Massimo Carlotto, ça vous dit quelque chose? En 1976, alors qu'il militait à Lotta Continua, il est accusé du meurtre d'une jeune fille qu'il a retrouvée mourante... Il faudra attendre 1989 pour que son procès soit révisé, après qu'il ait fui en France, puis au Mexique pour être finalement renvoyé en Italie. La révision du procès ne donne pas les résultats escomptés: il est condamné à 16 ans de prison. En 1993, sous la pression de l'opinion publique, il est grâcié. Et entreprend une carrière d'écrivain prolifique : 18 romans dont une dizaine traduits en français, des nouvelles, des BD, des histoires pour enfants...
Dans Arrivederci Amore, paru chez Métailié en 2003, nous faisions la connaissance de Giorgio Pellegrini, ancien terroriste, recyclé à Milan dans une boîte à strip tease et de mèche avec un flic pourri avec lequel il fait des coups fumants. Bref, un type franchement pas sympathique, sans foi ni loi... Dans A la fin d'un jour ennuyeux, on le retrouve en Vénétie, où il a réalisé son rêve : ouvrir un restaurant pour notables, avec tous les à-côtés qui vont bien sous la forme d'un réseau de prostitution bien rôdé. Giorgio Pellegrini est marié à Martina, qu'il a littéralement dressée pour qu'elle soit son esclave amoureuse et domestique. Ce qui ne l'empêche pas de se faire offrir une petite gâterie régulièrement par Nicoletta, la femme qui s'occupe de son écurie de prostituées, ni d'entamer une histoire avec Gemma, la meilleure amie de sa femme. Les affaires vont très bien, et l'avocat Brianese, éminence d'une faction politique influente, associé de Pellegrini, n'y est pas pour rien. C'est lui qui gère les affaires et les placements de Pellegrini et de bien d'autres personnages.
A la Nena, le restaurant de Pellegrini, on est compétent en cuisine, et en discrétion... On est aussi ouvert à toute heure. Et si les murs du petit salon privé pouvaient parler, certains politiciens n'auraient plus qu'à changer de métier, voire de pays. Et puis un jour, l'avocat Brianese ne tient pas ses promesses. Le placement qu'il a conseillé à Pellegrini a capoté, et il ne peut pas rembourser la dette. Pellegrini, vexé comme un pou, enquête et s'aperçoit non seulement qu'il s'est fait avoir dans les grandes largeurs, mais qu'en plus l'arnaque était préméditée. Brianese l'a vraiment pris pour un imbécile, et c'est insupportable. Et pour couronner le tout, il colle Pellegrini dans les pattes de la 'ndrangheta, la mafia calabraise, qui n'a pas la réputation de faire dans la dentelle. C'est le moment de ressortir les bonnes vieilles habitudes, autrement dit le crime créatif, comme il dit, Pellegrini. Diabolique, sans pitié, hyper-violent, sans une once d'humanité : le revoilà tel qu'en lui-même. Et gare à qui se met en travers de son chemin...
Et voilà. En 190 pages, Carlotto nous brosse le portrait dantesque d'une Italie en pleine décomposition, de sa vie politique qui a oublié les frontières entre le bien et le mal, à l'image du héros du roman. Nul besoin d'être un spécialiste de la péninsule pour lire entre les lignes... Entre Ligue du nord et Président corrompu, entre avocat véreux et ex-terroriste cynique et violent, entre femme soumise, mère maquerelle à la dérive, épouse d'avocat à l'élégance glacée que même le pire ne saurait atteindre, l'auteur sait créer un univers glissant, oppressant, en perpétuel danger. Et nous montrer un héros qui, finalement, aura raison des pires mafieux en se montrant plus cruel qu'eux. A la fin d'un jour ennuyeux, une expression qui revient à plusieurs reprises dans le livre à l'issue de journées où n'importe lequel d'entre nous serait réduit à une flaque, est un roman sans faux-semblants, qui va droit au but, et qui fait mouche à tous les coups.
Massimo Carlotto, A la fin d'un jour ennuyeux, traduit de l'italien par Serge Quadruppani, Métailié Noir
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