On fait sa connaissance dans Monsieur Ripley, paru en France en 1957, qui reçoit d'emblée le Grand Prix de Littérature policière. Tom Ripley est un jeune homme plutôt pauvre, un peu instable. M. Greenleaf, richissime homme d'affaires, le prend pour un ami proche de son fils Dickie, parti vivre sa vie en Europe. Il charge Tom d'embarquer pour le vieux continent afin d'y retrouver Dickie et de le ramener au bercail, où l'attend une brillante carrière. Tom joue le jeu : partir en Europe, muni d'un confortable pécule, quand on n'a ni projet, ni attache, ça ne se refuse pas... Le voilà donc parti pour l'Italie, à Mongibello, petit port fictif proche de Naples où Dickie file le parfait amour avec son amie Marge. Après quelques jours d'observation, Tom Ripley met en oeuvre son plan "séduction". Il s'agit de devenir le meilleur ami de Dickie, de lui avouer la raison de sa présence à Mongibello, et de se rendre indispensable. Tout fonctionne à merveille. Mais quel est le but de Tom ? Profiter de la générosité de M. Greenleaf aussi longtemps que possible, puis rentrer aux Etats-Unis ? Non, ce serait ridiculement peu ambitieux. Dickie et lui ont le même âge, un aspect physique comparable. Tom a l'étrange faculté de s'adapter à toutes les situations. Il a aussi une singulière capacité à faire abstraction de tout sens moral, et une absence de scrupules absolue. Son plan est donc archi-simple, mais ambitieux : se faire passer pour Dickie Greenleaf... Ce serait mal connaître Patricia Highsmith que de croire qu'on va en rester là. Non, elle va manipuler son personnage et l'emmener au point de non-retour, jusqu'à l'aboutissement incroyable d'un chemin de plus en plus tortueux et de plus en en plus inquiétant...
Dans l'épisode suivant, Ripley et les ombres, paru en 1970, nous retrouvons Tom Ripley 6 ans après les faits racontés dans Monsieur Ripley. Il a épousé Héloïse, douce et riche héritière, et vit en Seine-et-Marne, près de Fontainebleau. Tom Ripley est devenu un véritable grand bourgeois, il joue du clavecin, décore avec goût sa jolie maison. Et s'intéresse à la peinture. Mais pas juste pour le plaisir... Car Tom Ripley n'a pas changé. Pour lui, la mort n'a toujours pas d'importance. Il décide donc de ramener à la vie le peintre Derwatt, et de remettre sur le marché, à prix d'or, des faux Derwatt. On est toujours dans le mensonge, la duplicité, le flou des identités, la relativité de la vérité, et en permanence sur le fil du rasoir. Car Ripley, s'il est intelligent, ne mesure pas toujours bien les risques qu'il prend. Et pourrait bien s'en mordre les doigts...
Dans le troisième volume de la série, Ripley s'amuse (1974), ce cher Tom s'en prend à un malheureux encadreur, Jonathan Trevanny. Jonathan est atteint d'une leucémie, il sait qu'il n'en a plus pour longtemps. Et il ne pense qu'à une chose : mettre sa famille à l'abri du besoin. Mais son activité professionnelle ne le lui permet pas : les temps sont durs pour un artisan honnête... Un soir, il rencontre Tom Ripley, qui lui propose la botte à sa manière. Le marché : Jonathan élimine un mafieux en échange d'un petit pactole. Pour Ripley, rien de plus facile : aucun lien entre le mafieux et Trevanny, aucun moyen de remonter la piste, c'est le crime parfait. Sauf que Trevanny, lui, n'est pas un assassin... C'est là que les choses se compliquent.
Dans le quatrième Ripley, Sur les pas de Ripley (1981), notre héros change de rôle. C'est lui qui va devenir la proie d'un séduisant jeune homme américain, héritier d'une famille de financiers, qui vient lui demander son aide car il ne veut pas de son héritage et souhaite échapper à sa famille. Ça vous rappelle quelque chose ? Ripley se prend au jeu, emmène son jeune ami à Berlin pour l'y aider à se cacher. Manque de chance, l'héritier est enlevé. Et Ripley va se lancer à sa recherche...
Dans le dernier volume de la série, Ripley entre deux eaux (1992), Ripley est sur la sellette. Confortablement installé dans sa maison proche de Fontainebleau, il coule des jours paisibles avec la charmante Héloïse. Quand un couple d'Américains, les Pritchard, vient s'installer dans le voisinage. Les Pritchard en savent un peu trop sur le passé de Tom Ripley. C'est intolérable...
Tous ces romans ont été publiés par Calmann-Lévy.
Tom Ripley au cinéma
La série des Ripley a fait l'objet de plusieurs adaptations au cinéma, à commencer par Plein soleil, version cinéma de Monsieur Ripley, le célèbre film de René Clément avec Alain Delon, Maurice Ronet et Marie Laforêt, sorti en 1960. C'est sans doute dans ce film que sont le mieux représentés les rapports plus qu'ambigus qui unissent Tom et Dickie, d'autant mieux mis en lumière qu'ils sont magnifiquement photographiés, d'une beauté saisissante, éblouis qu'ils sont par le soleil de l'Italie.
La bande annonce de Plein soleil
En 1977, c'est Wim Wenders qui s'y colle avec L'Ami américain, adaptation de Ripley s'amuse. C'est vrai, on est loin de la trame du livre. C'est vrai, comme le dira Patricia Highsmith, Dennis Hopper est un brin... surprenant dans le rôle de Ripley. Et pourtant, Highsmith elle-même le reconnaîtra, ce film est sans doute le plus proche de ce qu'est Patricia Highsmith, de ce qu'elle dit, de son effroyable message et de sa vision de l'humanité. Outre le talent de Wim Wenders qui à l'époque était sans doute le plus doué des cinéastes européens, les comédiens sont particulièrement épatants : Bruno Ganz le magnifique dans le rôle de Jonathan l'encadreur, Dennis Hopper, l'homme au Stetson, dans celui de Ripley. Mais aussi des bonus impressionnants, car Wenders a voulu intégrer à son casting des metteurs en scène amis. C'est ainsi qu'on retrouve à l'image Nicholas Ray dans le rôle de Derwatt, Gérard Blain dans le rôle du gangster Raoul Minot, Samuel Fuller dans celui du gangster américain, Jean Eustache dans le rôle de l'ami du bar, Daniel Schmid... Un très grand film.
La bande annonce de L'ami américain
En 2002, Liliana Cavani adaptera à son tour Ripley s'amuse avec John Malkovich dans le rôle de Ripley. Le film fera un flop relatif, et on peut le comprendre. Presque ennuyeux, légèrement laborieux, Cavani livre là un énième thriller sans âme, banal, très éloigné de l'esprit de Highsmith. Quant au dernier avatar de Ripley, M. Ripley et les ombres, réalisé par Roger Spottiswoode et sorti en 2005, j'avoue ne pas l'avoir vu. Mais si j'en crois les critiques, c'est mieux ainsi...
La bande annonce de la série Ripley, de Steven Zaillan, avec Andrew Scogt
En 2024, la série Ripley sort sur Netflix. Basée sur Monsieur Ripley, elle décroche le jackpot : les 8 épisodes écrits et réalisés par Steven Zaillan attirent des millions de spectateurs, et l'interprétation de Ripley par le comédien écossais Andrew Scott, déjà remarqué dans le rôle de Moriarty dans la série Sherlock, donne à la série une couleur crépusculaire tout en rendant parfaitement justice à la personnalité du Ripley conçu par Highsmith. Même si on pourra le trouver un peu âgé pour le rôle, il a parfaitement intégré la duplicité, la personnalité multiple et le manque total de scrupules du personnage. Le choix du noir et blanc, la photographie somptueuse qui tire parti des paysages et de l'architecture italiennes, jouant avec des clairs-obscurs quasiment expressionnistes, confèrent une séduction vénéneuse à une série qui commence pourtant très lentement, au risque de décourager les plus impatients des spectateurs. Tant pis pour eux !
superbe rétrospective pour un personnage de fiction qui me plait beaucoup. Evidemment on regrettera cette fin morale dans le Plein soleil de Clément. Sa version restaurée sortie en dvd en juillet dernier est superbe. Le film de Wim Wenders, même s'il prend des libertés comparé au livre est une réussite et bien sombre. J'avoue que le dernier épisode (Ripley entre deux eaux) m'a moins convaincu. Quant au film de Malkovich, j'ai arrêté au bout de 20 minutes. http://fromtheavenue.blogspot.fr/2012/09/ripley-samuse-de-patricia-highsmith.html
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