7 avril 2013

QDP 2013 : polar et fait divers

Cette conférence intitulée "Entre tranches de vie et vie des quartiers : les faits divers" et présentée par Julie Malaurie  réunissait Rachid Santaki, Jérémie Guez, Petros Markaris, John Burdett et Joël Dicker. Morceaux choisis...


Rachid Santaki
Flic ou caillera se passe en octobre 2005, l'époque des révoltes des banlieues. Pour moi, ce n'est pas un fait divers, c'est un tournant de la société. Mes trois livres se déroulent à St Denis, et j'essaie d'humaniset la violence. Et pour cela, je fais passer le lecteur de l'autre côté. En ce qui concerne les médias, j'aime bien voir le traitement du texte et de l'image. Dans mon roman, il y a Saint-Denis, il y a une famille de caïds locaux, les Bensama, qui sont en fait pour moi des capitalistes et des entrepreneurs. A partir de cette base, j'ai cherché des faits divers non seulement sur le trafic de stups, mais aussi dans le domaine de la finance. Parce que les potes des gros dealers sont les mêmes que ceux des traders...
Quand je pars dans mon histoire, j'ai déjà mon idée. J'aime bien voir comment les faits divers sont traités dans les médias, j'en extrais un point de vue. Après, c'est l'imaginaire qui fait son travail, qui utilise le fait divers pour permettre une sorte de parenthèse. Ainsi, le fait divers peut aussi être un repère, un regard sur les victimes et sur les conséquences. Quand j'ai sorti mon premier livre, il y était question d'un flic impliqué dans un trafic de drogue. Quelques mois plus tard, la réalité a dépassé la fiction. Le fait d'humaniser la violence, de faire du réalisme avec les mécanismes de la vie de quartier, m'a montré qu'en fait le fait divers rejoint la fiction.
Le dernier roman de Rachid Santaki : Flic ou caillera, Le Masque

Jérémie Guez
Je m'intéresse beaucoup à l'aspect minimaliste, ce qui me permet d'élargir par la suite. Je pense souvent à des auteurs comme David Goodis qui parviennent, avec une grande économie de mots, à créer des liens très forts avec des personnages en fin de course. Ce qui m'intéresse, c'est plus les histoires que me racontent les gens sur leur quotidien. C'est à partir de cela, de ces tranches de vie réalistes, que je construis mes intrigues complètement inventées, mais très ancrées socialement, dans un contexte social dont les médias rendent compte de façon souvent biaisée. Je pense que la réalité s'auto-suffit, et le réalisme fonctionne quand il y a une vraie trame fictionnelle. J'essaie de réussir les deux, d'utiliser le réel pour produire une histoire
Le dernier roman de Jérémie Guez : Balancé dans les cordes, La Tengo éditions.

Joël Dicker
La disparition de la fille qui sert de trame à mon livre est complètement inventée.Ce qui m'a intéressé, ce n'est pas le fait divers en lui-même, dont je pense qu'il est inexploitable directement dans une fiction, parce que souvent, il va trop loin ! Même dans les affaires les plus récentes, comme l'affaire DSK, en réalité aujourd'hui, personne ne peut dire ce qui s'est passé vraiment. Ce fait divers, ce qui s'est vraiment passé dans cette chambre, on ne le sait pas...
Si vous connaissez quelqu'un qui est victime d'un fait divers, vous vous sentez très concerné. C'est un lien très particulier. Le fait divers nous met en relation avec la réalité, c'est un morceau de quotidien qui parfois tombe sur nous ou près de nous. Nos voisins, nos proches, nous les connaissons, mais jusqu'à un certain point, et le fait divers met cela en évidence.
Le dernier roman de Joël Dicker : La vérité sur l'affaire Harry Québert, De Fallois

Petros Markaris
Dans ma trilogie sur la crise grecque, je décris une succession de drames qui se passent à Athènes, des suicides de petits commerçants... La ville perd sa mémoire, elle ne se rappelle plus. Du coup, elle perd sa conscience aussi. Aujourd'hui, si vous demandez à un Athénien dans la rue quel était le magasin qui était à tel endroit plusieurs mois auparavant, il est incapable de vous le dire... J'ai passé 2 heures par jour à lire la presse, jamais de télé ni de radio. Quand je vois ces crimes et la façon dont ils sont racontés, il est très important de comprendre comment le crime en vient à faire partie de la vie. Ce qui est important, ce n'est pas le fait divers en soi, mais la façon dont il s'intègre à la vie quotidienne. Les écrivains sont des témoins...
Le dernier roman de Petros Markaris : Liquidations à la grecque, traduit par Michel Volkovitch, Le Seuil


John Burdett
Mes romans sur Bangkok ne sont pas traduits en thaï. D'une part parce que la Thaïlande est une société très fermée. Et les événements que je raconte ne sont pas vraiment politiquement corrects... En outre quand une oeuvre est qualifiée de "fiction", elle perd son influence politique. Quand j'y suis allé pour la première fois, la question était de rendre le parfum de la ville. Comment allais-je rendre ce sens de l'humour très particulier?  Il fallait absolument que je capte des histoires capables de parler de cela.
Les faits divers sont souvent l'expression de ce qui se passe dans une société.
Le dernier roman de John Burdett : Le pic du vautour, traduit par Thierry Piélat, Presses de la cité

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