Dans la famille McIlvanney, voici donc le fils, Liam. Dans Là ou vont les morts, nous retrouvons Gerry Conway, le personnage principal de son roman précédent, Les couleurs de la ville. A l'époque, il dirigeait le service politique du Sunday Tribune de Glasgow. Dans Là où vont les morts, on comprend vite qu'il a lâché les rênes pour d'autres aventures, et s'en est revenu au bercail pour trouver à sa place de star du Tribune le journaliste Martin Moir, qu'il a quasiment porté sur les fonds baptismaux du journalisme quelques années auparavant. Martin Moir est presque un archétype de journaliste de roman noir : alcoolique, spécialiste des affaires troubles et du milieu glaswégien, Moir s'est fait une spécialité de disparaître plusieurs jours de suite...
Le roman se déroule à la veille du référendum sur l'indépendance et des Jeux du Commonwealth: c'est dire que l'ambiance n'est pas à la sérénité en Écosse, où les hommes les plus en vue sont tiraillés entre engagement politique et marchés publics juteux... Donc Moir a disparu. Et pourtant, on a bien besoin de lui au Tribune. William Swan, lieutenant de Hamish Neil, un des deux parrains de Glasgow, également footballeur populaire, vient d'être abattu. Gerry Conway est responsable du service politique : pourquoi l'envoyer traiter ce fait divers ? Parce que Moir est introuvable, bien sûr. Et aussi parce que quand il est question de Neil, il est aussi, forcément, question de politique. Gerry renâcle, mais s'exécute.
Donc Moir a disparu. Problème : la disparition est définitive cette fois. On retrouve son corps, les mains ligotées au volant de sa voiture fracassée au fond d'une carrière inondée. Suicide ? Le texto envoyé par Moir à Conway juste avant sa mort semble le prouver. Quoique... pas si sûr. Voilà donc Conway embarqué dans une enquête au centre de la vie politique et économique de Glasgow, confronté aux deux camps de la pègre locale, mis en danger, en proie au doute : qui était vraiment Martin Moir? Un journaliste tête brûlée ou un vendu ? Au cœur du roman : la corruption bien sûr, la collusion entre pouvoir politique, pouvoir économique et pression mafieuse, mais aussi le devenir de la presse écrite. Liam McIlvanney connaît visiblement bien son sujet, et se montre extrêmement précis et crédible sur le sort peu enviable des journaux et des journalistes à l'heure des regroupements et de l'internet roi.
McIlvanney fait preuve d'un talent peu commun : il sait équilibrer une intrigue criminelle bien construite, riche en rebondissements et en remises en question, avec une peinture sans concession mais pleine d'amour de sa ville et de son pays d'origine. Il sait aussi faire une place de choix à la vie personnelle de son héros, père de deux garçons d'un premier mariage et d'un petit Angus né de son union avec Mari la Néo-zélandaise. Vie professionnelle et vie personnelle se nourrissent l'une de l'autre, influent l'une sur l'autre pour le meilleur et pour le pire. Si on ajoute que Liam McIlvanney écrit dans un style lyrique particulièrement prenant, surtout lorsqu'il s'attache à décrire la ville et des métamorphoses, dans une langue précise et moderne, alors bien sûr, la conclusion s'impose : Là où vont les morts est une lecture fortement conseillée.
Liam McIlvanney, Là où vont les morts, traduit de l'anglais (Ecosse) par David Fauquemberg, éditions Métailié
L'actualité totalement subjective du roman policier et du roman noir, films, salons, rencontres avec des auteurs,...
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Articles récents
Benjamin Myers connaît auprès du public français un parcours aussi original que sa personnalité, parcours qui favorise peu la découverte de ses livres profondément originaux, salement noirs, ... Lire la suite
03 Novembre 2024
Avertissement au lecteur puriste : ce livre n'est pas un roman noir. Sauf à le considérer comme une enquête de David Peace sur l'auteur japonais, et à travers elle une mise à nu de l'auteur ... Lire la suite
27 Octobre 2024
Après L'eau rouge et La femme du deuxième étage, voici le troisième roman traduit en français du Croate Jurica Pavičić, qui, en trois ans, a remporté de nombreux prix et réussi à conquérir un public ... Lire la suite
11 Septembre 2024
Ce roman n'est pas une nouveauté, mais autant l'avouer, je me suis prise d'affection pour Keigo Higashino, et certains de ses romans se glisseront subrepticement au fil de ces chroniques, au rythme ... Lire la suite
05 Septembre 2024
Stéphane Grangier nous a habitués dans ses précédents romans (Hollywood Plomodiern et Fioul, tous deux parus chez Goater noir) à des histoires de paumés, de dérives plus ou moins dangereuses, de ... Lire la suite
04 Septembre 2024
Entre 1975 et 1977, j'habitais une petite rue entre Opéra et Madeleine. Des professionnelles de la profession y exerçaient leur métier à bord de leur Austin Mini, toute blondeur dehors. Il n'y avait ... Lire la suite
21 Aout 2024
La dernière fois que je vous ai parlé d'Adrian McKinty, c'était il y a un peine un an, sur le mode dépité, après la lecture d'un thriller plus que moyen, Traqués, signé de notre irlandais préféré. ... Lire la suite
14 Aout 2024
En 2019, nous découvrions avec enthousiasme Le Quaker de Liam McIlvanney et son enquêteur l'inspecteur McCormack, confronté à un serial killer et surtout à une ville en pleine déréliction, Glasgow ... Lire la suite
29 Juillet 2024
Chaque année, la parution d'un nouveau Valerio Varesi est un moment privilégié : certes, on éprouve un certain confort à retrouver Soneri, c'est le principe du personnage récurrent. Mais avec ... Lire la suite
30 Mai 2024
Arpàd Soltész, auteur de Colère (voir la chronique ici), était présent au festival du Goéland Masqué (Penmarc'h) du 18 au 20 mai 2024. Depuis peu, il a quitté la Slovaquie pour s'installer à Prague ... Lire la suite
24 Mai 2024
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire