Oui, je sais, je suis aussi en retard que le lapin d'Alice. Premier roman de Steve Mosby paru en français, Un sur deux ne mérite peut-être pas les comparaisons de la 4° de couverture, qui d'ailleurs ne rendent pas service au livre car le lecteur du Silence des agneaux risque d'être un brin surpris à la lecture de ce Un sur deux... Pas d'agent du FBI, puisqu'on est au nord de l'Angleterre, pas d'agent féminine surdouée, pas de psychiatre fou, pas de cannibale, pas d'agents équipés de vision infrarouge. En revanche, un jeune flic, Mark, qui prend son premier poste auprès d'une légende vivante de la police, John Mercer, auteur d'un livre respecté sur le crime et connu pour avoir pratiquement tout sacrifié à l'arrestation d'un serial killer, malheureusement manquée. Sans compter que le meurtrier, pour faire bonne mesure, a réussi à avoir la peau d'un flic au moment où il allait l'arrêter. Mercer a payé cher cet échec: une bonne vieille dépression nerveuse, suivie d'un retour difficile, d'une vie conjugale franchement gâchée et d'un état de santé genre "j'ai pris dix ans en six mois"...
C'est dire que Mark a du souci à se faire, d'autant que pour ce premier jour, il oublie de se réveiller, ce qui n'est pas pour le rassurer... Mais ce n'est rien à côté de ce qui l'attend. Le serial killer qui obsède Mercer a repris du service. Cet homme-là a un mode opératoire pour le moins spécial : le visage dissimulé derrière un masque de diable, il enlève les couples, puis torture l'homme et la femme successivement. Le but : obtenir que l'un d'eux se sacrifie pour sauver la vie de l'autre. Bien tordu... l'animal, et fichtrement dangereux, car le fou n'est pas bête.
L'histoire se déroule sur deux jours, et est racontée sous la forme d'un compte à rebours : il faut arriver à sauver Jodie, l'amie de Scott, avant le lever du jour. Nous sommes en plein hiver, et la jeune femme est là, quelque part, séquestrée dans une immense forêt hostile et touffue. Il fait nuit, il fait froid. C'est dire que l'équipe de la police va en baver... Scott, lui, a échappé à son bourreau, et est hospitalisé, victime de nombreuses blessures toutes plus horribles les unes que les autres. Il finira par parler à Mark, et par lui fournir sans le savoir les informations nécessaires pour localiser Jodie. Ça a l'air simple, comme ça, mais bien sûr, avec Steve Mosby, entourloupes et retournements de situation ne sont pas loin. On croit qu'on a compris et paf ! Non, finalement, on n'a rien compris du tout.
Mosby a un don pour déclencher l'empathie : empathie pour le personnage de Mark, qui se relève à peine d'un drame personnel et qui se retrouve plongé dans une tourmente psychologique qui lui rappelle ses propres souffrances. Empathie pour Mercer, homme brisé, obsédé, déserté par sa femme Eileen qui sent qu'elle ne peut plus rien pour lui, empathie bien sûr pour les victimes successives de cet homme qui, avant de tuer ses victimes, aspire littéralement leur âme, et ne veut emporter avec lui que le mal, la haine, la noirceur, la violence. Un exterminateur d'amour, un Attila de la tendresse. Côté réserves, on regrettera peut-être quelques longueurs, une volonté de décrypter, d'expliquer les ressorts psychologiques des personnages, comme si Mosby avait peur qu'on ne comprenne pas. Des défauts de jeunesse qui disparaîtront bien vite (voir ici chronique des Fleurs de l'ombre), et qui de toute façon ne parviennent pas à gâcher la réussite de ce premier roman, très noir mais plein d'amour, quand même.
Steve Mosby, Un sur deux, traduit de l'anglais par Etienne Menanteau, Sonatine - également disponible en Points Seuil
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