Le Blog du Polar de Velda
L'actualité totalement subjective du roman policier et du roman noir, films, salons, rencontres avec des auteurs,...
18 février 2025
Ian Rankin, "Minuit à l'ombre" : la vingt-cinquième enquête
Voilà, Ian Rankin a osé… Sa 25e enquête, c'est de la prison que John Rebus la mènera. Dans le roman précédent, Un cimetière dans le cœur (voir chronique ici ), Ian Rankin avait expédié John Rebus au tribunal, au banc des accusés, soupçonné du meurtre de Big Ger Cafferty, et le livre se terminait par un grand point d'interrogation. Voilà la réponse : dans Minuit à l'ombre, Rebus est bel et bien enfermé à la prison de Saughton à Edimbourg depuis trois mois, son avocat a fait appel. Le plus étonnant, c'est que ça ne paraît pas l'avoir affecté tant que ça… Il est encore à l'isolement, mais la direction de la prison a l'intention de le réintégrer au reste de la population carcérale. Où il va retrouver bon nombre de ceux qu'il a contribué à faire mettre à l'ombre. Ca va lui changer les idées, ça va aussi le mettre en danger. Mais finalement John Rebus est étonnamment solide, malgré son grand âge et sa santé fragile. Et l'atmosphère de la prison semble plus angoissante pour le lecteur que pour lui ! Le voilà dans son élément : un environnement où sont concentrés tous les maux qu'il a passé sa vie à combattre, finalement. Dans sa petite cellule, il a à portée de main les livres qu'il s'est promis de lire, des photos de sa fille et de sa petite-fille, une télé et même un téléphone fixés au mur. Ne manque que la musique. Bien sûr, le téléphone n'est utilisable que sur réservation et après paiement, et les appels sont écoutés. Une version plutôt confortable de l'enfer, en quelque sorte. Mais ça ne va pas durer.
11 février 2025
Nicolas Le Flahec, "Jean-Patrick Manchette : Ecrire contre": un auteur phare, un angle fécond
Tous ceux qui s'intéressent au polar et au roman noir le savent bien : il est difficile d'aborder le sujet sans qu'à un moment ou un autre le nom de Jean-Patrick Manchette jaillisse et déclenche des discussions aussi infinies qu'animées. Plus que celui de Simenon, par exemple. Pourquoi ? Les raisons sont multiples, elles sont bonnes ou mauvaises, de bonne foi ou de mauvaise foi. Le nom de Manchette semble porter en lui toutes les questions que les romanciers du genre et leurs lecteurs se posent, se sont posées ou se poseront. Le problème étant que, trop souvent, les réponses empruntent des raccourcis qui faussent l'itinéraire et aboutissent à davantage de questions encore. La somme que l'universitaire Nicolas Le Flahec consacre à Manchette est une étape décisive dans la connaissance en profondeur du travail de Manchette, mais aussi de sa pensée. Et l'angle qu'il a choisi ("Contre") lui permet d'en explorer les multiples facettes, en passant par ses contradictions, ses doutes et les chemins qu'il emprunte, parfois inattendus.
16 janvier 2025
Séverine Chevalier, "Théorie de la disparition" : l’histoire de la femme invisible
Démarrer l’année avec Séverine Chevalier, c’est un peu un luxe… Chacun de ses romans est une nouvelle exploration, qui va chercher en nous ce qui est bien enfoui, noir, gris ou blanc. Avec Théorie de la disparition, la lecture est encore une fois l’occasion de retrouver des souvenirs, des sentiments, des situations plus ou moins familières. Le personnage principal, qui est également la narratrice, s’appelle Mylène. Et elle écrit à la première personne.
Qui est Mylène ? Justement, toute la question est là. Mylène
est l’épouse de Mallaury. Tout de suite, pour identifier Mylène, c’est par
Mallaury qu’on va passer. L’homme est écrivain, il lui arrive de remporter des
prix, d’écrire des séries qui rapportent, et aussi d’être invité à des salons
littéraires et à des résidences d'écrivain aux quatre coins du pays. Dans ces cas-là, Mylène est l’intendante.
C’est elle qui emporte toujours un fer à repasser, pour que ses chemises bleues
à lui soient toujours impeccables.
3 novembre 2024
Benjamin Myers, "Le prêtre et le braconnier" : une parabole vénéneuse
Benjamin Myers connaît auprès du public français un parcours aussi original que sa personnalité, parcours qui favorise peu la découverte de ses livres profondément originaux, salement noirs, profondément ancrés dans cette région du nord de l'Angleterre qui nous a déjà donné bien des auteurs dans le domaine qui nous est cher, le Yorkshire. Avec Ben Myers, on n'est pas dans le Yorkshire urbain, désolé, post-industriel ravagé par la pauvreté. Avec Ben Myers, on est plongé au cœur de la campagne du nord, de ses paysages hostiles, de son climat rude, et de sa beauté noire. On lui doit déjà Dégradation et Noir comme le jour (voir ici et ici ), mais aussi Au large, un beau roman d'apprentissage, qui a remporté un grand succès au Royaume-Uni et en Allemagne et est curieusement passé "sous les radars" en France.
27 octobre 2024
David Peace, Patient X - Le dossier Ryunosuke Akutagawa
Avertissement au lecteur puriste : ce livre n'est pas un roman noir. Sauf à le considérer comme une enquête de David Peace sur l'auteur japonais, et à travers elle une mise à nu de l'auteur David Peace lui-même. C'est une option tentante, mais qui ne rend pas entièrement compte de ce que Patient X donne à son lecteur. Ryūnosuke Akutagawa est né en 1892 et s'est donné la mort en 1927. Il a consacré sa courte vie à un amour sans limites pour la littérature, dont il s'est attaché à connaître les multiples facettes, s'intéressant aussi bien aux contes japonais et chinois qu'à la littérature occidentale. Dans nos régions, on le connaît surtout à cause du film de Akira Kurosawa, Rashomon, qui est en réalité largement inspiré par une autre nouvelle de Akutagawa, Dans le fourré, publiée en 1922. La confusion étant due au fait que les deux contes (Rashomon et Dans le fourré) se déroulent tous deux au même lieu, près de la porte Rasho qui ouvre l'accès sud à la ville de Kyoto. Alors, avec Patient X, est-ce une biographie que nous avons entre les mains ? Un hommage ? Tout cela à la fois, sans doute, et aussi, peut-être, une introspection.
11 septembre 2024
Jurica Pavičić, "Mater Dolorosa" : L'amour (maternel) à mort
Après L'eau rouge et La femme du deuxième étage, voici le troisième roman traduit en français du Croate Jurica Pavičić, qui, en trois ans, a remporté de nombreux prix et réussi à conquérir un public français fidèle et fervent (voir ici). On n'oubliera pas son recueil de nouvelles Le collectionneur de serpents, où il faisait un portrait saisissant de son pays et son histoire tourmentée. Avec Mater Dolorosa, il démontre une fois encore qu'il mérite largement le qualificatif de romancier féministe - qu'il accepte d'ailleurs volontiers. Dans tous ses romans, Jurica Pavičić travaille en virtuose à un équilibre entre histoire personnelle et histoire politique et sociale. Avec Mater Dolorosa, il a peut-être réussi à atteindre une forme de perfection en la matière.
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