Les tueurs en série ne sont pas seulement la source d’inspiration d’auteurs de thrillers plus ou moins « gore », de ceux qu’on oublie aussitôt après les avoir lus vu qu’ils se ressemblent à peu près tous. Quand le sujet tombe entre les mains d’auteurs de talent comme l'Écossais Liam McIlvanney, c’est une autre affaire. Son nouveau roman, Le Quaker, est basé sur un cas réel, celui du fameux Bible John, qui sema la terreur à Glasgow à la fin des années 60 et serait à l’origine d’au moins trois meurtres. Comme Bible John, le Quaker de McIlvanney s’attaque à de jeunes femmes mères de famille, sorties danser au Barrowland pour ne jamais revenir. Comme les victimes de Bible John, celles du Quaker sont étranglées avec leurs propres bas, violées, violemment battues. Et surtout, elles ont leurs règles au moment de leur mort… Bible John a terrorisé l’Ecosse – d’ailleurs Ian Rankin y fera allusion dans L’Ombre du tueur - , et ce d’autant plus qu’il ne sera jamais ni identifié, ni, par la force des choses, arrêté…
Et c’est là que McIlvanney joue son atout maître, en donnant la parole aux différentes victimes, qui vont raconter leur soirée – et leur mort. De leurs récits va naître chez le lecteur un sentiment de compassion, voire de colère : le lecteur se retrouve ainsi dans la même position que McCormack. Désormais, inutile d’essayer d’arrêter la lecture : vous êtes piégé… D’autant que McIlvanney ne ménage pas ses efforts : fausses pistes, constructions théoriques aussi vite démolies qu’élaborées autour des motivations du tueur, impasses, faux-semblants… L’enquête de McCormack va se révéler aussi difficile qu’il l’imaginait.
Le Barrowland de Glasgow (Finlay McWalter [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/)] |
Et puis il y a Glasgow, personnage à part entière de ce roman noir. Le Glasgow des années 60, en pleine déréliction, où les taudis démolis cèdent la place aux barres d’immeubles et aux tours inhumaines, où ceux qui n’ont pas eu la chance – relative – d’être relogés dans les nouveaux quartiers, zonent dans la rue, dorment dans les taudis qui n’ont pas encore été démolis, complètement abandonnés par des pouvoirs publics qui, apparemment, ont d’autres priorités. Terreau idéal pour le banditisme : les quartiers les plus pauvres sont vite investis par des bandes de plus en plus organisées, avec à leur tête des chefs de plus en plus puissants. C’est ce Glasgow-là que raconte Liam McIlvanney, nous entraînant à la suite de McCormack dans les rues mal famées, les dancings désuets, reconstituant l’époque à coups de séries télé populaires, de marques de cigarettes disparues et de chansons du moment. Une réussite déjà récompensée par de nombreux prix, et qui mériterait un beau succès en France. Croisons les doigts.
Liam McIlvanney, Le Quaker, traduit par David Fauquemberg, Métailié Noir
A lire également, la chronique du précédent roman de Liam McIlvanney, Là où vont les morts.
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