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24 avril 2011
John Buchan - Alfred Hitchcock: Le face à face qui tue !
Il est amusant de constater à quel point un metteur en scène comme Hitchcock peut se permettre de modifier radicalement l’intrigue d’un roman en 1935, alors que l’auteur John Buchan est encore de ce monde. Car il s’agit bien d’un remaniement complet, au point que l’histoire d’origine (en particulier la fin) est pratiquement mise de côté par le cinéaste. En suivant chronologiquement le déroulement du film Les 39 marches, Hitchcock remplace l’espion (le voisin) créé par John Buchan par une jeune femme dès les premières images. Leur seul point commun étant de mourir poignardé dans l’appartement du héros. Le livre se veut résolument sérieux et dénonce un complot allemand visant à s’emparer des plans des défenses côtières britanniques. L’imminence de la guerre est présente dans la trame du roman, alors que Hitchcock fait totalement abstraction de ces événements latents. Même chose pour le voyage en Ecosse puisque le personnage de John Buchan, incarné à l’écran par Robert Donat, choisit cette région parce qu’il en est originaire, alors que celui de Hitchcock a en mains une carte que lui a laissée en mourant la jeune espionne. On retrouve dans le film des bribes du livre original sous la forme de plans de courte durée, notamment lorsque le héros se trouve dans la lande après avoir sauté du train (aboiements de chiens, silhouettes découpées sur fond de ciel, l’avion sensé l’observer remplacé pour l’occasion par un hélicoptère...) Quant aux différentes rencontres qui sont à la base même de l’esprit du livre, elles sont tout simplement remplacées par la scène du fermier et de sa femme, que Hitchcock lui-même avoue avoir inventée à partir d’une vieille histoire drôle. L’héroïne interprétée par Madeleine Carroll est elle aussi sortie tout droit de l’imagination du metteur en scène et de ses adaptateurs. Une fin totalement différente Le film et le livre "divorcent" complètement après la scène de la réunion politique. Ils n’ont plus aucun point commun, Hitchcock ayant totalement remanié la fin en inventant le personnage de M. Memory, auquel il est vaguement fait allusion dans le livre lorsque le "méchant" se déguise en un certain Lord Alloa pour obtenir les renseignements qu’il est venu chercher. Nous ne vous en dirons pas plus sur cette fin, car même si elle est totalement différente de celle du film, elle n’en reste pas moins originale et mérite qu’on la découvre. Il y est notamment question d’une partie de golf et d’une partie de bridge tout en finesse. Il est probable que Hitchcock a volontairement gommé les origines allemandes des conspirateurs, alors que John Buchan n’hésite pas à leur faire crier un "Schnell Franz, das Boot, das Boot !" qui ne laisse aucun doute sur leur origine. Comble du pessimisme, la dernière phrase nous annonce : "Sept semaines plus tard, comme chacun sait, nous entrions en guerre." Les deux font la paire Même si l’on a été enthousiasmé par le formidable film de Hitchcock, on trouvera un plaisir équivalent à lire le livre de John Buchan, à condition d’oublier les images ciselées par le maître du suspense et d’accepter de se laisser porter par l’art de l’écrivain aujourd’hui considéré comme un auteur anglais majeur en matière de littérature à suspense. Quand elles prennent des libertés avec le roman qui les a inspirées, les adaptations cinématographiques font parfois oublier que les originaux sont avant tout destinés à être lus et donc à faire travailler l’imagination du lecteur. Si le cinéma impose la vision du metteur en scène, le livre propose au lecteur de se créer sa propre vision.
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