16 septembre 2011

Choisir un mode narratif : l'avis de David Morrell, papa de Rambo !

David Morrell est auteur de thrillers à succès et enseigne la littérature américaine à l'Université d'Iowa. Il est notamment le père de Rambo ! Voilà ce qu'il pense de la question du "point de vue" narratif.

"La décision du point de vue narratif est probablement une des plus importantes pour l'auteur qui commence un roman. C'est un outil d'écriture fondamental et son choix est déterminant. Quel que soit votre choix, il faut le faire délibérément, en toute conscience, savoir pourquoi vous faites ce choix et ce que vous allez en faire. Un mauvais choix peut littéralement mener un projet à sa perte.

La première personne
On écrit du point de vue du narrateur, avec le pronom "Je". S'il est bien utilisé, ce mode narratif est formidable. Hélas, il est souvent mal utilisé. Les auteurs débutants l'utilisent souvent parce qu'il paraît plus facile. On écrit comme on parle, non ? Non ! Là est le piège. Si vous écrivez comme vous parlez, comme si vous racontiez une histoire à voix haute, vous êtes pratiquement certain d'échouer. Avec la première personne, les pièges sont nombreux : verbiage, manque de précision (comme quand on raconte à voix haute). On n'utilise que l'aspect visuel, ce qui aboutit à une écriture plate et unidimensionnelle. Ce n'est pas le travail de l'auteur que de donner au lecteur la possibilité de voir ce qui se passe, en revanche c'est à lui de faire ressentir au lecteur ce qui se passe. En général, cela produit une certaine cohérence. On se demande : "Mais pourquoi ce type prend-il le temps de s'asseoir et de raconter sa vie en 300 pages. Est-ce bien logique ?
Pour paraphraser Henry James, la première personne est un piège pour ceux qui ne se méfient pas. Mais bien utilisée, cela peut être très efficace.

La troisième personne omnisciente
La voix qui sait tout, l'histoire racontée d'une perspective divine. Un style qui choisit une perspective historique - voilà ce qui est arrivé, voilà ce qu'ont pensé, ressenti et fait ces personnes. Cette forme était privilégiée dans la littérature du XIXe siècle. Elle a tendance a ralentir le récit, car alors l'histoire est racontée, et non pas matérialisée. Aujourd'hui, cette forme est démodée et peu utilisée, sauf si l'on veut faire une parodie.

La deuxième personne
C'est le temps du "vous / tu" (par exemple : "vous descendez la rue, sans savoir ce que vous allez trouver au coin.") Un style expérimental qui ne peut être utilisé que dans des cas très spécifiques. Jay McInerney l'utilise dans Journal d'un oiseau de nuit pour exprimer l'état du personnage, sous l'effet des stupéfiants.

La troisième personne "limitée"
On raconte à travers le point de vue d'un personnage, on ne voit que ce qu'il voit, on ne pense que ce qu'il pense. Il est possible de changer de personnage en cours de route, mais on se limitera à un personnage à la fois. Généralement, le point de vue change avec les chapitres, mais il est possible de le faire à l'intérieur d'un chapitre. Dans ce cas, l'auteur doit alors fournir à son lecteur une indication visuelle qui lui montre que le point de vue a changé. Sauter quelques lignes par exemple. Ce mode narratif est le plus utilisé et, par défaut, le meilleur pour la plupart des romans.

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