L'inspecteur est attentif à tout. Et ce coin de Drôme ne lui est pas totalement inconnu.La pierre, les arbres, les plantes qui grimpent sur le mur, les lapins dans leurs clapiers, qui sont nourris : par qui ? Les Delhomme sont morts depuis trois semaines. Dans la maison, personne. Si, un chat. "Il aime les chats, mais ils possèdent un sixième sens. Voilà pourquoi lorsqu'il le repose, le chat crache. Il sent la mort." Oui, décidément, cet inspecteur est étrange. Henri et Louise Delhomme ont été massacrés au fusil de chasse. La petite Juliette, 11 ans, a disparu. Est-ce elle qu'on voit sur la photo de couverture, à gauche, avec sa frange, ses yeux grand ouverts et son air chafouin ? Sans doute. Drôle de famille, quand même : le père Delhomme avait 72 ans au moment de sa mort, la mère en avait 58. Et ces deux-là avaient une petite de 11 ans ?
Que cherche l'inspecteur Michel ? L'assassin du couple, ou bien tout autre chose ? Plus le roman avance, plus on se dit que décidément, cet inspecteur de la brigade criminelle de Lyon a de drôles de manières et d'étranges obsessions. Ce qui n'étonnera aucun des lecteurs de François Médéline... L'énigme du livre, au-delà des révélations sur l'identité de la jeune Juliette et la terrible histoire de sa "vraie" mère, Rachel, c'est bel et bien cet homme à vélo, solitaire, torturé, étranger à pratiquement tout ce qui l'entoure. Page après page, dès le début, l'auteur distille le doute, voire l'effroi. Pierre Michel a trouvé des pistes, mais sa quête est loin d'être finie. Pierre Michel continue son funeste périple à vélo, jusque dans le Vercors. Puis en train : Grenoble. Pigalle, Le Havre. Si les chapitres du livre portent le titre de chansons populaires de l'époque, Pierre Michel, lui, ne pense qu'à Wagner... Ninon Vallin, Lohengrin, le "rêve d'Elsa" : "Wagner est éternel et il prie."
L'histoire tragique (mélodramatique ?) de Rachel et Juliette/Elsa, les camps, le nazisme et le sort des femmes juives sont au cœur du livre, et François Médéline, n'écoutant que son audace, nous réserve un "twist" de fin aussi impensable que bouleversant, réussissant à allier efficacité narrative, quête de vérité historique et émotion pure. Choix des mots, acuité des images, des odeurs, des sons et des sensations, ellipses et clins d’œil au lecteur, rythme et découpage du récit : encore une fois, François Médéline met son savoir-faire et sa sensibilité au service de la littérature et de l'histoire, et on lui dit mille fois merci.
François Médéline, Les Larmes du Reich, 10/18
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