5 février 2013

Denise Mina, "La fin de la saison des guêpes", à la vie à la mort

C'est demain 6 février que sort le nouveau roman de Denise Mina, La fin de la saison des guêpes, lauréat du prix du meilleur roman policier au Festival international de Harrogate en 2012. Et cela fait un moment que je trépigne d'impatience à l'idée de vous en parler. Autant dire tout de suite que je n'ai qu'un message à faire passer: foncez chez votre libraire !

Tout commence dans une banlieue plutôt chic de Glasgow, dans une maison vieillotte mais dont on devine bien qu'elle n'a pas abrité la pauvreté. Sarah dort profondément dans cette chambre qui n'est pas la sienne, ou plutôt qui l'a été. Nous sommes en pleine journée, 16h32 très exactement. Et quelque chose ne va pas dans la maison familiale et déserte, en principe. Quelques chiens aboient, sinon c'est le silence. Et ça n'est pas normal, car Sarah a l'habitude de laisser la radio allumée, pour "enlever au vide un peu de son mordant".
Sarah est fatiguée, elle ne demande qu'une chose : se rendormir. Mais non. Elle n'est plus seule dans la maison. Des voix, des bruits de pas. Sarah ne perd pas son sang-froid. Elle attrape son téléphone, compose le numéro d'urgence... Sa porte s'ouvre devant deux ados en noir. Conversation sans queue ni tête, les ados cherchent des enfants. Sarah n'a pas d'enfants. Bientôt, tout est clair : ces deux-là sont venus pour la tuer, là, dans son ancienne chambre de bébé. Elle ne saura jamais pourquoi...

Lorsqu'on retrouve Sarah le visage littéralement fracassé, au pied de son escalier, c'est à la commissaire Alex Morrow qu'on fait appel. Alex Morrow, dont on a fait la connaissance dans le roman précédent, Le silence de minuit. Alex est enceinte jusqu'aux yeux, elle attend des jumeaux, et elle vient d'enterrer son père. Elle est confrontée à une équipe de flics pas vraiment motivés, et qui n'ont pas envie d'en faire plus que le strict nécessaire. Elle, en revanche, est tout de suite en empathie avec Sarah, victime d'une agression hyper-violente, absurde, sans queue ni tête. Elle vivra avec d'autant plus de frustration la mollesse de ses collègues, et mettra d'autant plus d'énergie à trouver l'assassin... et surtout à comprendre l'inconcevable. Le suicide d'un banquier véreux, les retrouvailles d'Alex avec Kay, une vieille amie d'enfance, devenue assistante ménagère de la mère de Sarah et mère célibataire d'une famille nombreuse qui vit dans les sordides HLM de Glasgow, des adolescents paumés, et voilà, le décor est planté. Et je vous mets au défi de deviner quels liens vont se tisser entre ces personnages, quelle histoire bouleversante Mina va construire, petit à petit, sous nos yeux.

Certains disent que les personnages de Denise Mina sont froids. Non, ils sont vrais. Ils n'en font pas des tonnes, ils sont juste terriblement émouvants. Ils sont dans leur univers, ici la pauvreté et la solitude, là l'opulence menacée et la névrose, ailleurs la quête désespérée d'une vérité difficile à admettre. Ils sont entraînés dans une chorégraphie parfaitement orchestrée par un auteur qui reste pourtant loin de la manipulation. Mina connaît ses personnages, elle les aime, même si elle les maltraite, et ses descriptions sont d'une acuité douloureuse. Elle plante un décor complexe, où les classes sociales se croisent sans se voir la plupart du temps. Et quand elles se rencontrent, le choc est rude. Malgré la complexité de la construction, ou peut-être à cause d'elle, La fin de la saison des guêpes est un roman qu'on a du mal à lâcher, et de la peine à quitter une fois la dernière page tournée. Un roman virtuose, profondément humain, qui explore avec finesse et générosité notre côté sombre.

Denise Mina, La fin de la saison des guêpes, Le Masque, traduit de l'anglais par Freddy Michalski

Retrouvez nos autres chroniques sur les romans de Denise Mina, et une interview.

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