Le printemps est là, et le nouveau Varesi arrive chez les libraires. Voici donc la septième enquête du commissaire Soneri, et contrairement au phénomène trop fréquent qui touche les séries en matière de roman policier, il n'est pas question pour le lecteur d'enfiler ses pantoufles et de retrouver ses bonnes vieilles marques. Car Valerio Varesi sait bien que les hommes changent, vieillissent, dépriment, se mettent en colère, sombrent dans le désespoir. Tout ces états d'âme, on les retrouve chez Soneri, à des dosages sensiblement affinés, et du coup on a affaire non pas à un enquêteur stéréotypé vengeur ou cynique, mais à un humain singulier en proie à ses démons et à ses souvenirs. Bref, si Soneri est toujours le même, il n'est jamais tout à fait là où on l'attend. Avec La Main de Dieu, Valerio Varesi a décidé de sortir une nouvelle fois Soneri de ses habitudes urbaines et parmesanes.
En ce jour du 13 janvier, Soneri est au commissariat, en train de faire avec Angela un bilan téléphonique des entorses à son régime qu'il s'est octroyées. Et bientôt, le bilan déborde sur le reste de sa vie, ce qui ne le met pas de bonne humeur... Mais ça n'est rien en regard de ce qu'on va lui annoncer. On vient de retrouver un corps près du ponte di Mezzo, sur la grève du torrent la Parma. Suicide, accident, meurtre ? Puis on découvre, plus loin sur la grève du torrent, une Fiat Ducato blanche criblée de balles. La nouvelle cueille Soneri au moment où il est en train de déjeuner à sa cantine habituelle, le Milord. Interrompre Soneri au milieu d'un repas de tortelli aux blettes, c'est un peu comme signer son arrêt de mort... Le coupable : Juvara, son fidèle second. Y aurait-il un rapport avec le cadavre ? L'enquête va conduire Soneri jusque dans les Apennins, dans le village de montagne de Monteripa : "Monteripa donnait l'impression d'un village où les gens restaient faute de mieux." Éboulement, chutes de neige, routes coupées, antennes en rade : bientôt, Soneri se retrouve bloqué là-bas. Le destin, sans doute... Pendant ce temps-là, à Parme, on s'agite, surtout depuis qu'on sait que le mort n'est autre qu'Ugo Malpeli, le propriétaire de l'usine d'eau minérale qui donne du travail à la majorité des habitants de Monteripa et des environs. Ni accident, ni suicide, que reste-t-il?...
Bientôt, Soneri prend le pouls de la communauté de Monteripa : des chasseurs, de la pauvreté, et puis sur la montagne, une communauté de marginaux, les "Faunes" qui vivote dans d'anciennes maisons de montagne qu'ils ont retapées, cultivant leurs potagers et s'efforçant de survivre en autarcie, en marge du système. Pour l'heure, on leur fiche la paix. Mais cela ne saurait durer : il y a un projet de construction de station de ski. Pistes, remonte-pentes, chalets : ce coin de montagne n'y survivrait pas, et les Faunes non plus. Les villageois sont plutôt pour, peu soucieux de préserver la nature... Bien sûr, comme chaque fois dans ces cas-là, l'homme d'affaires de la région est au cœur du projet. En l'occurrence, il s'appelle Malpeli. Enfin, il s'appelait Malpeli, puisqu'aujourd'hui, l'homme gît à la morgue à Parme... Et Soneri, bloqué à Monteripa, prend ses quartiers à l'auberge du village, aux premières loges des bavardages locaux. Où le rejoindra bientôt Angela, bravant les intempéries.
Le décor est planté : un village perdu au cœur de la montagne, un homme d'affaires assassiné, des projets immobiliers douteux, un trafic de drogue. Tout est réuni pour que Soneri déploie ses légendaires talents d'enquêteur. Valerio Varesi ne lui épargne rien : les sangliers cocaïnomanes resteront sans aucun doute dans les annales du polar italien, tout comme ce cimetière où on trouve ce qu'on n'attendait pas, mais pas ce qu'on attendait. Et surtout, la rencontre de Soneri avec le prêtre du coin, curé atrabilaire, révolté, écumant de rage face aux turpitudes de ses semblables. Soneri aurait-il trouvé en cet étrange homme d'église son maître en colère et en dégoût ? On assistera, médusé, à la confrontation des deux hommes, à l'attraction-répulsion qui anime Soneri face à ce bonhomme à la fois redoutable et dérisoire. Soneri confronté à la religion, voilà qui est intéressant. Reste à connaître l'issue de la confrontation...
Et pour cela, il vous suffit de foncer chez votre libraire, puisque le livre sort aujourd'hui et qu'il vous réserve des moments de lecture mémorables. Varesi et Soneri montent en puissance, et on dirait bien que le cadre bucolique et secret de la montagne italienne donne des ailes à l'auteur comme à son personnage. Après Les Ombres de Montelupo, où un Soneri en vacances dans sa région d'origine se retrouvait aux commandes d'une enquête particulièrement tordue, La Main de Dieu gagne encore en audace et en originalité, l'écriture de Valerio Varesi s'y épanouit avec panache, et tendrait à prouver que c'est à la montagne que Soneri prend toute sa dimension.
Valerio Varesi, La Main de Dieu, traduit par Florence Rigollet, Agullo Éditions
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