Voilà le deuxième roman signé par l'ex-financier d'origine indienne formé à la London School of Economics Abir Mukherjee, Écossais d'adoption. Le premier, L'attaque du Calcutta-Darjeeling, lauréat du prix Polar européen - Le Point 2020 - nous a permis de faire la connaissance du capitaine Wyndham, ancien de Scotland Yard et tout juste débarqué à Calcutta, et de son adjoint indien, le sergent Banerjee. Ensemble, ils avaient élucidé, après moultes péripéties, le meurtre d'un haut fonctionnaire. Déjà, l'auteur faisait preuve d'un humour redoutable et d'une connaissance parfaite de l'Inde des années 20... Déjà, le roman nous plongeait directement dans l'atmosphère dépaysante de l'Inde coloniale, se moquait des manières des Anglais et dépeignait un monde complexe et fascinant, mélange de traditions ancestrales, de corruption et de danger.
Avec Les Princes de Sambalpur, Wyndham a gagné un peu d'expérience ... mais pas tant que ça : il reste abonné aux gaffes, et son attitude envers les autochtones n'a pas perdu toute trace d'un racisme qui est surtout de l'incompréhension. Banerjee, lui, est toujours aussi discret et efficace, servant de poisson pilote à son chef britannique en toute diplomatie... Dans cette nouvelle enquête, ces deux-là font faire preuve d'une belle complémentarité et se trouver confrontés aux jeux de pouvoir et de hiérarchie des petits royaumes rivaux et des potentats qui ne reculent devant rien pour préserver leurs prérogatives et leurs sordides secrets. Abir Mukherjee n'a rien perdu de sa malice, on le comprend dès le premier paragraphe du roman : "On ne voit pas souvent un homme avec un diamant dans la barbe. Mais quand un prince ne trouve plus de place sur ses oreilles, des doigts et ses vêtements, je suppose que les poils de son menton conviennent tout aussi bien." Le ton est donné : l'auteur nous entraîne d'emblée dans une aventure où les descriptions fleuries rivalisent avec les péripéties inattendues, où le dépaysement n'a rien d'un exotisme de pacotille, et où la lucidité, voire un certain cynisme, prennent toute leur place.
Temple de Samaleswari à Sambalpur - Photo Aditya Mahar - Wikimedia Commons |
Pour ce roman, Mukherjee a choisi de nous familiariser avec les petits royaumes indiens, plus de 500 dans tout le pays, avec à leur tête autant de vice-rois entourés de leur cour et... de leur arrière-cour. C'est au cœur de ce système complexe aux règles tortueuses que vont devoir enquêter Wyndham et Banerjee, qui lui-même se retrouve parfois démuni face au fonctionnement bien particulier du royaume de Sambalpur, territoire qui doit son opulence à ses mines de diamants. L'aventure commence par un échec cuisant : nos deux héros ne parviennent pas à éviter le pire, à savoir le meurtre du prince Adhir, fils aîné du maharajah. L'assassinat a lieu sous leurs yeux, et leur amour-propre en prend un coup. D'autant qu'ils ne sont pas au bout de leurs peines.
L'enquête va mener les deux compères aux portes du harem du maharajah et là, les règles changent, encore une fois... Pour ce roman, Abir Mukherjee s'est inspiré "de l'histoire des bégums de Bhopal, une dynastie de reines musulmanes qui ont gouverné l'État princier de Bhopal de 1819 à 1926". L'incursion des héros romanesques dans le monde secret des harems confère au roman un intérêt tout particulier et donne à Mukherjee l'occasion de nous offrir des portraits très réussis de femmes plus ou moins fatales. Dans ce monde-là, les dieux ont bon dos... L'auteur n'a pas son pareil quand il s'agit, à la fois, de divertir son lecteur par une intrigue réjouissante et un dépaysement total dans le temps et dans l'espace, et d'enrichir sa culture. Ce n'est pas un hasard s'il a obtenu deux fois la prestigieuse Historical Dagger Award, et on a hâte de savoir ce qu'il nous réserve dans les prochains épisodes de la série.
Abir Mukherjee, Les princes de Sambalpur, traduit par Fanchita Gonzalez Battle, Liana Levi
bonjour
RépondreSupprimervoilà qui va me pousser à dévorer le "calcutta-darjeeling" disponible en poche , de cet auteur repéré à la sortie de son premier opus
jp frey penmarc'h
Vous pouvez y aller... les yeux fermés. Enfin presque !
SupprimerJ'ai beaucoup aimé le premier de la série, celui-ci m'attend. C'est du bon polar historique.
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