Portes ouvertes est votre premier roman à paraître en français après le dernier épisode de la série Rebus, mais je crois que vous l'avez écrit avant Exit Music ?
En fait, Portes ouvertes a commencé sa carrière en tant que feuilleton pour le New York Times Sunday Magazine. Il a été publié en 15 épisodes hebdomadaires d'environ 2500 mots. Avant, ce n'était qu'une idée que j'avais - mais plutôt pour un film de hold-up que pour un roman ! (j'adore les films de hold-up). Quand mon éditeur a vu la version feuilleton, il m'a demandé si je pouvais transformer mes 30 000 mots en un roman de 80 000 mots. J'ai répondu "Bien sûr". C'était un vrai plaisir de passer davantage de temps avec les personnages, de leur donner plus de profondeur et d'entrer dans les détails du hold-up.
D'autre part, dans une conversation de 2003 que vous aviez avec Val McDermid, vous disiez que vous ne saviez pas comment vous alliez vous séparer de Rebus. Cette décision a-t-elle été difficile?
Non, ça n'a pas été vraiment difficile de dire adieu à Rebus. Le mettre à la retraite m'a donné la liberté (et le temps) de démarrer beaucoup d'autres projets : une graphic novel, un livret d'opéra, des paroles pour un groupe de rock, et Portes ouvertes.
Portes ouvertes est un roman autonome. J'ai du mal à imaginer qu'un des personnages puisse devenir récurrent. Comment avez vous imaginé ces personnages - les trois apprentis gangsters et le flic ?
L'idée de Portes ouvertes m'est venue parce que j'avais envie de voir un film de hold-up qui se passe à Edimbourg. Je pensais que ce serait amusant d'écrire en adoptant le point de vue des voleurs (au lieu d'être à la place des flics, comme dans Rebus). Je m'intéresse à l'art moderne et au monde de l'art, alors je me suis dit que ce serait passionnant que ce hold-up se déroule dans ce contexte - plutôt que, par exemple, dans un casino. D'où viennent les personnages ? La plupart du temps, du subconscient de l'auteur. Les personnages partagent des émotions et des caractéristiques avec l'auteur. Donc je suis Rebus, mais aussi Siobhan, et aussi l'ennemi juré de Rebus, Cafferty. Mais je suis également Mike Mackenzie...
Dans la série des Rebus, le lecteur était confronté aux fantômes d'Edimbourg, ses aspects cachés, ses dangers. Dans Portes ouvertes, au moins dans la première partie, on a le sentiment que vous aviez besoin d'air frais, d'un véritable changement d'atmosphère. Est-ce exact ?
Avec Rebus, j'avais exploré les côtés les plus sombres d'Edimbourg. Avec Portes Ouvertes, dès le départ, je voulais un ton plus léger - il n'y a pas de mort, ce qui est très inhabituel dans un roman policier ! Et à partir de là, je me suis dit que je pourrais peut-être montrer au lecteur qu'Edimbourg n'est pas une ville ultra violente, avec des tas de problèmes, mais une belle cité cultivée, avec une grande histoire. Bien sûr, Edimbourg souffre de problèmes sociaux, mais la plupart des habitants ne seront jamais confrontés avec des comportements criminels tels que ceux qui font le quotidien de Rebus.
Dans Portes ouvertes, les aspects sociaux et politiques qui étaient très présents dans les romans précédents semblent s'être quelque peu estompés. Est-ce délibéré, ou est-ce lié à la nature du roman, qui s'apparente plus à un roman d'action ?
Dans Portes ouvertes, contrairement aux romans avec Rebus, il n'y a pas de thème social ou politique exprimé. Je l'ai écrit pour que les New Yorkais passent un bon moment au petit déjeuner, en lisant leur journal. Le rythme est rapide, l'intrigue pas trop complexe, et j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire.
L'un des thèmes qui m'intéressaient dans Portes ouvertes, c'était la valeur financière perçue de l'art, et l'effet qu'elle a sur le marché de l'art, les artistes et les collectionneurs. Les grosses sociétés achètent des œuvres d'art pour investir et montrer leur importance, pas parce qu'elles apprécient réellement la peinture. Donc, le thème du livre est proche de la bulle financière mondiale - ces dernières années, le marché des ventes publiques est devenu fou, les prix ont atteint des niveaux astronomiques.
Dans une interview, vous disiez qu'à votre avis, John Rebus s'ennuierait s'il passait une soirée avec vous. Etait-ce une plaisanterie, ou vouliez-vous dire que votre évolution personnelle a mis de la distance entre vous-même et le personnage que vous avez créé ?
Rebus est très différent de moi, et il ne m'aimerait pas s'il me rencontrait. Il me trouverait politiquement trop libéral ou centriste, penserait que je n'ai jamais eu à travailler dur dans ma vie, et aussi que je ne suis pas capable de boire autant que lui. Nous pourrions parler musique une demi-heure, mais il s'ennuierait vite et filerait à la recherche de gens plus intéressants !
Etait-ce une des raisons pour lesquelles vous étiez obligé de tirer votre révérence à John Rebus ?
Je me suis débarrassé de Rebus à cause des exigences de la vie réelle. En Ecosse, les enquêteurs prennent leur retraite à 60 ans. Dans le premier roman, L'étrangleur d'Edimbourg, Rebus avait 40 ans. Ce livre est sorti en 1987. Donc il fallait qu'il s'arrête en 2007. Voilà tout, il s'est fait rattraper par le temps.
Dans Portes ouvertes, vous ne pouvez pas vous empêcher de faire allusion à Rebus, sur le mode rapide et humoristique. Un hommage, un clin d’œil, une ouverture vers d'autres possibilités ?
Dans Portes ouvertes, j'ai introduit une allusion à Rebus, en clin d’œil à mes lecteurs, et aussi parce que les flics de Portes ouvertes sont très différents de Rebus et nous démontrent que ce n'était pas toujours facile de travailler avec lui !
En-dehors des romans avec John Rebus, y a-t-il un de vos livres auquel vous auriez souhaité davantage de succès, ou dont vous êtes particulièrement fier ?
Portes ouvertes a été mon plus gros succès au Royaume Uni. En fait il s'est vendu plus que n'importe lequel des Rebus. Mais il y a un livre que j'aime particulièrement, et qui gagnerait être à être plus connu, c'est Double détente, un thriller sur un tueur à gages (le bon) et un flic qui lui court après (et qui est en fait le méchant).
Avec votre roman suivant, The Complaints, vous vous remettez du côté de la police. Votre nouveau personnage, Malcolm Fox, est très différent de John Rebus. Avez-vous conçu ce personnage pour qu'il se rapproche de l'homme que vous êtes devenu ? Ou bien souhaitiez-vous créer un nouveau héros, tout simplement ?
Dans The Complaints, j'ai voulu parler de la crise financière au Royaume Uni, et je me suis dit qu'un roman policier était un bon moyen. Il me fallait donc un nouveau flic, un flic qui serait l'antithèse de Rebus - pour que les lecteurs n'aient pas l'impression de retrouver Rebus, mais avec un nouveau nom. Malcolm est le type de flic qui aurait enquêté sur les comportements de Rebus - il fait partie de la police des polices. Ce sont deux enquêteurs très différents, et deux hommes très différents aussi.
Photo © Ian Rankin
Portes ouvertes, de Ian Rankin, traduit de l'anglais par Stéphane Carn, éditions du Masque (sortie le 21 septembre 2011)
A lire aussi sur le blog : la rétrospective complète de tous les romans de Ian Rankin
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