Jerome Charyn parle du Bronx
On était arrivé au bout, on ne pouvait pas aller plus loin, franchir la ligne. Ou alors entrer dans l'eau, se tuer. On vivait dans un univers d'inadaptés. La violence était la clé de tout, il y avait des bagarres tous les matins. Un jour, j'ai poussé quelqu'un du haut d'un toit. Il aurait pu se tuer. Nous vivions avec des gens en échec total. Si j'ai survécu, c'est grâce à mon frère, qui était craint. Quelqu'un lui a mis un revolver sur la tempe. Il a saisi le canon, et l'autre ne pouvait plus tirer... Pas la peine de se battre avec lui, c'était l'échec assuré. Ce chaos est devenu un énorme avantage pour moi : il m'a permis de voir des choses que les autres gamins ne voyaient pas.Je connais bien le chaos, je danse avec le chaos, je fais l'amour avec lui. Je savais que les mots allaient me permettre de survivre dans ce monde-là. La langue est comme une arme, elle griffe, IL faut trouver le rythme, l'écrivain doit trouver sa musique à lui, et une fois qu'il l'a trouvée, le langage surgit, il y a quelque chose qui te pousse, ta vie devient une série d'aventures pittoresques, et tu rebondis de catastrophe en catastrophe, en espérant qu'au bout du compte tu parviendras à te sortir de là...