30 juillet 2011

Prison break, la machine à perdre

Le titre n'est pas totalement innocent, puisque cette série basée sur des évasions multiples a réussi à lasser ses adeptes dont le nombre a tellement diminué lors de la quatrième saison qu'elle a fini par disparaître des programmes. On peut voir sur internet, en tapant le nom de la série dans un moteur de recherche, de jolies courbes qui montrent la chute vertigineuse du nombre des téléspectateurs. Pourtant, le concept avait tout pour réussir, puisqu'il comportait les règles du théâtre classique (unité de lieu, de temps et d'action), le principe tant apprécié de la bande d'individus associés pour le meilleur et pour le pire, le jeune et beau héros ainsi que son inévitable petite amie non moins charmante et la théorie du complot si chère à nos amis américains.

Pour cette première collaboration à ce blog, je me suis donc précipité chez Joseph Gibert, où l'on peut acquérir d'occasion pour une dizaine d'euros chaque saison de cette série diffusée sur le réseau Fox entre 2005 et 2009.

Commençons par enfoncer quelques portes ouvertes. D'abord, c'est facile, et en plus ça ne fait pas mal à l'épaule. Si comme moi vous n'aviez pas eu l'occasion de voir ce feuilleton lors de sa première diffusion en France, vous serez forcément conquis par le mode narratif typiquement addictif, qui oblige pratiquement à voir au moins trois ou quatre épisodes à la suite avant de tomber sur un passage suffisamment calme pour pouvoir appuyer sur le bouton stop du lecteur de DVD. La première saison, qui est certainement la meilleure, nous fait rencontrer les personnages un par un au fur et à mesure de leur apparition et donc du rôle qu'ils vont jouer dans cette évasion spectaculaire. A l'origine de l'histoire, le frère d'un condamné à mort se fait emprisonner pour le faire évader avant la date fatidique. Les scénaristes ont visiblement planché pour que tout le monde y trouve son compte. Si on devait jouer au jeu des 7 familles des détenus de la prison de haute sécurité de Fox River, on noterait les bellâtres pour ces demoiselles, les minorités au crâne rasé et au coeur tendre, les matons corrompus à gros bras, le personnel soignant (et charmant) du pénitencier, et l'inévitable tueur en série, totalement déjanté. Mélangez les cartes, distribuez et roulez jeunesse !

La série est décomposée en 4 parties bien distinctes correspondant chacune à une saison.
1. L'évasion du pénitencier
2. La cavale
3. Nouvel emprisonnement et évasion d'un pénitencier sud-américain
4. La vengeance
Normalement, il y aurait dû y avoir des suites qui se sont résumées à deux petits épisodes vendus séparément.

Beaucoup de bonnes idées innovantes qui laissent à penser que les scénaristes ont dû faire travailler leurs petites cellules grises. En particulier, le plan d'évasion du premier épisode entièrement tatoué sur le corps du héros. En revanche, rendre systématique le principe de la machine à perdre finit par faire sourire. Michael Scofield est le génie et la poisse personnifiés. Pas une fois ce qu'il a programmé dans son projet d'évasion ne fonctionne du premier coup, ce qui provoque une multitude de rebondissements qui participent au suspense. Bien sûr, les personnages sont franchement caricaturaux, frisant parfois le grotesque, mais cela fait partie du charme de ces séries qui ont les yeux plus gros que le ventre. Une quarantaine de minutes par épisode, entrecoupées de nombreux coups de théâtre destinés à glisser des spots publicitaires pour les spectateurs d'outre-Atlantique qui sont habitués aux interruptions volontaires de l'image, c'est évidemment un peu court pour avoir le temps de travailler sur la psychologie, du coup tout est dans l'action et la réaction.

Rédemption à l'américaine et guérisons miraculeuses !

Un autre aspect amusant : l'évolution des méchants en bons qui est systématique. A l'exception du tueur en série qui reste égal à lui-même. Ainsi, l'agent du FBI corrompu et assassin d'un membre de la famille du héros finit par devenir son pote au bout du 4e épisode. Même chose avec l'abominable maton qui n'hésite pas à mettre sa vie en péril pour sauver ceux que, deux saisons plus tôt, il faisait souffrir du mieux qu'il pouvait. Lorsqu'un personnage passe de l'obscurité à la lumière, cela va encore, mais lorsque cela devient un "gimmick", là aussi on frise la caricature. Raymond Chandler répondant à Ian Fleming dans une interview qu'on peut trouver sur le blog reconnaissait que ses personnages avaient tendance à "cicatriser" un peu vite. Avec Prison Break, on frise le miraculeux, puisque par exemple le personnage de Theodore « T-Bag » Bagwell se fait couper la main à la hache et réussit tout de même à courir les champs jusque chez un vétérinaire pour se la faire recoudre. Non content de cette chirurgie pour le moins bizarre, il va devoir se la ré-arracher lui-même quelque temps plus tard pour se libérer d'une menotte qui l'enchaîne à un radiateur. Ceci bien sûr sans aucune conséquence sur sa santé puisqu'il va continuer à massacrer tous ceux qui auront le malheur de se mettre en travers de son chemin. Même chose avec Fernando Sucre qui ramasse une balle perdue dans le ventre et agonise à moitié pendant que la jolie doctoresse le charcute avec une pince dont on n'est pas tout à fait certain qu'elle soit stérile. Le voilà quelques heures plus tard qui gambade aux côtés de la bande de joyeux lurons en faisant juste un petit "Aïe" de rien du tout lorsqu'il s'assoit dans une voiture. Il y a un petit côté "guignol" pour grands enfants dans ce feuilleton et ses personnages, que l'on applaudit sans retenue malgré l'absurdité de certaines situations.

Si vous mettez votre nez dans le premier coffret de cette série, soyez certain que vous ne pourrez quitter ses personnages qu'après 60 heures de poursuites, tabassages, assassinats, trahisons, rédemptions à la pelle ! Alors bon courage et prévoyez un mois de vacances pour partager les aventures de Michael et Lincoln.

En guise de conclusion, j'engage ceux qui se passionnent pour les récits d'évasion à relire Le trou de José Giovanni, qui en plus a le mérite d'être un récit autobiographique, adapté au cinéma en 1959 par Jacques Becker qui lui a d'ailleurs demandé d'écrire le scénario original.

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