31 juillet 2011

"Lady Jane", film noir désenchanté de Robert Guédiguian

Jetant un œil distrait sur un rayon DVD d'occasion, je suis tombée en arrêt devant ce Lady Jane signé Robert Guédiguian. Aucun souvenir d'avoir lu la moindre critique sur ce film sorti en 2008, pas le moindre souvenir non plus d'avoir entendu dire que Robert Guédiguian faisait dans le film noir. Curiosité, quand tu nous tiens... DVD acheté, film vu le soir même !
Robert Guédiguian nous a habitués à la chaleur: la chaleur humaine, celle du soleil de Marseille et des accents chantants. Dans Lady Jane, il fait incontestablement moins chaud que dans Marius et Jeannette, mais on n'en a pas moins le cœur serré. Après la chronique du roman de Thierry Crifo La ballade de Kouski, il semblerait que cette semaine soit vouée à la nostalgie. Celle des années 60-70, version activiste très à gauche pour ce film. Lady Jane, c'est le titre d'une chanson des Stones sortie en 1966 sur leur album Aftermath. 1966, c'est aussi l'année où l'héroïne Muriel (Ariane Ascaride), avec sa bande de potes marseillais et idéalistes, volait des manteaux de fourrure pour les redistribuer dans les quartiers pauvres. En 2008, le monde a bien changé. Muriel est maintenant propriétaire d'un magasin de chaussures de luxe baptisé... "Lady Jane", installé sur une jolie place aixoise. Elle est aussi mère d'un ado, qui a pris l'habitude de ne pas nécessairement rentrer à l'heure. Ce jour-là, il est plus en retard qu'à l'accoutumée. Et pour cause : il a été enlevé. Muriel reçoit une demande de rançon. Impensable d'appeler les flics, c'est vers ses vieux complices François et René (Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan) qu'elle va se tourner.

Là, on pourrait imaginer (voire redouter) une ode à l'amitié comme nous en a souvent concocté Guédiguian. On se tromperait lourdement... Le passé qu'on pressent entre ces trois-là est bel et bien révolu, et les sentiments qui restent ressemblent à des étiquettes abandonnées dans la vitrine vide d'un magasin fermé depuis longtemps. Les deux lascars ne sont pas vraiment rentrés dans le rang, eux. L'un d'entre eux officie dans une boîte marseillaise un peu sordide, l'autre est installé sur la côte dans une petite maison de rien du tout, avec sa femme et ses deux filles, il y bricole bateaux et scooters des mers. Mariage raté, couple qui s'effrite, rien de tout cela ne fait vraiment envie. Quant à Muriel, c'est une femme seule, très seule. Une femme qui en a certainement vu de toutes les couleurs. Dure, froide, vieillissante mais belle encore, toute de noir vêtue, Ariane Ascaride campe là un très beau et très singulier personnage de femme en détresse, sans pathos. La brève et dernière aventure qu'elle va vivre avec ses deux anciens amis la laissera encore plus seule qu'avant. Leur parcours chaotique, ponctué de morts violentes sur fond de vengeance froide, laisse le spectateur un peu hagard et incrédule. Un film construit tout en subtilité et en audace, élégant et désespéré. Des comédiens épatants, comme toujours, dans des emplois inattendus. Une belle surprise.

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