Wojciech Chmielarz, Livre Paris 2018 |
Il y a quelques jours, je partageais avec vous mon enthousiasme pour le deuxième roman de Wojciech Chmielarz, La ferme aux poupées (voir chronique ici). Coup de chance, l'auteur était de passage en France pour Livre Paris. Je l'ai attrapé au vol, entre une table ronde et une séance de dédicaces, et il a bien voulu se prêter à l'exercice de l'interview en roue libre. Merci à lui, merci aussi à l'équipe d'Agullo qui m'a facilité la tâche.
Comment expliquez-vous cette progression dans la complexité, la caractérisation des personnages et la conception de l'intrigue, entre votre premier roman, Pyromane, et le deuxième qui vient de paraître, La Ferme aux poupées ?
Pour Pyromane, j'avais beaucoup travaillé avec mon éditeur. C'est lui qui m'a appris à écrire ! Dans celui-ci, j'avais assimilé les leçons ! Donc il y avait moins de travail, c'est peut-être lié à ça.
Quand vous avez écrit Pyromane, saviez-vous déjà que votre personnage principal, le Kub, allait revenir?
Oui, pour moi c'était certain. Les lecteurs de polars aiment bien les séries, et pour moi ce personnage-là était fait pour rester... Il fallait que le personnage soit bon car je comptais bien rester avec lui un bout de temps. Il y a encore plusieurs volumes à venir, et ils sont de mieux en mieux !
Qu'est-ce que vous pensez des limites entre les genres ?
Il y a une chose qu'il ne faut jamais oublier avec le polar : le divertissement. Les auteurs scandinaves ont vraiment fait avancer le polar et le thriller, mais dans le processus, on a peut-être un peu oublié ça, malheureusement. Il ne faut pas négliger non plus les indices que l'auteur doit donner au lecteur, ce jeu entre les deux qui est au cœur du genre policier. Et bien sûr, il faut aussi que les livres aient quelque chose à dire.
Est-ce qu'il est important pour vous que tous les mystères que vous semez dans votre livre soient résolus à la fin ?
Oui, absolument.
Certains auteurs disent qu'ils aiment bien laisser deux ou trois portes ouvertes, pour que le lecteur soit libre de trouver lui-même "sa" solution.
Cela m'inspire un sentiment mitigé. J'ai procédé ainsi dans un de mes romans, qui n'est pas sorti en France. Je trouve que ce n'est pas honnête avec le lecteur, qui a besoin de connaître la vérité. Dans le roman dont je parle, c'était une histoire de vampires et de crime. Un des mystères du début reste en suspens, mais dans le cours de l'histoire, le lecteur découvre un mystère plus grand encore qui, lui, est résolu à la fin. Je pense maintenant qu'il faut être "fair play" avec le lecteur. Pour moi, le roman policier est une affaire de vérité et de justice.
On dit parfois que la différence entre le roman noir et le polar, c'est que dans le polar, le coupable est puni et que du coup, tout va bien. D'autres disent que dans le roman policier, même si le coupable est puni, le monde reste tel qu'il est. Qu'en pensez-vous ?
C'est une question difficile, car le roman policier a beaucoup changé ces dernières années, il s'est beaucoup complexifié. Mais je crois que la dernière proposition est la bonne, même d'un point de vue moral...
D'où l'idée que le roman policier se rapproche de la littérature générale ?
Je pense que ce n'est pas une bonne chose. Quand un auteur veut écrire de la littérature générale, il le fait. Quand il veut écrire du roman policier, il le fait. En tant que lecteur, quand je choisis un roman policier, je sais ce que je veux.
Je pense que ce n'est pas une bonne chose. Quand un auteur veut écrire de la littérature générale, il le fait. Quand il veut écrire du roman policier, il le fait. En tant que lecteur, quand je choisis un roman policier, je sais ce que je veux.
Comment vous êtes-vous orienté vers le polar ?
Honnêtement, je n'en sais rien. Aujourd'hui, dès que je pense à une histoire, il y a forcément un meurtre dedans, un mystère ! J'aimerais bien être capable d'écrire de la littérature, comme ces auteurs qui écrivent un texte formidable autour d'un dîner de famille... J'aimerais, mais je ne peux pas. Il me faut absolument un cadavre sur la table, sinon ça coince...
Votre deuxième roman parle beaucoup plus du monde qui nous entoure que le premier ? Était-ce délibéré ?
Oui, bien sûr. J'ai voulu écrire quelque chose de plus complexe. Ce qui m'intéressait dans ce roman, c'était d'observer à quel point les milieux criminels fonctionnent de plus en plus comme les milieux d'affaires, et vice versa. Ce livre parle aussi de cela.
Et aussi des préjugés et du racisme, de façon très habile d'ailleurs. Vous n'êtes pas dans le manichéisme, vous restez dans une zone grise...
Oui, parce que le monde est ainsi. Rien n'est tout noir ou tout blanc. Le problème des stéréotypes est qu'ils sont injustes avec les communautés, notamment avec la communauté des tsiganes dont il est question dans le livre. Néanmoins, on ne peut pas oublier que ces stéréotypes sont fondés sur quelque chose. Quand on parle de minorités, comme les tsiganes en Pologne, il faut rendre compte de l'injustice des stéréotypes, mais il ne faut pas cacher les aspects négatifs non plus, parce qu'ils font partie de la réalité. Voilà pourquoi c'est difficile... Je veux être juste, écrire la vérité, même si ça n'est pas facile. La culture tsigane n'est pas facile à connaître, ce sont des gens très secrets : j'ai rencontré beaucoup de travailleurs sociaux, lu beaucoup de livres pour essayer d'être juste.
Une dernière chose qui m'a perturbée : j'ai eu beaucoup de mal à m'habituer au fait que le Kub n'a que trente ans. Son vécu, sa tristesse, sa colère, tout cela fait penser à un homme plus âgé.
(Rires) En fait vous avez complètement raison ! Si je me souviens bien, j'ai écrit Pyromane quand j'avais 26 ans... Pour moi, 30 ans c'était déjà vieux. Maintenant, j'ai 34 ans et je trouve que vous avez raison. Il devrait être plus vieux.
Wojciech Chmielarz, La ferme aux poupées, traduit du polonais par Erik Veaux, Agullo éditions
Pyromane, traduit du polonais par Erik Veaux, Agullo éditions (voir chronique ici)
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