La Slovaquie, partie de l’ex-Tchécoslovaquie de 1918 jusqu’à
son indépendance en 1992, fait aujourd’hui partie de l’Union européenne et de
la zone euro. Un bilan idyllique qui pourrait laisser penser à un observateur
négligent que tout va bien sous le soleil de Slovaquie… Mais en ces périodes de
commémoration de la chute du Mur de Berlin, il n’est pas inutile de se pencher
sur le sort de ces pays qui, après avoir subi le joug soviétique, se sont
retrouvés plongés dans ce qu’on appelle la modernité et le libéralisme. Arpád
Soltész, journaliste et premier auteur de roman noir slovaque publié en France,
a pris à bras le corps cette mission colossale… Avec Il était une fois dans l’Est,
il dresse un bilan inquiétant et brosse un portrait impitoyable de l’état des
choses en Slovaquie.
Croyait-on vraiment que le passage de la contrainte
soviétique aux joies du capitalisme débridé s’était déroulé sans douleur et
sans conséquences ? Si telles étaient nos illusions, Arpád Soltész, avec
Il était une fois dans l’Est, les fait voler en éclats. Nous sommes à l’est de
la Slovaquie, bien loin de la capitale Bratislava, tout près des frontières
hongroise, polonaise et ukrainienne. Là-bas plus qu’ailleurs, on va le voir, le crime et la
corruption franchissent allègrement les frontières…
C’est la très jeune Veronika qui va servir de fil rouge à l’histoire :
là-bas comme ailleurs, les femmes sont les premières exposées aux convoitises,
qu’elles soient sexuelles ou financières, voire les deux à la fois. Ce jour-là,
à la fin des années 1990, Veronika, 17 ans, fait du stop en face d’un
hypermarché : « cet endroit est un abcès purulent sur le trou du cul
du monde », écrit Arpád Soltész. Le ton est donné. Il fait très chaud, il
pleut à verse, Veronika est trempée dans ses leggins, son méchant tee-shirt
moulant, perchée sur ses talons hauts. Elle sort tout juste d’une galère avec
un sale type qui l’a traitée comme une moins que rien, elle n’a plus un sou
pour rentrer chez elle, à Kamenná Roztoka, un bled à l’est de Košice.
Košice - (Source : http://www.traveltipy.com) |
La
Mercedes verte qui s’arrête devant elle est donc la bienvenue. Les deux vieux
types – quarante ans, au moins – qui occupent la Mercedes n’ont rien de
séduisant. Les présentations sont vite faites : Mammouth et Vasil’, les
deux hommes ont un accent russe. Ou ukrainien. A la radio, Britney Spears braille. Le lecteur sait d’ores et déjà que les deux
hommes de la Mercedes ont une idée derrière la tête. Bientôt, Veronika aussi.
Le lecteur et Veronika ont raison, puisqu’elle va bientôt prendre une beigne,
se faire dépouiller de son sac à main et de son vieux téléphone, avant de se
retrouver enfermée dans un minable appartement puant, où règne une chaleur d’enfer.
Brutalisée, violée successivement par les deux hommes qui, clairement, s’apprêtent
à la vendre à un réseau de prostitution après avoir copieusement abusé d’elle.
Les Albanais ? Ce serait le pire. Veronika est terrorisée, elle a raison.
Elle a de la chance dans son malheur, car ces deux ordures sont aussi de
parfaits imbéciles. Veronika parvient à s’échapper. Mais le cauchemar n’est pas
terminé. Maintenant, il va falloir fuir, puis se cacher…
A partir de là, Arpád Soltész va déployer un incroyable
dispositif narratif, avec une galerie de personnages plus repoussants les uns que les autres, parmi
lesquels il faudra batailler pour trouver le chevalier qui essaiera de sauver
la blanche damoiselle. Ce chevalier-là est journaliste, il s’appelle Pavol
Schlesinger. Et on n’a pas idée des couleuvres qu’il va devoir avaler pour
mener à bien – ou pas – sa mission. Ce journaliste-là n’a pas froid aux yeux,
et sa curiosité n’a pas de limites. Il
va devoir plonger dans un maelström de corruption, de violence, de mort et de
sang. Croiser le fer avec la grande internationale du mal, apprendre la
compromission : dans cette région frontalière, les malfrats viennent de
partout, y compris des anciens services secrets, les politiciens sont pourris
jusqu’à la moëlle, les hommes de loi aussi : la globalisation n’est pas un
vain mot. Et face aux policiers, la plus grande méfiance est de rigueur. D’où peut venir le salut ? De nulle
part, probablement… Puisque 20 ans plus tard, certains protagonistes sont
toujours là. Les juges sautent sur des
bombes dans les toilettes, les jeunes filles continuent à faire le tapin là où
Veronika a été enlevée, et la vengeance a de multiples visages…
Arpád Soltész, Il était une fois dans l’Est, traduit par
Barbora Faure, Agullo éditions
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