25 mars 2018

Wojciech Chmielarz, l'interview en roue libre

Wojciech Chmielarz, Livre Paris 2018
Il y a quelques jours, je partageais avec vous mon enthousiasme pour le deuxième roman de Wojciech Chmielarz, La ferme aux poupées (voir chronique ici). Coup de chance, l'auteur était de passage en France pour Livre Paris. Je l'ai attrapé au vol, entre une table ronde et une séance de dédicaces, et il a bien voulu se prêter à l'exercice de l'interview en roue libre. Merci à lui, merci aussi à l'équipe d'Agullo qui m'a facilité la tâche.

Philip Kerr, de l'émotion à la mémoire : morceaux choisis en forme d'hommage


Hier soir... Quel film regarder, vautrée au fond de mon canapé ? L'idée est venue toute seule, sans même que je la cherche vraiment. Les ailes du désir, de Wim Wenders. Berlin 1987, les anges parmi les humains, la mémoire, l'histoire, l'innocence perdue. Et ce vieil homme à la recherche de Potsdamer Platz, ce lieu autrefois si vivant au cœur de Berlin, devenu no man's land après la guerre, après le mur. Depuis le matin, Philip Kerr ne quitte pas mon épaule, comme le Bruno Ganz des Ailes du désir. Un bruissement d'ailes, l'impression d'une présence... Je n'ai jamais réussi à rencontrer Philip Kerr autrement que pour un échange de sourires, "bonjour, j'aime beaucoup ce que vous faites". Trop pris, trop pressé. Mais ses romans, et en particulier la série qui met en scène Bernie Gunther, font partie de ceux qui m'accompagnent et que je relis régulièrement. D'ailleurs, ce qu'on appelle la "trilogie berlinoise" faisait partie des premiers posts de ce blog. Une série qui compte désormais onze volumes disponibles en français, bientôt douze avec la publication en mai au Seuil de Bleu de Prusse, et, espérons-le, de la traduction de Greeks Bearing Gifts, qui sort en anglais dans quelques jours. En novembre 2013, Philip Kerr était l'invité du salon Paris Polar. Comment mieux lui rendre hommage  qu'en lui laissant la parole?

19 mars 2018

Wojciech Chmielarz," La ferme aux poupées" : des femmes martyres, un monde en perdition

Tous les lecteurs, tous les chroniqueurs connaissent le petit frisson qu'on éprouve quand on voit arriver le deuxième roman d'un auteur dont on a apprécié la première œuvre. On hésite un peu avant d'ouvrir le livre, de peur d'être déçu. De peur de s'être trompé, en fait. Avec La ferme aux poupées, le petit frisson est là. J'avais déjà beaucoup aimé Pyromane (voir la chronique ici) pour la capacité de Wojciech Chmielarz à camper un personnage attachant, un brin agaçant, et à lui faire mener une enquête crédible et originale sur un rythme soutenu, avec un style déjà bien affirmé. Tous les lecteurs, tous les chroniqueurs connaissent le sentiment de plaisir et de satisfaction qu'on ressent lorsqu'une fois le roman refermé, on soupire d'aise en se disant : "Je le savais!" Il faut bien faire plaisir à l'ego... Ce sentiment-là, il est très présent après la lecture de La ferme aux poupées. Et le grand responsable, c'est bien sûr l'auteur. Qu'il en soit remercié.

18 mars 2018

Alan Parks, "Janvier noir" : l'Écossais nouveau est arrivé, et il est coriace

Janvier noir est le premier roman d'Alan Parks, ex-promoteur artistique et directeur de label. On ne s'étonnera donc pas que l'un des exergues du roman soit signé Rod Stewart : "Every picture tells a story, don't it?". L'autre étant signé... Platon. La reconversion d'Alan Parks dans la littérature noire est sans aucun doute une bonne idée : Janvier noir est l’œuvre d'un homme qui connaît son affaire, dont on imagine qu'il a de bonnes lectures et en tout cas qu'il sait les mettre à profit sans pour autant faire dans la pâle copie. Car si, comme beaucoup de ses lecteurs, on pense à un bel hommage à William McIlvanney, en ce que Janvier noir est un vrai roman "de flics", un roman de ville, écrit dans une langue populaire, directe et sans fioritures, à aucun moment on ne songe à une vaine imitation du "grand ancien". Car Parks a sa personnalité, forte et vigoureusement affirmée, et Janvier noir en est l'expression radicale et étonnante pour un premier roman.

12 mars 2018

Caryl Férey, "Plus jamais seul" : le retour attendu de Mc Cash

Je vais vous faire un aveu : c'est dans les enquêtes de Mc Cash que je préfère Caryl Férey. J'aime le côté hâbleur du franco-irlandais borgne, son cœur en vrac, sa vision absurde du monde qui l'entoure... et le style qu'il donne à son auteur. Car quand il écrit sur Mc Cash, on a l'impression que Férey prend la clé des champs, et retrouve une liberté d'écriture, une ironie mordante, un humour noir délectable... C'est avec Plutôt crever, paru en 2002, qu'on a fait la connaissance de Mc Cash, flic, puis ex-flic à moitié irlandais, qui a perdu un œil adolescent lors d'une rixe entre soldats anglais et sympathisants de l'IRA, dans un pub de Belfast. Dans Plutôt crever, on était à Rennes. Avec le deuxième de la série, La jambe gauche de Joe Strummer, on migrait vers Brest,  puis retour à Rennes, où Mc Cash,  l'homme "qui n'a jamais été petit", venait prendre des nouvelles d'une fille qu'il ignorait avoir, Alice. 

Avec Plus jamais seul, nous revoilà à Brest. McCash a cinquante ans, son œil absent lui cause bien du souci - il n'a jamais pris la peine de s'occuper de son œil de verre, l'infection empire, la cécité n'est pas loin. Et ça fait un mal de chien... Cette fois, il va bien falloir qu'il s'occupe de la jeune Alice, 12 ans : dans trois jours, les vacances. Il s'est engagé à l'emmener au bord de la mer, à l'arracher à ce collège sinistre du centre Bretagne, et surtout à la Ddass, puisque la mère d'Alice vient de mourir d'un cancer. Du provisoire qui risque de durer, en quelque sorte... Mais avec Mc Cash, pas de projet, pas de long terme. On va au bord de la mer, point. Quand il n'y aura plus d'argent, on avisera. D'hôtel en hôtel, les voilà à Audierne. Trois étoiles, le plus grand de la ville, tout blanc. 

4 mars 2018

Cameron McCabe, Cyril Herry, Gordon Ferris : à découvrir là, tout de suite



Cameron McCabe est à la fois le nom - enfin, le pseudo - de l'auteur de Coupez! et celui du héros du roman. C'est dire qu'on est face à un roman pas tout à fait comme les autres. L'auteur, de son vrai nom Ernest Borneman, nous entraîne derrière lui dans les coulisses du monde du cinéma londonien en 1937. Tout commence avec le meurtre d'une jeune actrice. Mais Cameron McCabe / Ernest Borneman ne va pas s'en tenir à une banale enquête. Non décidément, ce roman n'est pas comme les autres...
Cameron McCabe, Coupez!, traduit par Héloïse Esquié, Sonatine

Cyril Herry est connu comme éditeur : c'est lui qui préside aux destinées des éditions Ecorce, et qui prit la direction éditoriale de la collection "Territori", publiée en coédtion avec la Manufacture de livres, à laquelle on doit des romans de Franck Bouysse, Eric Maneval, Séverine Chevalier, Patrick K. Dewdney, Antonin Varenne... Là, changement de programme, Cyril Herry prend la plume et nous propose un beau roman noir sur fond de nature hostile, de solitude et d'enfance perdue.
Cyril Herry, Scalp, Le Seuil

Gordon Ferris est écossais. Déjà, c'est un bon point (enfin pour moi ;-)) Ce roman est le dernier d'une  tétralogie, et se déroule à Glasgow en 1946 et 1947. Évocation saisissante d'une ville en proie à la recrudescence de la délinquance et de la pauvreté, personnages formidables, intrigue captivante : à découvrir de toute urgence.
Gordon Ferris, Les adieux de Brodie, traduit par Hubert Tézenas, Le Seuil

William Bayer, "La photographie de Lucerne", thriller psychanalytique

Depuis longtemps, William Bayer est fasciné par la psychanalyse. Les romans précédents de cet ancien agent de la CIA s'y réfèrent plus ou moins explicitement. Dans La photographie de Lucerne, les choses sont claires puisque Sigmund Freud constitue, indirectement, l'un des personnages clés du roman. Qu'est-ce que cette photographie de Lucerne qui donne son titre à ce roman ? En 1882, Lou Andreas Salomé, compagne de Nietzsche, future égérie de Rilke et disciple de Freud, se fait photographier en compagnie de Nietzsche et de son ami Paul Rée, médecin et philosophe allemand. La photo les représente tous les trois sur fond de Jungfrau, un sommet des Alpes suisses. Les deux hommes sont debout entre les deux brancards d'une sorte de chariot. Lou Andreas Salomé, elle, est dans le chariot et brandit un petit fouet avec lequel, visiblement, elle entend bien diriger ses deux compagnons...

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