La place du mort a paru pour la première fois au Fleuve noir, en 1997, et a été réédité en janvier 2013 dans la collection Points Seuil. Fabien Delorme rentre chez lui, à Paris. Il a rendu visite à son père en Normandie, et ça s'est passé comme d'habitude, c'est-à-dire pas du tout. La communication, ça n'est pas le point fort de la famille... Sa femme Sylvie n'est pas à la maison. Et pour cause, elle est morte dans un accident de voiture, du côté de Dijon, en compagnie d'un inconnu. Double drame, veuf et trompé...
Vous avez dit drame? Non, pas vraiment. Fabien s'installe très vite chez son copain Gilles, qui vient de divorcer, et finalement, entre journées passées à jouer avec le petit garçon de Gilles, Léo, et soirées entre esseulés, la vie va. Elle va, certes, mais c'est un peu juste quand même. Fabien remue dans sa petite tête une idée singulière : retrouver la femme de celui qui était avec Sylvie quand elle est morte. Facile, il a son adresse à Paris... Martine, c'est son prénom, est une petite bonne femme blonde discrète, flanquée en permanence d'une amie plus âgée, sorte de compromis entre dragon et dame de compagnie. Fabien épie les deux femmes, bientôt il n'ignore plus rien de leur vie et de leurs petites habitudes. Mais ça ne lui suffit pas, il veut entrer dans leur existence, jouer un rôle dans leur destin, et du même coup changer le sien. Et cela, il va le réussir, c'est le moins qu'on puisse dire.
En quelque 180 pages, Pascal Garnier fait faire à la vie de son héros plusieurs têtes-à-queue à la fois cocasses et sinistres. Il remplit la vie de Fabien d'autre chose, certes, mais était-ce vraiment bien la peine ? Il lui fait vivre une aventure à la fois macabre et dérisoire, au cours de laquelle il n'y aura pas d'amour, pas de vie, pas d'espoir non plus. Il régale son lecteur par une prose qui avance, puis prend les chemins de traverse, nous donnant son point de vue sur la nature, animale et humaine ("Dans la forêt un renard vient d'égorger un lapin. (...) D'un coup de dents il éventre le lapin et plonge son museau dans les entrailles fumantes. Partout autour de lui, des milliers d'animaux, des plus grands aux plus petits, s'entrebouffent ou se grimpent dessus sans autre but que de perpétuer le jeu"), la famille, l'amour, le couple, la vie, quoi. Un roman lucide, avec un peu de tendresse dedans, mais surtout beaucoup de désespoir.
Pascal Garnier, La place du mort, Points Seuil
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