30 septembre 2011

Un chasseur sachant chasser sans son chien... de fusil


Présent dans de nombreux romans d'Agatha Christie, en vedette au cinéma, surtout lorsqu'il est très vieux, à la une de l'actualité rubrique faits divers, le fusil de chasse est un type d'arme à canon long, à crosse d'épaule et à âme lisse. Derrière ce nom se cachait à l'origine la pièce de métal qui produisait une étincelle en frappant une pierre de silex. C'est ce qui mettait le feu aux poudres, comme dirait un arquebusier de nos amis. Comme souvent, le nom a fini par nommer l'engin ! Dans la famille "fusil", on trouvera l'arrière-grand-mère, Mamie Couleuvrine, la grand-mère, Mémé Arquebuse, et le papa, Monsieur Mousquet. Aujourd'hui, le fusil de chasse moderne est une arme redoutable (surtout dans les scènes de ménage), à un ou plusieurs canons lisses, destinée au tir de cartouches contenant des plombs sphériques (après les couples, c'est au tour de l'émail des dents d'y laisser sa peau avec le gibier mal préparé). Ne vous y trompez pas et faites bien la différence : la carabine, elle, désigne une arme à canon rayé destinée à tirer des projectiles de type balle.
Notre grand ami Bugs Bunny insiste sur le fait que le fusil de chasse a une portée qui ne dépasse guère 50 mètres, et que le principe d'une volée de plombs augmente considérablement la probabilité de réussir à toucher une cible en mouvement sans être un as de la précision. En revanche, le fait qu'il ait un canon long le rend particulièrement difficile à manier dans une cuisine ou un couloir...
J'allais oublier d'évoquer le fusil dit "de grande chasse" qui, lui, tire des balles destinées au gros gibier et que l'on se fera un plaisir d'appeler carabine. On voit toujours dans les films les chasseurs porter leur fusil cassé sur le bras. Cela vient du fait que ces armes sont dites "à mécanisme à canon basculant".

Et pour conclure, voici une liste de films à voir absolument si l'on veut se familiariser avec les fusils de chasse.
Le vieux fusil, de Robert Enrico avec Romy Schneider et Philippe Noiret
L'affaire Dominici, de Claude Bernard-Aubert, avec Jean Gabin et Victor Lanoux
Coup de torchon, de Bertrand Tavernier,  avec Philippe Noiret, Eddy Mitchell, Guy Marchand et Isabelle Huppert
La Horse, de Pierre Granier-Defferre, avec Jean Gabin
La règle du jeu, de Jean Renoir, avec Jean Renoir, Julien Carette, Marcel Dalio et Paulette Dubost
Un si joli village, d'Etienne Périer, avec Victor Lanoux et Jean Carmet
Et côté petit écran, de nombreux épisodes de Barnaby, Hercule Poirot, Miss Marple, Maigret, Morse.

Le clin d'oeil de Sherlock

Le portier de l'école des 
pickpockets est toujours 
en train de chercher ses clefs 

Strange, isn't it ?"

29 septembre 2011

Pascal Dessaint, Toulouse au coeur dans "Loin des humains"

Une belle écriture pour cette histoire de solitude, de famille disloquée et de vies brisées. Le roman se situe à Toulouse après l’explosion de l’usine AZF. Un marginal est retrouvé assassiné dans le jardin de sa soeur. Ce marginal-là n’est pas ordinaire, c’est ce qu’on va découvrir au fil du récit : il avait un secret.

Le capitaine Félix Dutrey enquête et découvre le journal intime de la victime, qui va lui fournir, après bien des rebondissements, la clé du meurtre. Et le moins qu'on puisse en dire, c'est que cette clé-là va ouvrir une boîte de Pandore des plus effrayantes.

Structure sophistiquée, personnages attachants, noirceur absolue, ce deuxième volet de la série intitulée "Mourir n'est peut-être pas la pire des choses" est une vraie découverte. Assurément, un auteur à mieux connaître.

Dessaint Pascal Loin des humains France Rivages/Thriller 2005

Jesse Kellerman - gagner 5 exemplaires signés de son nouveau roman

Les éditions des Deux Terres avec le Blog du polar vous offrent la possibilité de gagner cinq exemplaires signés de Jusqu'à la folie, le nouveau Jesse Kellerman. Pour participer, il vous suffit de répondre à la question suivante :

Jesse Kellerman affirme qu'il s'est inspiré pour le démarrage de son roman d'un fait divers qui a eu lieu à New York dans les années 60. Quel est le nom de la femme victime de ce fait divers ?
    Vous trouverez de l'aide dans l'interview de Jesse Kellerman publiée sur le Blog.


    Vous êtes les Lucky Luke de la souris !
    Nous avons déjà nos 5 gagnants !

    > La page Facebook du livre
    > Le trailer du roman

    28 septembre 2011

    Yasmina Khadra, le quatuor algérien en poche

    Peut-on passer à côté d'un succès littéraire? La réponse est oui malgré l'entêtement des médias et de la pub qui sont là pour nous rappeler à l'ordre. Heureusement, il y a des libraires généreux qui ne sont pas avares de conseils. C'est donc grâce à l'un d'eux que j'ai rattrapé il y a à peine 24 heure un impardonnable manquement: la lecture de Morituri de Yasmina Khadra. Je ne reviendrai pas sur la biographie de cet auteur qui s'est fait remarquer des critiques à la fin des années 90. Ancien militaire, écrivain algérien de polars puis de romans à succès qui ont fait la une de la presse spécialisée. En revanche je ne saurais que conseiller à ceux qui comme moi n'ont pas encore lu ce livre de se précipiter sur ce roman qui s'avale d'une traite, publié précédemment aux éditions Baleine puis chez Gallimard pour se retrouver sous la forme d'une "compil'" des enquêtes du commissaire Llob en Folio policier. Ils y trouveront un langage fort et imagé, une écriture enfiévrée entre San Antonio et Raymond Chandler. Ce texte à la première personne évoque le quotidien désabusé d'un « Commy » qui vit la peur au ventre, naviguant à vue dans un pays en proie au terrorisme aveugle et à la corruption à tous les niveaux. La mort y est partout présente et ne fait pas de quartier. Les voitures explosent, déchiquettent les corps des enfants pendant qu'une petite minorité vit cloitrée à l'abri des regards et des égorgeurs, amassant des sommes faramineuses, prix du sang. Yasmina Khadra utilise la forme du polar avec habileté pour évoquer les années noires de son pays en proie à la guerre civile et religieuse, plaçant dans la bouche de ses personnages une analyse lucide d'un monde à l'agonie. On ne peut rester indifférent à la lecture de cet auteur aux qualités littéraires indéniables qui fera office de révélateur pour ceux qui ne ne sont pas intéressés de plus près à l'histoire de ce pays cher à la France - pas toujours pour de bonnes raisons - et qui aujourd'hui encore se cherche un avenir meilleur.

    Yasmina Khadra – Le quatuor algérien : La perte du mort, Morituri, Double blanc, L'automne des chimères – Folio Policier

    27 septembre 2011

    Une BD à apprendre... Parker!

    Richard Stark, c'est en fait Donald Westlake. Il y a quelques jours, je vous proposais de télécharger gratuitement en anglais sur le site de l'éditeur un roman de la série des Parker. Aujourd'hui, c'est de dessin qu'il va être question avec L'organisation, de Richard Stark et Darwyn Cooke, une aventure de Parker parue chez Dargaud.
    Cette bande dessinée a le format d'un polar « grande édition », sous reliure souple, imprimée sur un beau papier ivoire et se parcourt avec un enthousiasme sans temps mort. Côté forme, on a affaire à un graphisme au trait anguleux, traité en aplats ou en ligne claire, mis en valeur par une bichromie de noir et gris bleuté qui participe à recréer l'ambiance des polars des années 50-60. Cette bande dessinée fait d'ailleurs immanquablement penser à un « story board », ponctué de passages de texte pur et d'explications sur les sources de revenu de la mafia, traitées sur le ton humoristique.

    5 bonnes raisons de lire un Miss Marple

    1. Question économie il n'y a pas mieux. En période de crise rien de tel que les brocantes de village et qu'est-ce que l'on trouve sur les vide-greniers? Des tonnes d'Agatha Christie à vil prix. Pensez donc, cinq Miss Marple pour 1 euro... qui dit mieux?
    2. Lire c'est bien, mais les gros bouquins qui vous déglinguent les biscotos... Je dis non. Un Miss Marple en poche c'est tout petit, quelques grammes et c'est pas long à lire. Il faudrait pas non plus que nos cellulles grises soient mises à l'épreuve trop longtemps.
    3. Réhabilitons les vieux. C'est d'autant plus d'actualité que je vois la ligne rouge qui s'approche dangereusement. Non tous les vieux n'ont pas la maladie d'Alzheimer, ne bavent pas en regardant Questions pour un champion et ne changent pas de couche trois fois par jour. Il y en a qui vivent leur retraite dans la joie et l'exaltation et justement Miss Marple est leur porte-parole. Alors vas-y mamie... Te laisse pas abattre.
    4. Les histoires sont aux petits oignons avec rebondissements et tout et tout. En plus on navigue dans un environnement de vieux village à la Barnaby qui fait chaud au cœur même si le lierre sur les murs ça a tendance à attirer les araignées.
    5. Pour conclure, signalons aux velléitaires qu'ils n'ont pas de bile à se faire car la production est relativement modeste. En quelques jours ils auront fait le tour de la question car cette chère tata Agatha n'a écrit en tout que treize volumes avec sa détective en jupon.Un chiffre qui porte bonheur.

    25 septembre 2011

    Une année entière de livres gratuits, ça ne se refuse pas ! A vos claviers...

    Carlos Salem, un "Aller simple" côté Tango

    Pour un coup d'essai, c'est un coup de maître. Je parle de moi, bien sûr, car Aller simple n'est pas le premier roman de Carlos Salem, mais c'est le premier que je lis. Pourquoi celui-là ? A cause du tango argentin, mon point faible, à cause de Carlos Gardel aussi.

    Pas question de raconter l'histoire de ce roman-là. C'est une folie totale, c'est un road movie, c'est Don Quichotte... C'est plein de vie, de sensualité, de lâchetés et de courage, d'illusions perdues ou retrouvées. Au départ, Octavio, un fonctionnaire espagnol en vacances à Marrakech avec Madame, une petite bonne femme aux gros seins qui a tout de la femelle castratrice... Octavio n'est qu'une énorme frustration. Pianiste frustré, mari frustré, père frustré, bref on n'aimerait pas être à sa place. Et puis l'épouse meurt comme ça, tout d'un coup, pendant ses premières vacances à l'étranger. Rageant... Non, pas tant que ça pour Octavio. Lui à qui rien n'est jamais arrivé en vingt ans, le voilà embarqué en compagnie de Soldati, un Argentin moitié escroc moitié siphonné, dans une aventure picaresque à travers le désert et les villages marocains. En chemin, ils se font un ennemi juré en la personne d'un Bolivien franchement louche, qui les poursuit de sa vindicte à travers tout le roman. Octavio et Soldati doivent fuir, ils ont le feu aux fesses, surtout après qu'Octavio a malheureusement incendié son hôtel... C'est le début d'une série de rencontres invraisemblables et d'aventures tout aussi improbables : un vieux hippie qui s'avèrera être... Carlos Gardel, un écrivain culte nommé Mowles qui n'a jamais rien écrit mais qui vit seul en compagnie de son chat Jorge Luis, courtisé par une horde de fidèles prêts à tout pour obtenir un mot de lui, quelques jolies femmes (oui, il faut bien le dire, le roman est un peu macho... Les filles y sont belles, sensuelles et gentilles). D'ailleurs, miracle de la liberté, Octavio n'a pas plus tôt perdu sa moitié qu'il se retrouve doté d'un engin de taille phénoménale... Carlos Salem s'est fait plaisir et nous fait plaisir : tout le livre est émaillé de chansons de Carlos Gardel, et c'est un vrai bonheur. Quand vous apprendrez qu'en plus, Gardel s'est fixé pour mission d'éliminer un certain Julio Iglesias, qui a eu le culot d'enregistrer un disque de tango, vous vous précipiterez chez votre libraire, c'est sûr. Ce roman est drôle, abracadabrantesque, plein d'humanité et aussi de réminiscences et de clins d'oeil, il joue avec notre raison, notre mémoire et celle des personnages, et on en redemande.
    Je ne terminerai pas sans remercier le Concierge masqué, dont l'interview m'a donné envie de connaître Carlos Salem.

    > Ecouter Volver, le grand classique de Carlos Gardel


    Carlos Salem, Aller simple, traduit de l'espagnol par Danielle Schramm, Moisson rouge

    24 septembre 2011

    James Bond au Ukulele ?!!

    (Lili et Fred aux instruments)

    "Les visages écrasés", de Marin Ledun . Comme disait Jean Seberg : "Qu'est-ce que c'est, dégueulasse?"

    Je travaille près du Stade de France, à Saint-Denis. L'année dernière, on a vu sortir de terre un bel immeuble bien propre et bien rutilant. Le fameux immeuble "anti-suicide" de France Telecom/Orange, celui dont on a parlé dans les gazettes. Impossible d'ouvrir les fenêtres, impossible d'aller sur les terrasses, impossible de franchir les balustrades : le bonheur, quoi. Depuis, ce n'est pas sans un certain malaise que je regarde de l'autre côté de la place des Droits de l'homme (ça ne s'invente pas...). Alors j'ai un peu hésité avant d'ouvrir le roman de Marin Ledun, Les visages écrasés. Parce que tous les jours, je croise des femmes et des hommes qui vont travailler dans ce lieu où ils sont si bien protégés...

    Les visages écrasés est écrit à la première personne par le docteur Carole Matthieu, médecin du travail de son état. Et je vous le dis tout de suite parce que Marin Ledun le dit tout de suite : c'est elle l'assassin. Enfin... On n'est pas dans un roman policier comme les autres. Il y a bien un flic, Richard Revel, plutôt sympathique, mais s'il mène l'enquête, ce n'est pas vraiment lui qui va découvrir le coupable. Il y a bien des suspects, mais il y a surtout des victimes, et toutes ne sont pas mortes. Ce roman, c'est plutôt une tragédie qu'un polar, au bout du compte.

    Donc Carole Matthieu vient d'abattre Vincent Fournier, salarié au bout du rouleau, avec son Beretta. Et ce n'est que le début de la mission que s'est assignée Carole, quadra accroc aux amphétamines de toutes sortes et déversoir de toutes les douleurs du centre d'appels où elle exerce. Restructurations, plan social, management à la schlague, harcèlement, mise au placard : on dirait que toutes les calamités de l'entreprise d'aujourd'hui se sont donné rendez-vous là, telles des Harpies déléguées par notre société libérale pour transformer le monde du travail en un enfer sur terre. Carole vit seule, elle a une fille qui vit sa vie ailleurs mais à laquelle elle n'a pas donné l'amour qu'elle aurait dû. Carole est coupable de cela, mais aussi de tous les désespoirs qui au quotidien viennent s'épancher dans son cabinet, et qu'elle essaie de soulager avec ses pauvres armes. Carole est arrivée au bout de ce qu'elle pouvait supporter, elle ne peut plus être le vaillant petit soldat qui essaie de vaincre le dragon avec un couteau à beurre. Carole doit aller jusqu'au bout de sa douleur et de sa révolte. Seule.

    Vous l'avez compris, Les visages écrasés n'est pas un roman qu'on lit pour se détendre. Mais c'est un livre salutaire, lucide, révolté, écrit avec du sang, de la sueur et des larmes, sans pathos. Le suspense est bien là, mais pas où on le trouve habituellement. Le coupable n'est pas le grand méchant qu'on va débusquer, le coupable, c'est nous... Le style de Marin Ledun est en parfaite adéquation avec son propos : sec, expressif voire expressionniste, accusateur sans démagogie, empathique sans mièvrerie. Les scènes où l'action s'accélère sont écrites sur le mode essoufflé, on se laisse happer par l'angoisse et la fureur, jusqu'à se trouver essoufflé aussi. Et si on ferme les yeux, à la fin, c'est la dernière scène d'A bout de souffle qu'on voit se dessiner derrière nos paupières. "Qu'est-ce que c'est, dégueulasse ?"
    Marin Ledun, Les visages écrasés, Le Seuil

    23 septembre 2011

    PD James s'empare des personnages de Jane Austen !

    Le prochain roman de PD James, à paraître en Angleterre à la fin de l'année sous le titre Death comes to Pemberley, mettra en scène les personnages du célèbre roman de Jane Austen, Orgueil et préjugés, M. Darcy et son épouse Elizabeth. Et bien sûr, il y aura un crime !

    "Je présente mes excuses à Jane Austen pour avoir entraîné son Elizabeth dans une enquête criminelle, mais cette fusion entre mes deux passions - pour les romans de Jane Austen et pour l'écriture de romans policiers - m'a donné un grand bonheur, que j'espère faire partager à mes lecteurs", affirme PD James

    En savoir plus sur le site du Daily Mail.

    22 septembre 2011

    Votez pour votre favori (saison d'été) du Prix du polar SNCF 2012

    Le prix du polar SNCF sera décerné au printemps 2012. Chaque saison, vous pouvez choisir votre livre préféré. Plus qu'une semaine pour noter les ouvrages sélectionnés pour l'été qui s'achève:

    Les visages écrasés, de Marin Ledun, Le Seuil
    Le jeu du pendu, de Aline Kiner,  Liana Levi
    Rouge gueule de bois, de Léo Henry, La Volte
    Avant d’aller dormir, de Steve J. Watson, Sonatine
    Le Poète de Gaza, de Yishaï Sarid, Actes Sud
    Rosa, de Jonathan Rabb, 10-18

    Rendez-vous sur le site du prix.

    20 septembre 2011

    19 septembre 2011

    Un roman inédit de James M. Cain retrouvé !

    Il a pour titre The Cocktail Waitress et c'est au fondateur et directeur de la maison d'édition Hard Case Crime, Charles Ardai, qu'on doit cette découverte. Il connaissait l'existence de ce manuscrit mais il lui a fallu des années pour le retrouver au milieu d'autres papiers sans intérêt... Les admirateurs de l'auteur de Assurance sur la mort, Le facteur sonne toujours deux fois et Mildred Pierce (dont je suis) sont dans les starting blocks ! Charles Ardai déclare : "Quand j'ai finalement reçu un exemplaire du manuscrit, c'était aussi merveilleux que lorsque, dans un film de Spielberg, on ouvre le coffre au trésor et que la lumière jaillit de l 'intérieur (...) Il s'agirait d'un roman dont les thèmes rappellent Mildred Pierce et Le facteur...; l'histoire d'une jeune veuve dont le mari est mort dans des circonstances suspectes et qui doit élever seule son enfant..."

    Lire l'article en anglais sur le blog Artsbeat

    16 septembre 2011

    Choisir un mode narratif : l'avis de David Morrell, papa de Rambo !

    David Morrell est auteur de thrillers à succès et enseigne la littérature américaine à l'Université d'Iowa. Il est notamment le père de Rambo ! Voilà ce qu'il pense de la question du "point de vue" narratif.

    "La décision du point de vue narratif est probablement une des plus importantes pour l'auteur qui commence un roman. C'est un outil d'écriture fondamental et son choix est déterminant. Quel que soit votre choix, il faut le faire délibérément, en toute conscience, savoir pourquoi vous faites ce choix et ce que vous allez en faire. Un mauvais choix peut littéralement mener un projet à sa perte.

    La première personne
    On écrit du point de vue du narrateur, avec le pronom "Je". S'il est bien utilisé, ce mode narratif est formidable. Hélas, il est souvent mal utilisé. Les auteurs débutants l'utilisent souvent parce qu'il paraît plus facile. On écrit comme on parle, non ? Non ! Là est le piège. Si vous écrivez comme vous parlez, comme si vous racontiez une histoire à voix haute, vous êtes pratiquement certain d'échouer. Avec la première personne, les pièges sont nombreux : verbiage, manque de précision (comme quand on raconte à voix haute). On n'utilise que l'aspect visuel, ce qui aboutit à une écriture plate et unidimensionnelle. Ce n'est pas le travail de l'auteur que de donner au lecteur la possibilité de voir ce qui se passe, en revanche c'est à lui de faire ressentir au lecteur ce qui se passe. En général, cela produit une certaine cohérence. On se demande : "Mais pourquoi ce type prend-il le temps de s'asseoir et de raconter sa vie en 300 pages. Est-ce bien logique ?
    Pour paraphraser Henry James, la première personne est un piège pour ceux qui ne se méfient pas. Mais bien utilisée, cela peut être très efficace.

    La troisième personne omnisciente
    La voix qui sait tout, l'histoire racontée d'une perspective divine. Un style qui choisit une perspective historique - voilà ce qui est arrivé, voilà ce qu'ont pensé, ressenti et fait ces personnes. Cette forme était privilégiée dans la littérature du XIXe siècle. Elle a tendance a ralentir le récit, car alors l'histoire est racontée, et non pas matérialisée. Aujourd'hui, cette forme est démodée et peu utilisée, sauf si l'on veut faire une parodie.

    La deuxième personne
    C'est le temps du "vous / tu" (par exemple : "vous descendez la rue, sans savoir ce que vous allez trouver au coin.") Un style expérimental qui ne peut être utilisé que dans des cas très spécifiques. Jay McInerney l'utilise dans Journal d'un oiseau de nuit pour exprimer l'état du personnage, sous l'effet des stupéfiants.

    La troisième personne "limitée"
    On raconte à travers le point de vue d'un personnage, on ne voit que ce qu'il voit, on ne pense que ce qu'il pense. Il est possible de changer de personnage en cours de route, mais on se limitera à un personnage à la fois. Généralement, le point de vue change avec les chapitres, mais il est possible de le faire à l'intérieur d'un chapitre. Dans ce cas, l'auteur doit alors fournir à son lecteur une indication visuelle qui lui montre que le point de vue a changé. Sauter quelques lignes par exemple. Ce mode narratif est le plus utilisé et, par défaut, le meilleur pour la plupart des romans.

    Val Mc Dermid récompensée

    Val McDermid a remporté la Barry award (prix des lecteurs) au festival Bouchercon 2011 pour son roman Fever of the Bone. Ce festival, qui a lieu cette année à Saint-Louis (Missouri), rassemble tous les ans le gratin des auteurs de romans policier et leurs lecteurs, ainsi que les éditeurs, libraires, journalistes spécialisés. Vous cherchez un auteur de polar (anglo-saxon) ? Ne cherchez plus, il est là-bas !
    > Le site du festival
    Le drôle de nom de cet énorme festival (Boucher Convention) qui a déjà été accueilli par l'Angleterre, le Canada et les Etats-Unis vient d'Anthony Boucher (1911-1968), auteur, éditeur, critique et homme de radio fou de romans policiers et de science fiction.

    14 septembre 2011

    RJ Ellory et les Whiskey Poets : le disque !

    Roger Jon Ellory est fou de musique. A tel point qu'il s'est accordé cette année quelques mois pour réaliser un vieux rêve : enregistrer un EP. Pour cela, il fallait des musiciens. C'est ainsi qu'est né le groupe des Whiskey Poets : Simon Chisholm (batterie, voix) Roger Jon Ellory (guitare, voix), Chris Malin (basse). Le trio sort aujourd'hui The Moonrise EP, quatre chansons dont trois originales et une reprise de Rory Gallagher, excusez du peu. Alors, bien sûr, vous pensez bien que la petite bulle "interview" est immédiatement apparue au-dessus de ma tête. Qu'à cela ne tienne, le texte de l'intérieur du CD est en forme... d'interview. Je suis donc passée en mode traduction ! Voilà.

    Mais pour commencer, tels que je vous connais, vous ne résisterez pas au plaisir d'écouter un
    extrait de chacune des chansons. Cliquez sur les liens, vous verrez, c'est magique !
    Man from Louisiana
    Brand New Day
    Moonchild
    Building Jails
    Et ensuite, vous n'aurez plus qu'à vous rendre sur le site des Whiskey Poets pour vous procurer l'EP complet !

    "Vers libre"  avec les Whiskey Poets




    « Ce que nous pensions faire et ce que nous avons fait sont deux choses bien différentes… »

    Avec des vécus musicaux très divers, RJ Ellory, Chris Malin et Simon Chisholm constituaient sans doute le trio le plus improbable pour travailler ensemble à un projet musical.
    Ellory (guitare, voix) est un auteur de best-sellers internationaux. Malin (basse), musicien professionnel,  joue actuellement dans toute l’Europe au sein d’un groupe hommage à Queen, et a derrière lui une carrière de musicien de studio au cours de laquelle il a travaillé avec Kylie Minogue et Jamiroquai. Simon Chisholm (batterie, voix) , a une longue expérience de DJ et de percussionniste ; sa carrière l’a conduit un peu partout.
    Ellory, Malin et Chisholm ont fait connaissance par l’intermédiaire d’amis communs, comme c’est souvent le cas. Fin 2010, Ellory a lancé l’idée de travailler ensemble à un projet musical.


    > Lire la suite ici





    LES CHANSONS

    Roger Jon Ellory est l'auteur des paroles de Man from Louisiana, Building Jails et Brand New Day. Rien de plus difficile que de traduire des paroles de chanson... Ce qui suit est donc une tentative n'ayant pour but que de montrer de quoi il est question. Il y manque la musicalité, les sons, bref tout ce qui différencie des paroles de chanson d'un texte "à lire". Pour des raisons de copyright, vous ne trouverez pas les paroles de Moonchild, bien sûr. En revanche, vous trouverez les réponses de RJ Ellory à quelques questions, ce qui n'est quand même pas rien !

    > Lire la suite ici (paroles en anglais et en français, interview de RJ Ellory)

    13 septembre 2011

    Anglophones, un roman de Richard Stark (aka Donald Westlake) à télécharger gratuitement

    L'University of Chicago Press est gentille : elle vous offre ce mois-ci de télécharger gratuitement  The Score, un roman de Richard Stark, nom utilisé par Donald Westlake pour les aventures de son célèbre Parker. Dans ce roman publié en 1964,  le dur à cuire s'embarque dans un hold up. Ca se passe ici.

    On entre son adresse email, on reçoit un lien, ... j'ai testé, ça marche ! Et il semble bien que l'éditeur offre un cadeau tous les mois. Sympa. Bonne lecture.

    11 septembre 2011

    "Portes ouvertes", de Ian Rankin, sort le 21 septembre. Interview

    Il y a quelques semaines, nous vous annoncions avec jubilation la sortie du premier roman de Ian Rankin après la fin de sa série avec John Rebus (voir la chronique ici). C'est peu dire que les fans étaient impatients de savoir comment Rankin allait rebondir après Rebus. Portes ouvertes est la preuve éclatante que nous avons encore de beaux jours devant nous, et que Ian Rankin n'a rien perdu de son incroyable talent de narrateur. Rebondissements, action, humour et ironie : Portes ouvertes est un vrai bonheur. A cette occasion, nous avons demandé à l'auteur de répondre à quelques questions, et j'avoue qu'en tant que lectrice passionnée de Ian Rankin depuis le premier Rebus, c'est avec une certaine émotion que je vous livre cette interview...

     Portes ouvertes est votre premier roman à paraître en français après le dernier épisode de la série Rebus, mais je crois que vous l'avez écrit avant Exit Music ?

    En fait, Portes ouvertes a commencé sa carrière en tant que feuilleton pour le New York Times Sunday Magazine. Il a été publié en 15 épisodes hebdomadaires d'environ 2500 mots. Avant, ce n'était qu'une idée que j'avais - mais plutôt pour un film de hold-up que pour un roman ! (j'adore les films de hold-up). Quand mon éditeur a vu la version feuilleton, il m'a demandé si je pouvais transformer mes 30 000 mots en un roman de 80 000 mots. J'ai répondu "Bien sûr". C'était un vrai plaisir de passer davantage de temps avec les personnages, de leur donner plus de profondeur et d'entrer dans les détails du hold-up.

    D'autre part, dans une conversation de 2003 que vous aviez avec Val McDermid, vous disiez que vous ne saviez pas comment vous alliez vous séparer de Rebus. Cette décision a-t-elle été difficile?

    Non, ça n'a pas été vraiment difficile de dire adieu à Rebus. Le mettre à la retraite m'a donné la liberté (et le temps) de démarrer beaucoup d'autres projets : une graphic novel, un livret d'opéra, des paroles pour un groupe de rock, et Portes ouvertes.

    Portes ouvertes est un roman autonome. J'ai du mal à imaginer qu'un des personnages puisse devenir récurrent. Comment avez vous imaginé ces personnages - les trois apprentis gangsters et le flic ?

    L'idée de Portes ouvertes m'est venue parce que j'avais envie de voir un film de hold-up qui se passe à Edimbourg. Je pensais que ce serait amusant d'écrire en adoptant le point de vue des voleurs (au lieu d'être à la place des flics, comme dans Rebus). Je m'intéresse à l'art moderne et au monde de l'art, alors je me suis dit que ce serait passionnant que ce hold-up se déroule dans ce contexte - plutôt que, par exemple, dans un casino. D'où viennent les personnages ? La plupart du temps, du subconscient de l'auteur. Les personnages partagent des émotions et des caractéristiques avec l'auteur. Donc je suis Rebus, mais aussi Siobhan, et aussi l'ennemi juré de Rebus, Cafferty. Mais je suis également Mike Mackenzie...

    Dans la série des Rebus, le lecteur était confronté aux fantômes d'Edimbourg, ses aspects cachés, ses dangers. Dans Portes ouvertes, au moins dans la première partie, on a le sentiment que vous aviez besoin d'air frais, d'un véritable changement d'atmosphère. Est-ce exact ?

    Avec Rebus, j'avais exploré les côtés les plus sombres d'Edimbourg. Avec Portes Ouvertes, dès le départ, je voulais un ton plus léger - il n'y a pas de mort, ce qui est très inhabituel dans un roman policier ! Et à partir de là, je me suis dit que je pourrais peut-être montrer au lecteur qu'Edimbourg n'est pas une ville ultra violente, avec des tas de problèmes, mais une belle cité cultivée, avec une grande histoire. Bien sûr, Edimbourg souffre de problèmes sociaux, mais la plupart des habitants ne seront jamais confrontés avec des comportements criminels tels que ceux qui font le quotidien de Rebus.

    Dans Portes ouvertes, les aspects sociaux et politiques qui étaient très présents dans les romans précédents semblent s'être quelque peu estompés. Est-ce délibéré, ou est-ce lié à la nature du roman, qui s'apparente  plus à un roman d'action ?

    Dans Portes ouvertes, contrairement aux romans avec Rebus, il n'y a pas de thème social ou politique exprimé. Je l'ai écrit pour que les New Yorkais passent un bon moment au petit déjeuner, en lisant leur journal. Le rythme est rapide, l'intrigue pas trop complexe, et j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire.
    L'un des thèmes qui m'intéressaient dans Portes ouvertes, c'était la valeur financière perçue de l'art, et l'effet qu'elle a sur le marché de l'art, les artistes et les collectionneurs. Les grosses sociétés achètent des œuvres d'art pour investir et montrer leur importance, pas parce qu'elles apprécient réellement la peinture. Donc, le thème du livre est proche de la bulle financière mondiale  - ces dernières années, le marché des ventes publiques est devenu fou, les prix ont atteint des niveaux astronomiques.

    Dans une interview, vous disiez qu'à votre avis, John Rebus s'ennuierait s'il passait une soirée avec vous. Etait-ce une plaisanterie, ou vouliez-vous dire que votre évolution personnelle a mis de la distance entre vous-même et le personnage que vous avez créé ?

    Rebus est très différent de moi, et il ne m'aimerait pas s'il me rencontrait. Il me trouverait politiquement trop libéral ou centriste, penserait que je n'ai jamais eu à travailler dur dans ma vie, et aussi que je ne suis pas capable de boire autant que lui. Nous pourrions parler musique une demi-heure, mais il s'ennuierait vite et filerait à la recherche de gens plus intéressants !

    Etait-ce une des raisons pour lesquelles vous étiez obligé de tirer votre révérence à John Rebus ? 

    Je me suis débarrassé de Rebus à cause des exigences de la vie réelle. En Ecosse, les enquêteurs prennent leur retraite à 60 ans. Dans le premier roman, L'étrangleur d'Edimbourg, Rebus avait 40 ans. Ce livre est sorti en 1987. Donc il fallait qu'il s'arrête en 2007. Voilà tout, il s'est fait rattraper par le temps.

    Dans Portes ouvertes, vous ne pouvez pas vous empêcher de faire allusion à Rebus, sur le mode rapide et humoristique. Un hommage, un clin d’œil, une ouverture vers d'autres possibilités ?

    Dans Portes ouvertes, j'ai introduit une allusion à Rebus, en clin d’œil à mes lecteurs, et aussi parce que les flics de Portes ouvertes sont très différents de Rebus et nous démontrent que ce n'était pas toujours facile de travailler avec lui !

    En-dehors des romans avec John Rebus, y a-t-il un de vos livres auquel vous auriez souhaité davantage de succès, ou dont vous êtes particulièrement fier ?

    Portes ouvertes a été mon plus gros succès au Royaume Uni. En fait il s'est vendu plus que  n'importe lequel des Rebus. Mais il y a un livre que j'aime particulièrement, et qui gagnerait être à être plus connu, c'est Double détente, un thriller sur un tueur à gages (le bon) et un flic qui lui court après (et qui est en fait le méchant).

    Avec votre roman suivant, The Complaints, vous vous remettez du côté de la police. Votre nouveau personnage, Malcolm Fox, est très différent de John Rebus. Avez-vous conçu ce personnage pour qu'il se rapproche de l'homme que vous êtes devenu ? Ou bien souhaitiez-vous créer un nouveau héros, tout simplement ?

     Dans The Complaints, j'ai voulu parler de la crise financière au Royaume Uni, et je me suis dit qu'un roman policier était un bon moyen. Il me fallait donc un nouveau flic, un flic qui serait l'antithèse de Rebus - pour que les lecteurs n'aient pas l'impression de retrouver Rebus, mais avec un nouveau nom. Malcolm est le type de flic qui aurait enquêté sur les comportements de Rebus - il fait partie de la police des polices. Ce sont deux enquêteurs très différents, et deux hommes très différents aussi.

    Photo © Ian Rankin

    Portes ouvertes, de Ian Rankin, traduit de l'anglais par Stéphane Carn, éditions du Masque (sortie le 21 septembre 2011)
    A lire aussi sur le blog : la rétrospective complète de tous les romans de Ian Rankin

    Marcus Malte, "Les Harmoniques", un polar qui s'envole

    Les Harmoniques est placé sous le signe de la musique. Dès la couverture, la photo d'un microsillon, jaune et noire comme il sied à la Série noire, collection dans laquelle paraît ce roman, le ton est donné. Chaque partie est marquée par une sorte de prologue baptisé d'un titre de jazz. "Les harmoniques (...) Les notes derrière les notes, dit Mister. Les notes secrètes. Les ondes fantômes qui se multiplient et se propagent à l'infini, ou presque. Comme des ronds dans l'eau. Comme un écho qui ne meurt jamais (...) Ce qu'il reste quand il ne reste rien. C'est ça, les harmoniques. Pratiquement imperceptibles à l'oreille humaine, et pourtant elles sont là, quelque part, elles existent." Elles sont encore là, quelque part, oui, comme Vera Nad, l'héroïne absente de ce roman noir.

    Il y a quelques semaines, je vous parlais de Garden of Love, un précédent roman de Marcus Malte, et je rappelais qu'un des premiers posts de ce blog était consacré au Doigt d'Horace, son premier roman noir, dans lequel on faisait la connaissance du duo Mister - grand black pianiste de jazz au Dauphin vert - et Bob - improbable chauffeur de taxi à la 404 jaune. Dans Les Harmoniques, on est ravi de retrouver ces deux hommes-là. Sauf que là, ils sont franchement déprimés, nos deux copains. Et nous aussi, du coup. Leur amie Vera Nad a été assassinée, atrocement brûlée par ses meurtriers, et on ne peut pas dire que la police se précipite pour tirer l'affaire au clair. On a bien trouvé et arrêté des coupables, et invoqué une banale affaire de deal de drogue, mais pour Bob et surtout pour Mister, l'affaire est loin d'être close. Le livre commence avec un hommage musical à la chère disparue, un hommage signé Gerry Mulligan. Qui est donc Vera Nad, l'héroïne au nom de femme fatale ? Une jeune femme de 26 ans, née dans l'ex-Yougoslavie, élève d'un cours de théâtre et cliente épisodique du Dauphin vert. Pour l'instant, Mister et Bob n'en savent pas beaucoup plus. Mais Mister est amoureux, ou bien fasciné, ou bien il sent derrière la disparition de la belle Vera un secret que certains se donnent beaucoup de mal pour garder. Un peu tout cela à la fois sans doute. L'enquête a démarré, et elle n'est pas facile. De cours de théâtre en galerie d'art (la galerie s'appelle Rankin, hasard ou coïncidence), en passant par une paire de musiciens de rue particulièrement bien croqués, les deux hommes vont se retrouver plongés dans le passé tragique d'un pays qui a changé de nom, mais qui a conservé ses têtes pensantes et agissantes. Qu'on retrouve jusqu'au cœur de nos propres gouvernements. Et là, Marcus Malte s'en donne à coeur joie, déguise en toute transparence les noms de ses cibles pas émouvantes, s'en prend avec vigueur à nos propres appareils d’État, bref, Marcus Malte est gonflé. Alors, un polar qui s'envole ? Oui, un polar qui commence comme... un bon polar, mais dont les ailes se déploient petit à petit sous nos yeux ébahis, et qui finit par exploser en un geyser de noirceur, de provocation, de colère et de tristesse. L'auteur se déchaîne, déploie sa virtuosité pour nous étourdir, nous raconte l'enfance de Vera avec une violence d'une rare élégance. A la fin du roman, on irait bien, nuitamment, faire un tour au Dauphin vert y écouter Mister jouer du Horace Silver, tendre l'oreille pour saisir les harmoniques, et pourquoi pas, essayer de consoler l'inconsolable et l'emmener voir la mer avec Bob le taxi ?

    > A l'occasion des Quais du Polar 2011, Marcus Malte parle des Harmoniques (vidéo)

    La bande son des Harmoniques
    Bud Powell, Freddie Hubbard, Gerry Mulligan (Wallflower), Dizzie Gillespie, John Coltrane, Charlie Mingus, les frères Adderley, Herbie Hancock (Maiden voyage), Miles Davis (Blue in Green), Gershwin (Summertime, Someone to Watch Over me), Wayne Shorter, Keith Jarrett (Flying), Demis Roussos (Rain and Tears), les Beatles (Let it be, Help), Sarah Vaughan (There Will Never Be Another You), Lionel Hampton (There Will Never Be Another You, Here's that Rainy Day, What is this Thing Called Love ?), Cole Porter (Everytime We Say Goodbye), Bill Evans (Time Remembered), Bob marley (One Love, One Heart), Billie Holiday, Donaldson et Lyman (What can I say After I Say I'm Sorry), George Shearing (Lullaby of Birdland), Duke Ellington (Satin Doll), Mandel et Webster (The Shadow of your Smile), Henderson et Dixon (Bye Bye Blackbird)

    Complément : un "camarade blogueur" a posté  dans sa chronique une liste beaucoup plus complète, et, surtout, avec des liens ! Voici l'adresse de son message : http://www.canalblog.com/cf/fe/tb/?bid=160074&pid=21748748.

    9 septembre 2011

    L'enfant léopard, un crypto-polar joyeux

    L'enfant léopard est au roman policier ce que Les cadavres ne portent pas de costard est au film policier. L'auteur s'emballe dans un méli mélo spatio-temporel, mélangeant les siècles et les lieux dans une grande loterie ubuesque. Un tour de force littéraire dans lequel il s'amuse à transporter dans un XVIIIe siècle en pleine Révolution des personnages tirés de célèbres polars. On y retrouve par exemple Ed Cercueil et Jonathan Fossoyeur, sortis tout droit d'un roman de Chester Himes, qui mènent l'enquête tambour battant pour retrouver un « enfant léopard » aux pouvoirs étranges et aux origines surprenantes. Ils sont accompagnés d'un Gavroche métis, la Marmotte, qui tient dans chaque main des figurines de Voltaire et Rousseau, d'un piqueur analphabète qui récolte les mots en les recopiant sur des feuilles de papier, et de toute une faune qui bien sûr arpente un certain Haarlem en plein Paris. Les fiacres sont de couleur jaune et leurs cochers hurlent à tout-va : « Yaîl! Ho! Kab! » pour dégager la route. Daniel Picouly s'est lancé dans un exercice de style en maniant humour et situations absurdes avec talent et une vivacité enjouée. La page 1 franchie, impossible de s'arrêter avant la page 347, et tant pis si Marie-Antoinette y perd la tête au passage. Mais Daniel Picouly ne se contente pas de faire de l'Alexandre Dumas, il cisèle ses phrases, recherche la formule qui surprend et, généralement, la trouve. Ce type de prose très « stylée » pourrait lasser. Il n'en est rien, bien au contraire : le lecteur reste suspendu aux lèvres de cet auteur qui fait preuve d'une réelle originalité. L'enfant léopard, paru en 1999, a obtenu le Prix Renaudot la même année et mérite que les amateurs de romans policiers, même les purs et durs, y jettent un œil, ne serait-ce que pour s'amuser à retrouver les situations et les personnages issus de leurs polars préférés. Les autres se régaleront avec cette sympathique cavalcade romanesque bien calée dans la main gauche, tandis que la droite verse un grand whisky que celle qui reste libre s'empressera de porter à la bouche!

    7 septembre 2011

    Jesse Kellerman : un Américain à Paris rencontre ses lecteurs

    Jesse Kellerman publiera le 5 octobre son prochain roman en français, Jusqu'à la folie, écrit avant le best seller Les visages. Cette semaine, il était à Paris pour rencontrer la presse et les lecteurs. Nous avons eu la chance de pouvoir lui poser quelques questions sur son approche de l'écriture.

    Vous en êtes à votre quatrième roman. Avez-vous la sensation d'écrire mieux, plus vite et plus facilement ?
    Absolument pas plus vite ni plus facilement, au contraire. En fait, c'est plus difficile parce que je ne veux pas me répéter. C'est une obsession chez moi, à tel point que je fais des recherches par ordinateur dans mes manuscrits pour être bien sûr de ne pas utiliser la même expression d'un roman à l'autre. C'est aussi plus lent, pour la même raison, et également parce que je n'ai pas de personnage récurrent. Du coup, à chaque fois, c'est un univers à réinventer. Mieux... oui, j'espère ! J'ai davantage d'expérience, je suis plus confiant parce que maintenant je sais que je suis capable de terminer un roman. Et puis j'ai l'impression d'avoir davantage d'outils à ma disposition.

    Quel effet cela fait-il d'être obligé de se replonger, pour les besoins de la promotion, dans un roman que vous avez écrit il y a longtemps déjà ?
    C'est étrange. En ce moment, c'est vrai que je suis encore immergé dans le livre que j'écris, en fait je suis amoureux de ce livre. Alors je dois me concentrer pour retrouver l'état d'esprit dans lequel j'étais quand j'ai écrit Jusqu'à la folie. C'est également un exercice un peu nostalgique : à l'époque, j'avais davantage de cheveux ! En réalité, c'est un peu comme renouer avec une ancienne petite amie...

    Jusqu'à la folie se déroule en grande partie dans le milieu médical. Comment vous êtes-vous documenté?
    Principalement grâce à mon épouse Gabriella, qui est médecin. C'est elle, avec certains de ses collègues, qui m'a raconté comment se passaient les études, comment était la vie au quotidien à l'hôpital. L'histoire du double "Manuel de l'étudiant", celui, officiel, rédigé par l'école de médecine et celui, officieux, conçu par les étudiants, est bien réelle. Le quotidien du milieu médical est donc du contenu de première main ! Quant aux anecdotes, il s'agit de mélanges entre différents événements réels. J'ai pris le pire de chaque et j'ai tout mis ensemble !

    Votre premier roman avait pour héroïne une femme. Souhaitez-vous renouveler l'expérience ?
    Dans ce premier livre, l'intrigue ne tenait que si l'héroïne était une femme. Mais j'ai trouvé l'exercice horriblement difficile et épuisant, et je ne crois pas que je m'y risquerai à nouveau.

     Jesse Kellerman et sa traductrice Julie Sibony

    Quand vous commencez à écrire, l'intrigue est-elle déjà complètement construite pour vous.
    Oui bien sûr, jusque dans les moindres détails. Sauf qu'à la fin, le livre est complètement différent. C'est systématique et c'est bien comme ça.

    Pourquoi teniez-vous à ce que ce livre se déroule à New York ?
    Cette ville est fascinante ! Et puis je me suis inspiré d'un fait divers qui s'est déroulé dans les années 60, l'histoire de Kitty Genovese. Cette jeune femme rentrait chez elle dans le Queens, tard le soir ou tôt le matin. Elle a été attaquée à coups de couteau et s'est mise à crier. Tous les habitants de l'immeuble se sont mis à la fenêtre, et personne n'a rien fait. La police n'a été appelée qu'une heure plus tard, Kitty avait été lardée de 17 coups de couteau. Cette histoire est effrayante, elle montre à quel point la vie dans une grande ville comme New York peut déresponsabiliser les gens. New York était un élément capital de ce projet. L'autre élément clé, c'était la formation des étudiants en médecine. Aux Etats-Unis, ces gens qui sont supposés soigner et aider reçoivent une formation qui les pousse à faire mal, à faire souffrir. C'est incroyable.

    Quelles sont vos lectures ?
    Pour me documenter, je lis des essais bien sûr. Pour mon plaisir, je lis de la fiction, peu importe le genre pourvu que ce soit bien écrit. Pour moi, la langue a une importance prépondérante. Cela vient sans doute de ma longue expérience de dramaturge : quand on écrit une pièce, on fait de la musique avec des mots. Qu'il s'agisse d'une expression sèche, saccadée, rapide comme chez Ruth Rendell, ou d'une écriture plus déliée, plus touffue comme chez Nabokov ou Tom Wolfe, j'aime les mots, j'aime l'inattendu. J'aime les voix. Quand on rencontre un nouvel auteur, c'est comme si on rencontrait un nouvel ami. On ne peut pas s'arrêter de lui parler !

    Quel livre auriez-vous aimé écrire ?
    Si je pense à mes factures, je dirais le Da Vinci Code. Plus sérieusement, ce serait certainement Feu pâle de Nabokov. Un tour de force : un homme décide d'écrire l'histoire de sa vie sous la forme d'un poème de 999 vers. Le roman est constitué du poème et de son commentaire par le voisin de l'auteur.

    Dans
    Jusqu'à la folie, le style est plus rapide, plus brutal que dans Les visages.
    C'est certain. Et bien sûr, c'est lié à l'histoire. Ce livre est beaucoup plus sexualisé. Il faut trouver la voix qui convient à l'histoire.

    Pourquoi avez-vous choisi le genre thriller ?
    Probablement en partie parce que mon père et ma mère écrivent des thrillers ! En fait, j'aime bien brouiller les pistes, j'adore les auteurs qui savent briser les barrières, comme John Fowles. Mon prochain livre est une sorte de satire de thriller. J'aime moderniser les formes traditionnelles.

    Y a-t-il des projets d'adaptation cinématographique de vos romans ?
    Oui, mais aucun n'a abouti. Vous savez, j'ai vécu toute ma jeunesse à Los Angeles et pour moi, le milieu du cinéma, c'est mensonge ! Bullshit ! Un script, un très bon script, a même été écrit. Mais toujours rien ! David Mamet dit que Hollywood est un véritable dépotoir humain... Je ne suis pas loin d'être d'accord avec lui.

    Vous trouverez la chronique de Jusqu'à la folie début octobre ici même. En attendant, vous pouvez voir la bande annonce.

    Jusqu'à la folie, de Jesse Kellerman, traduit de l'américain par Julie Sibony, éditions des Deux Terres - sortie le 5 octobre 2011

    Eliot Ness ou lorsque le mythe est plus fort que la réalité !

    Une nouvelle rubrique: les hommes célèbres qui ont laissé leur nom (authentique ou imaginaire) dans le petit monde du polar

    Eliot Ness est le premier de cette liste qui promet d'être longue.
    Ce personnage emblématique de la prohibition est surtout connu en France par le feuilleton qui l'a glorifié à la fin des années 50 avec Robert Stack dans le rôle titre et le film de Brian de Palma avec Kevin Costner qui en donnait une vision plus réaliste. Eliot est né le 19 avril 1903 à Chicago dans une famille protestante d'origine norvégienne. En 1925 le gamin sort diplômé en droit et économie de l'université de la ville. Il commence par travailler pour une compagnie de crédit mais insatisfait de ce métier sans ambition il retourne à l'Université pour découvrir la criminologie. Sur les conseils de son beau-frère agent du FBI il endosse le costume en rejoignant le département du Trésor qui collaborait à la lutte contre le banditisme lié à la prohibition. Ness fut chargé de faire tomber Al Capone en démantelant les distilleries clandestines et les routes d'approvisionnement. La tâche est rude surtout avec la corruption des forces de l'ordre. Eliot Ness monte alors un groupe de neuf hommes de confiance issus de son entourage professionnel. Six mois plus tard ces «untouchables » revendiquent la destruction d'un  million de dollars de produits illicites. Finalement c'est l'aspect fiscal de cette lutte sans merci avec plusieurs tentatives de meurtre contre Ness et ses hommes qui enverra le gangster en prison. Le 17 octobre 1931, Al Capone est condamné à 11 années de prison.
    Ness devient ensuite chef du bureau de la prohibition de l'Ohio en 1934. Après l'abolition, on le retrouve directeur de la sécurité publique de Cleveland. Malheureusement il échoue dans sa croisade contre le Cleveland Torso Murderer, un tueur en série qui sévissait dans la région au milieu des années trente. Eliot Ness suspecte le cousin d'un député d'être le serial killer mais ne réussit pas à prouver ses allégations, ce qui contribue à sa déchéance. Comble de l'ironie Eliot Ness se réfugie dans l'alcool et finit par perdre son travail suite à un accident de la route. Il rejoint Washington DC et démissionne en 44 pour devenir président d'une société de sécurité dans l'Ohio. Il tente même sans succès de devenir maire de Cleveland en 47. Dix ans plus tard il décède le 16 mai 57 d'une crise cardiaque. Il fut marié 3 fois. On peut voir sa tombe dans le cimetière de Lakeview à Cleveland. Ses mémoires furent publiées en 1957.

    6 septembre 2011

    Un feu d'artifice pour les neurones avec Daniel Pennac

    Au Bonheur des ogres de Daniel Pennac c’est comme la barbe à papa. C’est beau, c’est gros, ça colle, on s’en met partout … mais quel plaisir et que c’est bon ! C’est écrit aux petits oignons, on finit par en oublier le fond pour en déguster la forme. C’est le bouquin de tribu, de copains, de clébard qui pue, un album de portraits à la Freaks, de crimes qui éclaboussent. C’est tellement goûteux qu’on ne demande pas l’addition à la fin en espérant que le loufiat va nous en remettre une tournée d’office. Hou là là ! Comment se fait-il que ce 300 pages en corps 10 ne soit pas exposé dans un musée, que les Belles lettres ne l’aient consacré, qu’il n’ait pas été traduit en latin et en grec. Ce type a un don, un cadeau divin, un truc que seule une fée peut déposer dans le berceau pour étaler les mots avec autant de perfidie. "Pennac, tes ogres m’ont tuer" ... Tiens ça me rappelle quelque chose ! Ce bouquin devrait être en pile devant les boulangeries. Offert dès la deuxième baguette. Un exemplaire devant chaque place de l’hémicycle avec interdiction de prendre la parole avant de l’avoir parcouru sept fois. Je ne sais pas pour vous mais après l’avoir avalé d’une traite j’ai vu la vie autrement comme dans le viseur d’un vieux Leica qui a connu les heures noires du 24x36. C’est sûr... Je ne pénétrerai plus jamais dans un grand magasin sans penser à Malaussène et à sa famille Adams version Belleville.

    5 septembre 2011

    Belmondo face à Vanel dans un Simenon mis en scène par Melville... Que demander de mieux ?

    Un Melville sur la TNT cela ne se rate pour aucun prétexte d'autant que ce metteur en scène réputé pour ses films noirs n'est plus programmé autant qu'il y a une quinzaine d'années. Certes L'aîné des Ferchaux programmé ce soir n'est pas son chef d'œuvre mais il mérite tout de même le détour pour trois raisons. Tout d'abord il y a le face à face Vanel/Belmondo avec un numéro d'acteurs qui permet de retrouver un monstre sacré du temps du noir et blanc aux prises avec la vedette en pleine ascension qu'était Bebel en 1962. Ensuite l'aspect anecdotique avec ce road movie censé se passer sur des routes américaines mais tourné entièrement dans le sud de la France! Enfin c'est le film de rupture entre Melville et Belmondo qui avaient pourtant signé ensemble Léon Morin prêtre et Le Doulos. On raconte même qu'à la fin du tournage les deux acteurs et le metteur en scène ne s'adressaient plus la parole... cela n'a pas dû être facile de diriger un film dans de telles conditions. A vous de juger sur Arte ce soir 5 septembre à 20h.40

    4 septembre 2011

    Caryl Férey, fils de Brel, répond à nos questions

    Il y a quelques semaines, je vous proposais de partager une cure de Caryl Férey. Pour une rentrée en beauté, je lui ai demandé de répondre à quelques questions. Voici ses réponses. Merci à lui !

    LBdP : Vous avez des activités multiples : romans, livres pour enfants, théâtre, musique, radio... Est-ce une façon de ne pas vous laisser enfermer dans le genre "auteur de polars"?

    CF : Exactement. De plus, comme tout est lié, chaque discipline nourrit l'autre. "J'avais peur de devenir adroit" disait Brel pour expliquer l'arrêt de ses tours de chant. C'est un de mes pères, je pense à lui tout le temps.


    LBdP : A ce propos, comment vous sentez-vous dans ce genre ?

    CF : Bien. Le roman noir permet de parler de tout... et pas trop de soi.


    LBdP : Comment voyez-vous le succès incroyable du roman policier depuis quelques années ?

    CF : La littérature française s'est à mon avis sabordée, en gros à partir des années 60 et du Nouveau Roman. Attention à ce que je dis, c'est une généralité, mais "on" a décidé que raconter des histoires était devenu ringard. Pédanterie stupide à mon goût. J'ai heureusement le sentiment que ça change depuis quelques années, qu'on en a fini avec les conneries d'Angot et compagnie - à dégoûter les gens d'écouter du rap.


    LBdP : C'est très chic aujourd'hui d'aimer les polars, ça l'était beaucoup moins il y a quelques années seulement. En devenant "socialement acceptable", pensez-vous que le roman policier coure le risque de la banalisation ?

    CF : J'ai toujours le sentiment, dans les cercles littéraires, que le polar est un sous-genre. Franchement je m'en fous, ce qui compte ce sont les bons livres, peu importe le genre. Je lis de tout - on vire Musso, Lévy, etc.


    LBdP : En dehors des conditions matérielles, le succès international de Zulu a-t-il changé quelque chose dans votre façon de vivre votre travail ?

    CF : Non. Je suis autant perturbé et sous pression que d'habitude. L'impression de vivre au cinquième set (Jimmy Connors)


    LBdP : Vous êtes un voyageur, mais surtout pas un touriste. Comment décidez-vous de partir pour la Nouvelle  Zélande, l'Afrique du sud ou l'Argentine ? Est-ce lié à des circonstances personnelles, ou bien à la situation humaine, sociale et politique de votre destination ?

    CF : Toutes ces raisons mélangées. Il faut qu'il y ait matière à un bon roman, politique sans que ça devienne l'enjeu principal.


    LBdP : Comme voyez-vous vos romans "McCash" ? Est-ce une façon de regarder la vie en France autrement ? Y aura-t-il d’autres romans avec Mc Cash ?

    CF : Oui, à travers ce personnage qui, personnellement, m'amuse. Et oui, il y aura un autre McCash. J'en ai écrit la moitié entre Zulu et le prochain roman "argentin". Ce dernier a pris le dessus, tout naturellement.


    LBdP : Ce personnage est basé sur un de vos amis, je crois. Pour d’autres auteurs, les personnages récurrents jouent un rôle de “double” ou de miroir. Qu’en est-il pour vous ?

    CF : Heureusement que non : le "vrai" Mc Cash est pire que le personnage romancé ! 


    LBdP : Curieusement, beaucoup de lecteurs pourtant habitués à des romans d'une grande violence ont du mal avec celle que vous décrivez dans vos romans. Comment expliquez-vous cela ?

    CF : J'ose croire que le côté réaliste les confronte au monde tel qu'il est : violent.


    LBdP : Vos romans "lointains" exercent-ils une influence sur la perspective que vous avez envers notre environnement franco-français, voire européen ?

    CF : Non, pas vraiment, même si la crise argentine pourrait bien devenir mondiale. Un cauchemar


    LBdP : Avez-vous eu l'occasion d'échanger avec des auteurs néo-zélandais ou sud-africains?

    CF : Jamais assez.


    LBdP : Vous travaillez sur un roman situé en Argentine. Combien de temps y avez-vous passé ?

    CF : Trois semaines en repérage en 2008, puis deux mois en 2010.


    LBdP : Le fait que la majorité de la population argentine soit d'origine européenne a-t-il une grande importance sur la vie politique de ce pays ?

    CF : Bien sûr ; nous avons les mêmes codes. C'est plus facile qu'en Inde ou en Chine.


    LBdP : Depuis la crise économique de 2001, comment percevez-vous l'évolution politique de l'Argentine ?

    CF : L'arrivée des Kirschner a fait du bien à la moralité du pays. Pour le reste, ils rament.


    LBdP : Pouvez-vous donner quelques pistes sur votre prochain roman ? Et sur sa date de sortie?

    CF : C'est la première fois en deux ans et demi d'écriture intensive que je suis satisfait de l'histoire. Les personnages sont encore un peu Playmobil, il n'y a que 50 pages d'écriture potable, mais j'avance autant que je peux. Mai ou octobre 2012 - j'espère !

    Nous aussi ! Et puis un nouveau McCash, voilà une autre bonne nouvelle.

    Réouverture du Blog avec un bon plan signé Frédéric

    Série Noire, un effort récompensé !
    Eh oui il faut savoir se baisser pour trouver une pépite. L'affaire se passe au sous-sol de Gibert (26-34, boulevard Saint Michel - 75006 Paris) il y a deux jours. Là où se retrouvent les amateurs de polars qui cherchent la perle rare dans la multitude d'occasions classées et qui plus est à prix plus que raisonnable. Cachées sous le comptoir d'accueil du rayon, il y a toujours deux ou trois caisses dans lesquelles sont entassés en vrac les polars de moindre importance. Je n'oublie jamais de jeter un œil sur ces rogatons car il m'arrive d'y dénicher de petits bijoux pour bibliophile. Le dernier en date est tout simplement une première édition de Dare-dare de Chester Himes dans sa belle robe noire et blanche des éditions Gallimard - Série Noire. Le papier est un peu jauni mais le livre est en parfait état au point d'hésiter à le relire sans risque de voir les pages se décoller. En général quand on a une bonne adresse de restau dans son carnet on hésite à la communiquer pour éviter de perdre le bénéfice de sa trouvaille mais comme je suis plutôt partageur je vous conseille donc de ne pas bouder ces caisses pour amateurs avisés... peut-être même que nous nous croiserons, penchés sur quelques polars inoubliables qui ne demandent qu'à trouver un nouveau propriétaire.

    Quelques mots sur le livre de Chester Himes

    Chester Himes est considéré par les spécialistes du genre comme un auteur majeur de la culture noire américaine (au sens humain et stylistique) même si c'est en partie grâce à sa rencontre avec Marcel Duhamel à la fin des années 50 qu'il orientera sa carrière d'écrivain exclusivement vers le polar. Ses premiers romans, plus sociaux, ne rencontreront pas leur public dans son pays natal et c'est en 1958 avec La reine des pommes qu'il voit enfin le bout du tunnel. Chester Himes privilégie l'action et le suspens mais il témoigne aussi de la condition des noirs au USA en milieu urbain. Dénonçant racisme et exploitation. Dare-Dare, le numéro 492 de la mythique collection Série-Noire dirigée par Marcel Duhamel pour Gallimard démontre la plénitude du style du romancier. Les personnages sont dépeints avec un réalisme qui échappe à la caricature encore trop souvent en vigueur à cette époque. L'histoire est relativement simple: Deux noirs, des travailleurs nocturnes irréprochables, sont assassinés dans la chambre froide d'un restau de quartier par un pochard blanc. Le tireur rate de peu le dernier témoin de son crime et va le poursuivre pendant 250 pages jusqu'au dénouement final. Bien sûr le lecteur ne sait pas qui est ce tireur au pistolet muni d'un silencieux et s'identifie immanquablement au jeune homme en danger même si celui-ci fait preuve d'une insouciance qui frise la bêtise. Tous les ingrédients du thriller à l'américaine sont en place dès les premières pages de ce texte qui se passe à New York au temps des grosses limousines et des bars louches où des créatures aux seins démesurés chantent le blues jusqu'à pas d'heure. On suit la course effrénée et maladroite de Jimmy, jeune étudiant et témoin du crime, qui se débat contre un destin inéluctable tiraillé par la trouille, l'amour pour une belle petite chanteuse de blues et l'hystérie d'une bande d'amis plutôt déjantés. En parallèle, deux inspecteurs blancs mènent l'enquête, Walker ambigu et gros buveur en compagnie de son beau frère Block, un dur à cuire qui a la tête sur les épaules. Le récit est haletant sans temps mort. Chester Himes connaît son affaire en nous plongeant dans cette fable brutale dans laquelle on retrouve l'ambiance des films noirs qui ont marqué les années 50/60. Les règles du théâtre classique sont en partie respectées puisque le récit se situe dans une zone géographique réduite et pratiquement en continu (à peine quelques jours au lieu de quelques heures habituelles). Le nombre de protagonistes est réduit et concentré sur quatre personnages majeurs. La lecture de ce roman qui portait un nom plus adapté en anglais: Run man run, fut un réel plaisir et démontre s'il en est besoin que comme pour la littérature classique la lecture d'un bon vieux polar est une nécessité pour celui ou celle qui veut s'immerger dans l'univers noir d'une Amérique incandescente.

    Dare-Dare, Chester Himes traduction de Pierre Verrier, Série Noire Gallimard 1959

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