Janvier noir est le premier roman d'Alan Parks, ex-promoteur artistique et directeur de label. On ne s'étonnera donc pas que l'un des exergues du roman soit signé Rod Stewart : "Every picture tells a story, don't it?". L'autre étant signé... Platon. La reconversion d'Alan Parks dans la littérature noire est sans aucun doute une bonne idée : Janvier noir est l’œuvre d'un homme qui connaît son affaire, dont on imagine qu'il a de bonnes lectures et en tout cas qu'il sait les mettre à profit sans pour autant faire dans la pâle copie. Car si, comme beaucoup de ses lecteurs, on pense à un bel hommage à William McIlvanney, en ce que Janvier noir est un vrai roman "de flics", un roman de ville, écrit dans une langue populaire, directe et sans fioritures, à aucun moment on ne songe à une vaine imitation du "grand ancien". Car Parks a sa personnalité, forte et vigoureusement affirmée, et Janvier noir en est l'expression radicale et étonnante pour un premier roman.
Alan Parks a choisi sa ville de Glasgow comme décor, et les années 70 comme cadre temporel. Janvier noir se déroule tout entier pendant les 20 premiers jours de janvier 1973. Quand le roman commence, l'inspecteur McCoy sort de Barlinnie, la prison située à quelques kilomètres de Glasgow et qui est aujourd'hui la plus grande prison d'Ecosse. De sinistre réputation... Il y a été convié par un des prisonniers, Howie Nairn, qui a quelque chose à lui dire. Et ce n'est pas la bonne année qu'il va lui souhaiter, même si on est le 1er janvier. Le message est simple : une certaine Lorna, qui travaille dans un restaurant chic de Glasgow, va mourir assassinée le lendemain. Pourquoi, par qui, où, quand, comment ? Nairn n'en dira pas plus. C'est agaçant. Et ça agace considérablement McCoy. Voire ça l'empêche de dormir à tel point que le lendemain matin à l'aube, à peine sorti des bras de Janey, prostituée de son état, il se lance avec Wattie, la bleusaille de service, celui qu'on a attaché à ses basques, à la recherche de cette fameuse Lorna. Qu'il ne tarde pas à retrouver, à une station de bus, tombée sous les balles tirées par un jeune homme qui, aussitôt la jeune femme abattue, se donne la mort.
Qui sont ces deux malheureux ? Quel rapport y a-t-il entre eux ? Telles sont les deux premières questions d'une longue série. McCoy et Wattie vont avoir fort à faire pour venir à bout des multiples obstacles qui vont se dresser devant eux tout au long d'une enquête tortueuse, dure, violente, qui va les mettre face à la famille Dunlop, riche dynastie locale. Pour McCoy, ça n'est pas la première fois, hélas. Le contentieux est lourd, le danger permanent, à tel point qu'il faudra bien que McCoy se rapproche d'un des types les plus violents et les plus puissants de la ville, Stevie Cooper. Ce qui n'est pas si compliqué vu que McCoy et Cooper ont partagé une enfance difficile, et que Cooper a sauvé la peau de McCoy dans des circonstances particulièrement pénibles lorsqu'ils étaient très jeunes.
L'intrigue ne manque pas de ressorts, comme on voit. Et c'est là l'une des forces du roman : éveiller la curiosité du lecteur sur la personnalité et l'histoire de McCoy qui, à trente ans, semble avoir vécu le double et eu largement son compte de déboires. Suivre sa relation cocasse mais tutélaire avec le naïf Wattie, qu'on voit progresser au fil du roman, gagner en duplicité et en finesse. L'intrigue est classique tout en étant originale, elle dévoile, sans concession, le système de classes qui pèse sur la justice et la vie sociale; le décor est planté de façon réaliste et puissamment évocatrice, la ville de Glasgow, son hiver glacé par la neige et le vent, ses taudis et ses quartiers chauds gagnent avec Alan Parks un portraitiste de plus, et pas des moindres. Avec des scènes particulièrement âpres, Janvier noir est aussi saisissant qu'un bon épisode de Life on Mars, les années 70 y sont évoquées avec beaucoup d'authenticité, y compris dans une scène où David Bowie fait une brève apparition. Un premier roman impressionnant, et qui laisse espérer qu'on n'en a pas fini avec Harry McCoy.
Alan Parks sera présent à Quais du polar, notamment le 8 avril à 11:30 pour une rencontre avec Ian Rankin animée par Alain Léauthier.
Alan Parks, Janvier noir, traduit par Olivier Deparis, Rivages
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