Je vais vous faire un aveu : c'est dans les enquêtes de Mc Cash que je préfère Caryl Férey. J'aime le côté hâbleur du franco-irlandais borgne, son cœur en vrac, sa vision absurde du monde qui l'entoure... et le style qu'il donne à son auteur. Car quand il écrit sur Mc Cash, on a l'impression que Férey prend la clé des champs, et retrouve une liberté d'écriture, une ironie mordante, un humour noir délectable... C'est avec Plutôt crever, paru en 2002, qu'on a fait la connaissance de Mc Cash, flic, puis ex-flic à moitié irlandais, qui a perdu un œil adolescent lors d'une rixe entre soldats anglais et sympathisants de l'IRA, dans un pub de Belfast. Dans Plutôt crever, on était à Rennes. Avec le deuxième de la série, La jambe gauche de Joe Strummer, on migrait vers Brest, puis retour à Rennes, où Mc Cash, l'homme "qui n'a jamais été petit", venait prendre des nouvelles d'une fille qu'il ignorait avoir, Alice.
Avec Plus jamais seul, nous revoilà à Brest. McCash a cinquante ans, son œil absent lui cause bien du souci - il n'a jamais pris la peine de s'occuper de son œil de verre, l'infection empire, la cécité n'est pas loin. Et ça fait un mal de chien... Cette fois, il va bien falloir qu'il s'occupe de la jeune Alice, 12 ans : dans trois jours, les vacances. Il s'est engagé à l'emmener au bord de la mer, à l'arracher à ce collège sinistre du centre Bretagne, et surtout à la Ddass, puisque la mère d'Alice vient de mourir d'un cancer. Du provisoire qui risque de durer, en quelque sorte... Mais avec Mc Cash, pas de projet, pas de long terme. On va au bord de la mer, point. Quand il n'y aura plus d'argent, on avisera. D'hôtel en hôtel, les voilà à Audierne. Trois étoiles, le plus grand de la ville, tout blanc.
Si vous connaissez Mc Cash, vous savez que cet homme-là attire les ennuis. Cette fois, c'est une cargaison pleine d'enquiquinements qui s'annonce avec la mort en mer de l'ami de Mc Cash, l'avocat Marco porté disparu suite au naufrage d'un voilier qu'il était parti chercher en Grèce. Mc Cash n'y croit pas trop, à ce naufrage accidentel, à l'écrasement du voilier sous un cargo. Il a raison... Mc Cash n'a pas beaucoup d'amis, Marco en était un. Alors bien sûr, Mc Cash va mettre son nez là où il ne faut pas. Et découvrir, pour commencer, que Marco n'était pas seul à bord, mais en compagnie d'Angélique. Angélique, la redoutable, l'irrésistible, la sauvage, l'ex-femme de Mc Cash, la seule qu'il ait jamais vraiment aimée... C'en est trop. Mc Cash plante là son Alice, la confie à Marie-Anne, la sœur de Marco, et s'envole pour la Grèce. Inutile de dire que ça ne va pas être une croisière de plaisance...
Avec Caryl Férey, l'aventure n'est jamais vaine. Dans Plus jamais seul, il nous entraîne dans le monde trouble et sans pitié des migrants et des passeurs, des trafiquants d'êtres humains qui profitent de la détresse des hommes et des femmes pour en faire des esclaves des temps modernes. Le plus inquiétant, c'est qu'on n'a pas de peine à croire à cette histoire à rebondissements multiples, où le pire n'est jamais sûr. On retrouve le meilleur de Férey dans les scènes d'action rapides, maîtrisées, inquiétantes à souhait. Au passage, Caryl Férey ne se prive pas d'épingler le sort fait à la Grèce par l'Union européenne et la crise financière, sans épargner le parti Syriza, ses vaines promesses et ses lâchetés. Mc Cash garde son côté attachant, les années qui passent ne l'épargnent pas mais il reste un héros émouvant et efficace, presqu'archétypal par son côté "dur au cœur tendre". Et à la fin, on est un peu réconforté, puisque finalement, Mc Cash ne sera "plus jamais seul."
Caryl Férey, Plus jamais seul, Série noire Gallimard
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