, camouflés sous un uniforme de la Bundeswehr, vient de mettre le feu à un lotissement où logent des immigrés. A la tête de l'opération, un homme prénommé Max. Félicité pour son succès par un vieillard en uniforme de général... 

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