29 juillet 2022

Steve Mosby, "Je sais qui l'a tué" : le roi du thriller émotionnel est de retour


Cela faisait quelques années que Steve Mosby n'avait pas fait parler de lui de ce côté de la Manche. Honnêtement, le thriller - tel qu'on le définit en France - n'est pas nécessairement ma tasse de thé... Mais j'avoue un faible pour Steve Mosby, sans doute parce que ses romans, pourtant sacrément effrayants, sont aussi des thrillers où l'auteur ne se contente pas de camper un grand (très) méchant loup et une (oui, c'est souvent une femme) ou plusieurs malheureuses victimes sans défense. Chez Steve Mosby, ce qui se passe dans la tête des enquêteurs est aussi complexe et décisif que ce qui se trame dans celle des tueurs. Je sais qui l'a tué ne fait pas exception à la règle.

Steve Mosby ne perd pas de temps : dès le premier chapitre, l'inspecteur David Groves, accompagné de deux collègues, vit l'instant le plus terrifiant qu'on puisse imaginer. Il fait nuit. Quelque part, dans les bois, les trois hommes marchent. Bientôt, ils sont arrivés. Une tente installée par la police autour d'un trou. Et au fond du trou, le corps abîmé d'un petit garçon. Ses vêtements sont reconnaissables, tout comme la peluche de Winnie l'Ourson qui l'a accompagné dans la tombe. L'identification ne prendra pas longtemps : la petite victime s'appelle Jamie. "... puis, enfin, l'inspecteur David Groves répéta : "Oui. C'est mon fils." Depuis, chaque année à l'anniversaire de Jamie, Groves reçoit une carte de vœux au nom de son fils. Cette année-là, le mystérieux expéditeur s'est surpassé. Le message dit : "Je sais qui l'a tué."

L'inspecteur Mark Nelson, dont on a fait la connaissance dans Un sur deux (voir chronique ici ), a pris un peu de bouteille. Lui aussi traîne un lourd bagage. A l'époque, Nelson était tout jeune. Il était parti faire du camping avec Lise, sa petite amie du moment, non loin de la mer. Jeunes, beaux, insouciants, amoureux, la plage déserte est pour eux seuls. Entrer dans l'eau, sentir les vagues... Mark nage mal, il panique dès qu'il n'a plus pied. Lise est bonne nageuse, mais la mer est la plus forte. Sous les yeux d'un Mark tétanisé et impuissant, Lise disparaît. Le temps a fait son œuvre : Mark s'est installé à l'autre bout du pays, a rencontré une autre femme, a "refait sa vie", comme on dit, avec Sasha, policière elle aussi.

Ce jour-là, Mark Nelson a un peu mal aux cheveux : la veille au soir, il a fêté ses fiançailles avec Sasha et ses collègues. Mais la vie n'attend pas : on vient de retrouver dans la rue une femme hagarde, blessée, perturbée, qui affirme être Charlotte Matheson. Une femme morte deux ans auparavant dans un accident de voiture. La femme est à l'hôpital. Il va falloir l'interroger. Qui est-elle vraiment ? Voilà le moment où tout bascule, où le rationnel ne suffit plus, où il faut apprendre à envisager l'inconcevable. 

Nelson et Groves se retrouvent donc embarqués chacun dans une enquête différente, et emprunteront chacun des chemins tortueux avant qu'enfin les deux affaires se rejoignent en un retournement de situation spectaculaire. Le roman est raconté à plusieurs voix par les principaux protagonistes, et comme à son habitude Steve Mosby joue en virtuose avec la temporalité et les différents points de vue, sans pour autant perdre son lecteur en cours de route. Surtout, il y a dans ce roman le supplément d'âme et de tendresse qui fait toute la différence : chez Mosby, si la terreur est bien là, elle cède souvent le premier rôle à l'empathie face aux douleurs humaines, à la compréhension en profondeur des sentiments et de la psychologie des personnages. Un roman à la fois effrayant et sensible, capable de réconcilier même les plus réfractaires avec les charmes du thriller !

Steve Mosby, Je sais qui l'a tué, traduit par Charles Bonnot, Sonatine


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