Le deuxième volume, Rares ceux qui échappèrent à la guerre, se consacre à la période 1983-1986 et pousse plus loin son analyse de la situation politique française à travers les relations de l'État français avec le Liban et l'Iran, l'incompréhension et l'irresponsabilité des politiques, les manoeuvres des uns et des autres, et surtout le développement des actions terroristes qui engendrent dans le pays une atmosphère de peur qui va peser lourd sur le comportement des décideurs, ballottés entre le Hezbollah et Action directe, sans oublier le sort des otages français enlevés en 1985, dont 4 seront libérés en 1988 après une captivité très dure, et un, Michel Seurat, mourra en captivité. Le contexte politico-religieux côté Liban est toujours aussi inextricable, d'autant que l'Iran commence à jouer un rôle funeste ; côté français, les politiques font preuve de leur habituelle inconséquence, voire de leur incompétence, et oublient d'écouter ceux qui en savent plus qu'eux, tout occupés qu'ils sont à polir leurs stratégies électorales. L'affaire de la trouble dette de la France envers l'Iran, entre autres, va parasiter la vie politique et peser sur les décisions. On retrouve dans ce deuxième volume les personnages de fiction dont on a fait la connaissance dans le premier tome, et on suit avec passion et quelque incrédulité l'évolution de ces protagonistes, pions inconscients ou Machiavel au petit pied, tissant près de la toile historico-politique une intrigue romanesque des plus captivantes, interagissant avec la réalité pour en faire émerger les aspects les plus tragiques. Le roman nous laisse pantelants, en 1986, en pleine crise internationale et terroriste et surtout en plein questionnement.
Le troisième volume, Que s'obscurcissent le soleil et la lumière, paru il y a quelques jours, ne va pas nous apporter toutes les réponses. Nous ne sommes pas dans un roman policier où il s'agit de clore toutes les pistes pour parvenir à la vérité. Quand commence le roman, nous sommes en 1986, le diplomate Philippe Kellermann est conseiller de l'Elysée auprès de Mitterrand. Les élections de 1988 approchent à grands pas, et les grandes manoeuvres sont en cours. En ce mois de septembre, Paris vient de subir l'attentat de la rue de Rennes, qui a fait 7 morts et quelque 60 blessés. Ce sera le dernier d'une série de 6 pour ce funeste mois de rentrée. Frédéric Paulin nous montre comment, en haut lieu, on décide de favoriser la piste de Georges Ibrahim Abdallah, membre d'un mouvement communiste, qui sera condamné à la perpétuité. ["Le juge antiterroriste Alain Marsaud souligne : « il est désormais évident qu'Abdallah fut en partie condamné pour ce qu'il n'avait pas fait » (Wikipedia)].
Pendant ce temps, le réseau Ali Fouad Saleh est sous surveillance, et ses poseurs de bombe seront arrêtés en 1987. Tous les protagonistes, réels et fictifs, sont sur les dents. Dès la première scène, on retrouve Kellermann (un peu hors-sol), le commissaire Nicolas Caillaux (sur les nerfs), sa compagne Sandra, de la juridiction anti-terroriste. Et à la deuxième scène, changement de décor : Chirac, Pasqua, Pandraud, Raimond, Chalandon et Giraud tiennent conseil de sécurité. Michel Nada, le politicien d'origine libanaise qui hante les coulisses du RPR, est là aussi, de retour de Beyrouth. C'est là qu'on va peser sur la piste Abdallah, déjà en prison pour d'autres charges en rapport avec la cause palestinienne. Avec ce volume, la violence monte en puissance. En tout cas, c'est une véritable hécatombe, aussi bien chez les victimes de la guerre et du terrorisme que parmi les personnages de fiction qui, pas à pas, au fil de ces trois volumes, nous ont accompagnés tout au long de cette mortelle aventure. Pas de pitié, pas de happy end, qu'il s'agisse des événements politiques ou des destins privés. Si on avance dans le temps, puisque ce volume nous conduit jusqu'en 1990, on ne progresse pas pour autant au même rythme dans la compréhension des mécanismes à l'oeuvre dans ce massacre international. Paulin débusque les petites et grandes affaires, leurs conséquences sur les comportements des politiques, que leurs ambitions, leurs convictions et leurs intérêts économiques et financiers aveuglent et conduisent à des décisions qui oscillent entre cynisme, ignorance et stupidité. Le style de Frédéric Paulin accompagne l'accélération des événements, le souffle de son écriture se fait, page après page, de plus en plus profond et soutenu. Un coup de chapeau au passage au choix des titres, que l'on sent particulièrement réfléchis et qui, eux aussi, accompagnent la progression de l'histoire et des histoires. Une trilogie qui monte en puissance et en complexité, inexorablement, en même temps que le conflit, et qui aboutit chez le lecteur fasciné à un sentiment d'incrédulité mâtiné de révolte impuissante, une oeuvre qui trouve une résonance encore plus douloureuse face à la situation du monde aujourd'hui.
Frédéric Paulin, Rares ceux qui échappèrent à la guerre et Que s'obscurcissent le soleil et la lumière, Agullo éditions
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire