Juste avant la rentrée et son avalanche de nouveautés, pas
question d’oublier Ian Rankin et La maison des mensonges, le nouvel épisode des
enquêtes de l’inspecteur Rebus. John Rebus est à la retraite. Mais le concept même
de retraite n’est pas compatible avec le personnage, on le sait bien. Il sort par
la porte et rentre par la fenêtre, tel est son destin. Toujours installé dans son
appartement d’Arden Street, à Edimbourg, en compagnie de son chien Brillo, qui
l’oblige, chaque jour, à accomplir son devoir de promeneur dans les Meadows,
toujours plus ou moins engagé dans une relation amoureuse avec Deborah Quant, la
légiste, toujours atteint du syndrôme respiratoire qu’il doit à son passé de fumeur,
Rebus mâche des chewing gum à la nicotine et tâche de passer le temps… Jusqu’à
ce que ressurgisse une vieille histoire…
Nous sommes en 2018, en février. Quatre gamins en vacances
se baladent en vélo dans les bois et tombent sur un cadavre de voiture tapi au
fond d’un trou, recouvert de feuilles et de ronces. Et, accessoirement, sur un
cadavre humain tapi dans le coffre de la vieille Polo, les pieds attachés par
des menottes de police. C’est Siobhan Clarke, vieille complice de John Rebus
qui est chargée de l’enquête. L’identification du cadavre ne tardera pas, et
avec elle l’implication, inévitable, de John Rebus. Le mort est un détective
disparu en 2006, Stuart Bloom, ancien journaliste devenu enquêteur. Au moment
de sa disparition, il travaillait sur une affaire immobilière aux dessous pas
très propres… L’affaire avait tourné court, la police avait vite rendu son
tablier face à une affaire qui impliquait trop de gros bonnets, et à un disparu
homosexuel dont la famille, douze ans plus tard, n’a de cesse que quelque
chose, enfin, oblige à rouvrir l’enquête. A l’époque, Stuart Bloom entretenait
une relation amoureuse avec Derek Shankley, le fils d’un flic de Glasgow…
Edimbourg - Leith |
John Rebus le sait, l’investigation a été honteusement bâclée.
Aujourd’hui, il va se montrer incontournable, même si les enquêteurs « officiels »
ont bien du mal à s’habituer à ses méthodes peu orthodoxes. En 2006, l’affaire
avait été largement prise en mains par des flics véreux, surnommés les Chuggabugs
en souvenir d’un célèbre dessin animé de l’époque. Mais cette fois, il va bien
falloir que la vérité jaillisse, même si les Chuggabugs sont toujours là.
Siobhan Clarke, elle, se débat avec un harceleur qui ne cesse de l’appeler au téléphone,
tague sa porte et lui rend la vie impossible. Quant à Malcolm Fox, toujours
basé à Gartcosh, dans l’unité ultra-moderne de Police Scotland, il s’y ennuie
copieusement, sans l’avouer, et fait des pieds et des mains pour être intégré à
l’enquête.
Voilà donc l’équipe au complet, Rebus, Clarke et Fox. Et le moindre
des intérêts de La maison des mensonges n’est sans doute pas l’évolution des
relations entre ces trois-là… Entre Rebus et Clarke, une relation de plus en
plus paternelle : Rebus ne pourra pas s’empêcher d’enquêter sur le harcèlement
dont est victime Siobhan. Devinez quoi : il va résoudre l’affaire, et, du
même coup, réparer une erreur judiciaire. Sacré Rebus… Entre Clarke et Fox, la
relation n’est plus exactement au beau fixe. Il faut dire qu’avec Fox, on n’est
jamais sûr de rien. Son passé à la Police des polices lui colle à la peau. Chassez
le naturel, il revient au galop : face aux méthodes de Rebus, son vieil
instinct de Zorro de la morale et des bonnes pratiques reprend parfois le dessus.
Drôle d’équipe…
Dans une affaire où se mêlent histoires immobilières pas très
nettes, personnalités troubles sur fond de cinéma de série Z, homophobie et corruption
policière, les enquêteurs vont devoir ouvrir des portes que beaucoup auraient
préféré garder soigneusement fermées, franchir des obstacles venus du passé,
débusquer la vérité derrière les mensonges les plus diaboliques, cuisiner de
vieilles connaissances comme Gerald Cafferty ou Darryl Christie. On regrettera
au passage quelques bizarreries d’une traduction qui ne rend pas entièrement justice
aux dialogues où Ian Rankin excelle toujours.
Le roi du polar d’enquête garde
son trône, et nous offre là une affaire complexe, une intrigue aux multiples intrications,
tout en peaufinant inlassablement, l’œil aux aguets, le portrait qu’il dresse
depuis de longues années d’une société aux prises avec ses ambiguïtés et les
crises du monde contemporain. Well done !
Ian Rankin, La maison des mensonges, traduit par Freddy Michalski,
éditions du Masque
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