18 octobre 2013

Connelly "confesseur des âmes" dans Wonderland Avenue

Connelly est pour beaucoup un de ces auteurs américains prolixes qui produisent chaque année le bouquin indispensable pour faire rentrer les sous et surtout ceux de son éditeur d'ailleurs. Le résultat s'en ressent parfois avec des hauts et des bas tant au niveau de l'histoire que de la façon de la conter. Cette façon de produire systématiquement sans temps mort pour réfléchir un peu sur l'évolution d'une oeuvre est un aspect important de cette littérature consommable comme du popcorn. On lit, on digère si on peut la plâtrée d'infos, on rote un bon coup et il ne reste plus qu'à s'acheter un autre cornet de popcorn. Car en plus ces bouquins à la pelle sont faits essentiellement pour développer l'addiction. Drogue bon marché en poche mais encore assez onéreuse en première parution. Bon public, je me laisse souvent avoir par ce système qui est à des années lumières de ce que devrait être la vraie littérature quelle qu'en soit sa couleur. Jusque là vous vous dites certainement que ce que vous venez de lire ne vaut pas tripette et que c'est bien stupide de gâcher un si bel espace sur un blog de cette qualité pour balancer tant de "conneries" et enfoncer toutes ces portes ouvertes. Eh bien cette fois j'ai vraiment ressenti quelque chose de plus à la lecture de Wonderland Avenue, dernier Connelly en date paru chez Calmann-Lévy dans la collection l'intégrale MC (Robert Pépin présente). Dans sa nouvelle préface l'auteur explique sa façon d'aborder son personnage fétiche. Il est question d’empathie avec les victimes de crimes, ici c'est un tas d'os vieux de plus de 20 ans.
Ceux d'un enfant d'une douzaine d'années qui ressortent d'une tombe peu profonde mais qui vont justement nous faire plonger dans les profondeurs de l'âme du héros récurrent. Connelly, journaliste à l'origine, est un pro de l'écriture, mêlant reportage et action avec ce qu'il faut de suspens au bon moment. Lorsque ses personnages montent dans un ascenseur du fameux Centre Parker, on sait que lorsque la porte va s'ouvrir, le lecteur aura sous les yeux le vrai décor que connaissent les flics américains qui fréquentent l'endroit au quotidien. On sait aussi que les procédures décrites sont vérifiées et probablement au plus proche de la réalité. J'ai lu quelque part que Connelly fait même appel à un privé pour lui dénicher sa documentation pointue. Cela ne m'étonne pas et c'est là que l'art de l'auteur trouve sa place car à aucun moment on ne ressent le côté "je vais vous en mettre plein la vue parce que moi je sais vraiment comment ça se passe". Les descriptions de lieux glissent sous les yeux sans même que l'on s'en aperçoive. On est tout simplement dedans, comme dans un film documentaire mais sans la voix off d'un narrateur. Car comme les grands maîtres philosophes du passé, Connelly base son écriture qui détaille les arcanes d'une ville malade sur les dialogues travaillés comme le faisait Voltaire ou Rousseau. Il distille à travers les mots des autres une analyse des plus sérieuses sur un Los Angeles rongé de l’intérieur. Tout le monde en prend pour son grade: la police, la presse, le système en général.
Et au milieu de tout ça Harry Bosch sert de fil conducteur à l'auteur qui devait en avoir "gros sur la patate" lorsqu'il a écrit ces 340 pages qui nous font voyager dans un enfer que Dante n'aurait pas renié. Les flics de Connelly piétinent, souffrent et meurent mais ils n'ont pas ce côté lourdingue et "crade" de nos productions télévisuelles hexagonales. Je ne serais pas étonné que Connelly ait une véritable admiration pour certains de ces hommes en bleu avec leurs voitures qui sentent le vomi un jour sur deux. Et si son personnage est tellement sujet aux états d'âme c'est sa façon de leur envoyer un message d'espoir à travers les yeux des lecteurs qui, ne l'oublions pas, sont avant tout américains car on sent presque à chaque ligne que Connelly écrit pour ses concitoyens et que nous autres, avides de traductions heureusement souvent très bien faites ne pouvons pas tout comprendre de ce qui est dit dans ce roman. Un peu comme une chanson des Stones et des Beatles qu'on écoutait dans les années 60 en n'ayant aucune notion ou presque de l'anglais. Mais la musique de Connelly est belle alors pourquoi se priver !
Fred

Michael Connelly, Wonderland Avenue, traduit de l'américain par Robert Pépin, Calmann-Lévy, collection "Robert Pépin présente"

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