Premier volume d'une trilogie dont les volumes suivants s'intitulent 3 minutes et 3 heures, 3 secondes est l’œuvre commune de Anders Roslund, journaliste spécialisé dans les affaires criminelles, homme de télévision et Börge Hellström, décédé en 2017, ancien détenu, fondateur d'un organisme de prévention, très actif dans la réhabilitation des délinquants et des toxicomanes. Le duo est d'ores et déjà l'auteur de 6 romans, dont 3 ont été traduits en français.
Ce premier volume fait l'objet d'une adaptation au cinéma, qui devrait sortir à l'été 2019. Quant à la trilogie, elle a d'ores et déjà été récompensée par le CWA International Dagger, le Prix du polar scandinave et le Prix des auteurs de polar suédois.
La première partie de 3 secondes présente la qualité - plutôt rare dans les thrillers dits "survitaminés" - de prendre son temps. Faire la connaissance des personnages, appréhender les lieux, comprendre les relations entre les différents protagonistes, assimiler la situation très particulière à laquelle le lecteur va être confronté : l'efficacité du roman dépend largement de la qualité de ce "balisage". La maîtrise du temps est d'ailleurs au cœur de cette trilogie, tant dans la construction que dans le déroulement. Deux personnages principaux se détachent du "casting" : Piet Hoffmann, l'homme double qui travaille pour les autorités suédoises, et dans le même temps réussit à infiltrer la mafia polonaise et ses dealers redoutables. Piet Hoffmann est marié, habite une jolie maison des quartiers résidentiels de Stockholm, il adore ses deux jeunes fils ; le commissaire Ewert Grens, lui, pleure son épouse Anni, c'est un homme obsédé, désespéré, perdu dans son deuil et ses rituels du souvenir... Au moment où le roman démarre, il a pris une grande décision : débarrasser son bureau de la vieille platine sur laquelle il écoute inlassablement Siw Malmkvist, la chanteuse de variétés de sa jeunesse, du temps du bonheur avec Anni. Deux personnages que tout oppose, depuis leur génération jusqu'à leur façon de concevoir le rétablissement de l'ordre. Piet Hoffmann passe son temps à faire des allers-retours entre la Pologne et la Suède ; ses racines familiales polonaises lui facilitent grandement la tâche.
L'affaire commence avec la découverte, dans un appartement du 79 Väzstmannagatan, à Stockholm, du corps d'un inconnu proprement exécuté. Qui est-il? Qui l'a tué? Et surtout, qui est l'auteur de l'appel qui a alerté la police, passé, selon toute apparence, depuis la cuisine de l'appartement? Un casse-tête qui va occuper l'équipe de Ewert Grens... Pendant ce temps, Piet Hoffmann continue ses "voyages d'affaires", prenant des risques considérables, et maintenant le plus grand secret sur sa double vie auprès de sa petite famille.
La deuxième partie du roman est marquée par une nette accélération du rythme et de l'action. Car la situation s'est singulièrement compliquée pour Piet Hoffmann. A tel point qu'il n'a plus qu'une solution : pour provoquer le branle-bas de combat dans les milieux de la drogue, il va se faire enfermer dans une des prisons de sécurité les plus dures de Stockholm, afin de prendre possession de ce que les trafiquants appellent le "marché interne", celui des prisons... Hoffmann a donc laissé derrière lui la vie de famille à laquelle il tenait tant. Le projet est insensé, le plus grand secret est de mise, et en cas d'échec, Hoffmann se retrouvera seul, il le sait. Le compte à rebours commence, et les auteurs s'engagent dans la description d'une machine infernale aux rouages complexes et fragiles. Le suspense est totalement maîtrisé, le lecteur pris en étau entre Hoffmann, l'homme de tous les risques, et Grens, qui découvre petit à petit une vérité à laquelle il ose à peine croire, et comprend dans la douleur à quel point le monde a changé...
De quoi se poser quelques questions sur la facture de ce roman et sur l'idée qui préside à ce projet ambitieux. Coup de chance, Anders Roslund était présent à Lyon, au festival Quais du polar, et a bien voulu répondre à quelques-unes de ces questions. Vous pouvez lire l'interview ici.
Anders Roslund et Börge Hellström, 3 secondes, traduit du suédois par Philippe Bouquet et Catherine Renaud, éditions Mazarine
Le deuxième volume de la trilogie, 3 minutes, est disponible depuis le 20 mars. Le troisième volume, 3 heures, sera en librairie dès le 24 avril.
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