23 février 2014

Olivier Bordaçarre et son "Dernier désir" à la librairie Charybde

Jeudi 20 février : Hugues Robert accueille à la librairie Charybde (129 rue de Charenton - 75012 Paris) Olivier Bordaçarre, venu parler de Dernier désir (voir la chronique ici) et de son travail d'écrivain. Morceaux choisis.

Olivier Bordaçarre, en plus de son activité de romancier, travaille aussi pour le théâtre en tant qu'auteur, metteur en scène et acteur. Après avoir interprété à haute voix le chapitre 4 de Dernier désir, une dizaine de pages qui brosse un portrait à la fois savoureux et inquiétant du personnage de Vladimir Martin, il était naturel que l'auteur enchaîne sur le lien entre théâtre et roman, et presqu'aussitôt évoque la musique, qui tient toujours un rôle central dans ses romans.

Roman, théâtre et musique
Mon expérience au théâtre m'aide à trouver des voix, à être au plus près des langages des personnages. Dans la construction d'un personnage, tout commence par le langage, le vocabulaire. Souvent, entre deux romans, j'écris du théâtre pour "recharger les batteries".
Il m'arrive de choisir un disque, de mettre le casque et d'écrire en musique, puis de relire à voix haute pour savoir comment ça sonne. J'aime bien le côté percussif de la lange, j'aime quand ça claque, quand ça papote... J'aimerais bien que mon écriture, ce soit de la musique. J'aimerais bien qu'une phrase soit comparable à un morceau de jazz, par exemple.Il faut que les personnages aient un corps, une voix, des organes. On a tous une musique dans le corps. Je pense que Vladimir Martin a en lui une musique extrêmement lancinante, un cœur qui bat très lentement, il déglutit à peine, il est sec, il n'a pas de salive. C'est une sorte de machine qui s'est fixé un but et toute cette machinerie, avec ses cliquetis, ses silences et ses basses, le porte vers son objectif.




La dimension politique
Vladimir Martin est une puissance. Comme il y a une dimension politique dans ce livre, je voulais utiliser un personnage qui représente la puissance de la consommation, qui constitue une allégorie du consumérisme. Il représente le stade ultime de la consommation : ayant tout gagné, tout consommé, il n'y a plus qu'une chose à désirer : les voisins.

La peur et le territoire
Cette question du consumérisme est présente chez moi depuis longtemps. La France tranquille (voir chronique ici) était un livre sur la peur. Dernier désir, c'est un livre sur le territoire. Comment les territoires se créent, comme on se crée son propre territoire, qu'est-ce qu'on met autour pour se protéger. Cette sorte de bulle qui peut être une barrière, des barbelés, des caméras de surveillance, quelle est sa porosité ? Ce territoire peut-il être violé? Même la musique qu'on écoute est une bulle : elle est à nous, elle est le fruit d'un désir, elle fait référence à des souvenirs, des rencontres, et tout cela crée un territoire. Le capitalisme est une machine qui prend possession des territoires, et qui a pratiquement gagné puisqu'il a conquis presque tous les territoires. Vladimir Martin est un envahisseur, un suceur de sang de territoire.

Des portes de sortie ?
Il m'apparaissait évident que cette histoire était une descente aux enfers. Quelles sont les portes de sortie possibles ? C'est peut-être au lecteur aussi de les inventer.
Jonathan et Mina essaient d'être heureux dans un monde difficile, dur, violent. Ce serait un exploit de leur part de ne pas être impactés par cette violence qu'ils subissent, comme tout le monde. En croyant la fuir, ils restent dans le monde, avec des voisins qui peuvent débarquer, d'un jour à l'autre. Ce sont des gens fragiles, peu sûrs d'eux.

Qu'est-ce qu'un couple ?
(...) Ce qui relie Jonathan et Mina est fragile aussi. A un moment donné, Jonathan se pose la question de ce qui existe entre Mina et lui. Qu'est-ce que c'est que cette chose qui existe dans un couple, qui n'est tout à fait ni chez l'un ni chez l'autre, qui est le fruit d'une construction à deux, d'une complicité, d'un langage commun, de désir, d'envie d'aventure, d'inconnu. Quelle est la solidité de cet entre-deux, quelle est sa fonction dans un couple? Ce petit territoire autonome entre Jonathan et Mina, qui serait leur joyau, leur roman à eux, quelle est sa solidité,quelle est sa fonction? Cet entre-deux des couples n'est-il pas toujours menacé par quelque chose qui pourrait venir bousculer l'ordre des choses? Qu'est-ce qui fait qu'on est ensemble, ou qu'on n'est pas ensemble ?




Les projets
J'ai commencé un travail qui parle de l'image de soi et de la publicité. Et ça ne se passera ni dans le Berry, ni en Beauce, comme l'a souligné un journaliste de L'Humanité. En lisant l'article, je me suis dit : "Je suis un écrivain de la ruralité". Donc le prochain se déroule à Paris. Et c'est aussi une histoire d'amour qui se passe très mal...


Les romans d'Olivier Bordaçarre sont publiés chez Fayard.

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