24 juillet 2011

Thierry Crifo et "La Ballade de Kouski" : grand vent noir de nostalgie

Je viens de faire la connaissance de Thierry Crifo. Il faut dire, à ma décharge, que l'homme déroute : on le croit romancier, il est scénariste pour la télé, ou alors parolier, et pourquoi pas dramaturge. La ballade de Kouski est un roman noir, nostalgique et générationnel. Il parlera tout de suite à ceux qui sont nés entre 1950 et 1960, et il leur dira des choses mélancoliques, violentes, des histoires d'illusions perdues, de destins foirés, d'amitiés égarées. Un roman qui porte en exergue "I'm not like everybody else", cette inimitable chanson écrite en 1966 par Ray Davies pour les Kinks, ne peut pas être un mauvais roman...  C'est un roman qui fait mouche, droit au cœur...
Le narrateur est un ex-champion de hockey d'origine finlandaise, on le cueille au début du roman à Grenoble, où il possède un petit hôtel et un bistrot. La ville de Grenoble en prend plein la tête, dès la première page : "Le Vieux Grenoble défile sous mes yeux avec l'Isère aussi verdâtre qu'un cimetière oublié. Décidément, je ne peux plus sacquer cette ville. Elle me colle, me prend mais je ne dis rien, je reste et je me cache." Le décor est planté. Kouski traîne la patte, il le doit à un accident de travail, comme on dit... et il roule en Panhard, ce qui n'est pas commun. C'est calme, il retrouve son entourage habituel, la gérante de son bistrot et les piliers qui vont avec... Mais ça ne dure pas, puisque fait irruption dans sa vie la femme d'un vieil ami, un frère, le beau Victor Serpolette, avec lequel Kouski s'est définitivement engueulé quelques années auparavant. Sandra Serpolette n'est plus ce qu'elle était : belle plante vénéneuse, elle est devenue maigre, laide et surtout complètement barrée. Victor a disparu... Trois mots qui vont mettre en branle une quête infernale où le pire n'est jamais sûr. Kouski est un homme de cœur : il n'y a qu'une chose à faire, retrouver Victor, et aussi le petit Fred, le fils du couple. Et ce n'est pas à Grenoble que ça se passe, mais à Paris. Commence une course poursuite en forme de dérive avec des vérités pas toujours bonnes à savoir, et le déroulement implacable d'une histoire moche qui débouche sur un drame pratiquement inévitable et sur une fin tragique.
La ballade de Kouski n'est pas un polar. Clairement, Thierry Crifo n'a pas envie de valoriser la police dans cette histoire. Les seuls flics qu'on verra ne tiennent pas le beau rôle. La ballade de Kouski est un vrai roman noir. D'abord parce qu'il s'y déroule des destins tristes à pleurer, des déchéances qui font mal, des petites et des grandes trahisons. Ensuite parce que ceux qui sont nés dans ces années-là et qui n'ont pas toujours choisi le "droit chemin" ne sont pas tous devenus des publicitaires et des communicants florissants. Beaucoup ont cru à des valeurs et à des modes de vie systématiquement battus en brèche par le sens de l'histoire. Et ceux-là ont dégusté, pour de bon... C'est aussi l'histoire triste de ces gens-là que raconte la Ballade de Kouski. Une ballade tout en musique, ce qui n'est pas son moindre charme.

Du coup, on peut se concocter la BO du roman, comme on a pu le faire avec ceux de Ian Rankin ou de Jean-Claude Izzo. On essaye ? David Bowie, les Who, les Stones, les Sex Pistols, les Clash, les Pretty Things, Bruce Springsteen, ZZ Top, les Seeds, Johnny Thunders, les Shadows of Knight, Steppenwolf, Donovan, Jimi Hendrix, Van Morrison, les Small Faces, Françoise Hardy, MC5, Barbara, les Beatles, les Kinks

Thierry Crifo, La ballade de Kouski, Folio policier

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