24 octobre 2011

Drame dans les "Dunes froides" avec Jeanne Desaubry

Dunes froides est un roman d'une grande sobriété. Pas de spectaculaire, pas de coups de théâtre téléphonés, pas de détails inutilement sordides. Les plages du nord, le vent, le froid, la pluie, la beauté désespérante des paysages et d'un climat qui ne fait rien pour séduire... le décor est planté. C'est là, dans une maison de bord de mer, en plein hiver, que se noue le destin de Victor, un ancien prof d'un âge certain, et de Martha, jeune femme à la beauté préraphaélite.

 Un couple étrange, amoureux, passionné, autarcique. Victor est veuf, son épouse est morte accidentellement après une longue, trop longue maladie. Victor enseignait l'histoire de l'art, Martha étudiait avec lui, rien de plus banal en apparence. Mais rien de plus étrange aussi que cet homme presque âgé déjà, mais robuste, protégeant Martha l'elfe roux dont on devine bientôt qu'elle a vécu des moments effrayants et qu'elle en est restée marquée à vie. Le troisième personnage est un voyeur, un journaliste que des erreurs fatales ont conduit à la déchéance et qui passe son temps à épier Martha, pris d'une véritable obsession pour la jeune femme. Martha, de son côté, sent qu'on la regarde, mais ne dit rien et se fait subtilement complice de cette observation. Une situation pour le moins malsaine, qui ne peut que déboucher sur un drame.
Jeanne Desaubry sait créer une atmosphère oppressante, un suspense lancinant, sans pour autant recourir aux vieux trucs qui font dresser les cheveux sur la tête. La peur naît doucement, dès qu'on a commencé à saisir la complexité des relations qui unissent le couple. Et ce qui effraie le plus n'est pas nécessairement l'inconnu qui, là, dehors, guette... La violence est là, tapie entre ces deux êtres qui s'accrochent l'un à l'autre et qui pourtant ignorent l'essentiel. Et si, factuellement, elle vient de l'extérieur, c'est à l'intérieur des personnages, et dans leur histoire, qu'elle se noue. La retenue de l'écriture oscille étrangement entre douceur, empathie et une certaine froideur distante, promenant le lecteur et le guidant insensiblement au coeur de la tragédie qui se tisse entre ces êtres d'autant plus dangereux qu'ils sont brisés. Un roman touchant, effrayant, réussi.
Jeanne Desaubry - Dunes froides - Krakoen

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