Voilà le troisième volume, très attendu (par moi, en tout cas...) de la série créée par l'auteur de romans noirs Christopher Brookmyre et son épouse Marisa Haetzman, anesthésiste, sous le pseudonyme de Ambrose Parry, hommage au célèbre chirurgien français du XVIe siècle. La quatrième de couverture nous apprend d'ailleurs que la série est en cours d'adaptation pour la télévision par la société de production de Benedict Cumberbatch, homme de goût s'il en est. Pour mémoire, un bref rappel de l'histoire des principaux protagonistes, Sarah Fisher et Will Raven. La première a échappé toute jeune à un funeste destin et a trouvé sa place auprès du célèbre Professeur Simpson, pionnier de l'utilisation du chloroforme pour l'anesthésie, d'abord en tant que domestique puis en tant qu'aide. Le second, diplômé en médecine, est l'assistant du Professeur et se dévoue comme lui à la santé des petites gens. Ces deux-là entretiennent une relation complice et affectueuse.
Dès les premières pages, nous retrouvons Will aux prises avec un double accouchement dans le quartier populaire de Leith, à Edimbourg. Des jumelles à l'avenir bien incertain, et une bien mauvaise surprise pour la mère abandonnée par le géniteur... Sur le chemin du retour, Will est retardé par un attroupement : les badauds, sur les quais, viennent de repêcher une sorte de ballot. N'écoutant que son sens du devoir et un mauvais pressentiment, Will ouvre le colis, et y découvre le corps d'un bébé. Après s'être inquiété pour le sort des jumelles qu'il vient de mettre au monde, Will Raven est d'humeur sombre : "Alors qu'il avait craint le pire pour leurs débuts dans la vie, le spectacle qu'il avait sous les yeux lui rappelait que certains nouveau-nés n'avaient même pas la chance de s'y lancer."
Quant à Sarah, elle rentre tout juste d'un voyage d'un an en Europe. Sarah est veuve : dans le volume précédent, on se rappelle que dépitée par le départ de Raven parti parfaire sa formation en Europe, elle avait épousé le Dr Banks, qui n'avait pas tardé à succomber à la maladie. De son côté, elle supporte de plus en plus mal de ne pas pouvoir faire valoir ses compétences médicales acquises auprès du Professeur Simpson : en Écosse, au XIXe siècle, une femme médecin, c'est impensable. Devenue indépendante suite à son veuvage, elle s'est donc mise en route pour l'Europe, dans l'espoir d'y rencontrer la première femme médecin américaine, le Dr Blackwell, qui se serait établie à Paris. En fait, elle est partie pour la station thermale de Grafenberg, sur le territoire de l'actuelle République tchèque. Le voyage de Sarah s'avère profondément décevant. Pour couronner le tout, elle apprend à son retour à Edimbourg que Will s'est fiancé à la ravissante Eugenie, fille du Professeur Todd.
Rien de tel qu'un bon vieux meurtre pour remédier à la mélancolie : Sir Ainsley Douglas, patient du Professeur Todd, vient d'être empoisonné à l'arsenic. Will et Sarah vont devoir faire contre mauvaise fortune bon cœur et unir leurs intelligences pour résoudre cette affaire et éviter une erreur judiciaire : le coupable présumé, héritier du défunt, est très vite soupçonné, puis emprisonné et menacé d'un procès expéditif et d'un châtiment du même acabit. Pour réussir, ils vont devoir se plonger dans les secrets de la grande bourgeoisie et de la noblesse d'Edimbourg. En pleine époque victorienne, les histoires de famille restent soigneusement cachées, et celui qui se décide à y fourrer son nez risque gros. D'autant plus que la famille de la fiancée de Will n'est pas totalement étrangère aux ignominies que le couple va découvrir. Ignobles trafics, inceste, secrets de famille inavouables : rien ne leur sera épargné.
En cours d'enquête, Sarah va se retrouver confrontée à une autre mission : la nouvelle gouvernante du Professeur Simpson, Christina, va lui demander de retrouver sa toute petite fille. Au passage, elle aura aussi la lourde responsabilité de sauver la vie du Professeur malade.
Encore une fois, Ambrose Parry nous offre un roman foisonnant, à la fois enquête policière et fresque historique où la ville d'Edimbourg tient une place prépondérante, bien loin des clichés touristiques et au cœur d'une société profondément inégale et injuste. Tout au long de cette aventure romanesque aux rebondissements multiples, les auteurs ont à cœur de mettre en lumière le sort des femmes, surtout si elles sont pauvres, et leurs combats incessants, contemporains et futurs, pour gagner le droit à l'éducation, au respect et à l'égalité.
Ambrose Parry, Une lignée corrompue, traduit par Eric Betsch, le Seuil
A lire aussi, la chronique du premier volume de la série, Le cœur et la chair et celle du deuxième volume, L'art de mourir.
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