Photo © Philippe Matsas/Opale/Editions Payot Rivages - contact@agence-opale.com
Vous vous êtes installé à Toulouse, ce qui ne vous empêche pas de rester attaché à votre région d'origine, le Nord. D'après vous, la région où vit un auteur a-t-elle toujours une influence importante sur son travail ?
Si l’on a le souci de parler de son époque, oui. Le travail commence par une réflexion sur le rapport que l’on entretient avec son environnement immédiat. On plante un décor (et autant bien le connaître) puis on y situe des personnages, sachant que le décor, l’esprit du lieu influenceront, conditionneront inévitablement l’histoire. Le lieu est déterminant. Si j’avais choisi de planter l’action de mon roman Les derniers jours d’un homme dans le sud, j’aurais donné peut-être une histoire sensiblement identique, mais l’ambiance aurait été très différente.
Parmi vos influences, vous citez Bukowski et Selby, alors que votre littérature semble bien ancrée dans votre environnement. Comment faites-vous le lien?
L’influence se tient là au niveau de l’énergie, et donc du style. Selby et Bukowski, mais aussi Miller ou Cendrars, m’ont donné envie d’écrire. Moi qui viens d’un milieu modeste, ils m’ont d’une certaine façon décomplexé. Grâce à eux, j’ai appris à écrire selon mes pulsions intimes. Leur parcours d’homme avait aussi valeur d’exemple. Si malgré les vicissitudes de leur existence tumultueuse, ils étaient parvenus à devenir ce qu’ils étaient devenus, je le pouvais aussi.
Vous avancez par cycles : Félix Dutrey, Emile, les romans de nature... Pourtant, sous des abords différents, vos romans sont quand même tous fondamentalement noirs, même quand vous y mettez un humour parfois... glaçant. Vous décririez-vous comme pessimiste?
Si j’observe aujourd’hui le monde autour de moi et l’attitude de mes contemporains, rien ne me permet d’être optimiste. La terre continuera de tourner, mais l’espèce humaine disparaîtra. L’espérance de vie de l’humanité est en baisse. Sinon pessimiste, du moins lucide.
Votre passion pour la nature prend des formes étranges dans vos romans. Pour Le bal des frelons, vous vous êtes documenté sur la vie des insectes, et l'histoire tout entière en est imprégnée. Est-ce pour mieux réussir votre comédie humaine que vous utilisez la métaphore animalière?
Les animaux et la nature en général sont un matériau formidable pour la littérature. D’abord, il y a le plaisir de raconter cela, et la richesse que cela induit au niveau du langage. Ensuite, c’est évident, j’utilise ce matériau pour illustrer, révéler le mieux possible mes personnages. Je ne choisis pas de faire du personnage central du Bal des frelons un apiculteur au hasard. Le montrer en train d’exercer son métier révèle bien mieux que toute considération psychologique l’homme qu’il est.
Vous êtes un homme de "réseau" ou plutôt d'amitiés. Comment percevez-vous la place que vous occupez dans le monde des auteurs de romans noirs / polars français?
Je pratique le roman noir… Je suis identifié aujourd’hui comme un auteur de romans noirs à tendance verte… c’est une espèce à part !
Vous dites que c'est votre frère poète qui vous a donné le goût de la littérature. Pourquoi avez-vous choisi le roman noir?
J’y suis venu par hasard, doucement. Je ne savais pas ce qu’était le roman noir, je pensais n’en avoir jamais lu. Et puis un jour, après déjà quelques livres que j’avais écrits et qui n’avaient pas trouvé d’éditeur, je me suis aperçu que c’était ce que je faisais. Donc, ce ne fut pas un choix mais une évidence.
Vous avez récemment publié avec le photographe Philippe Matsas un beau livre sur les gares, les voies de chemin de fer abandonnées dans le Nord de la France. Comment s'est faite la rencontre, comment est né ce projet?
Philippe Matsas me photographie pour les éditions Rivages et à titre personnel depuis de nombreuses années maintenant. Il est né au Luxembourg et il a assisté au démantèlement de la sidérurgie dans ce pays. Un jour de juin, en 2010, nous participions tous deux au Marathon des Mots de Toulouse, je lui ai parlé de l’émotion que j’éprouvais, voyant les friches ferroviaires, quand je remontais dans mon pays d’origine. L’envie de faire un livre ensemble est née à ce moment-là. C’est formidable de concrétiser une connivence, une amitié par un livre. J’ai confié à Philippe des textes et il est parti seul à l’aventure. Nous sommes ensuite repartis ensemble. Des textes ont donné naissance à des images et des images ont inspiré des textes. Nous avions déjà trouvé un éditeur assez fou pour concrétiser ce projet ! Ça faisait longtemps aussi que Jean-Jacques Reboux et moi voulions travailler ensemble.
Cette approche du monde industriel disparu est-elle une nouvelle voie pour votre vision du monde?
C’est une matière… J’ai déjà beaucoup écrit sur le sujet. Il y a eu notamment Loin des humains qui évoque la catastrophe AZF de Toulouse, et surtout Les derniers jours d’un homme dont toute l’action est en rapport avec le scandale Metaleurop. Ce n’est pas une nouvelle voie, mais un travail qui s’inscrit dans une continuité logique.
Si je vous dis que ce dernier livre reflète, peut-être encore plus que les autres, une dualité permanente chez vous entre l'humanisme présent dans tous vos livres, même les plus cruels, et une forme d'observation qui dénonce un monde révoltant, que me répondez-vous?
Que vous avez une très bonne lecture de mes livres !
Sur quel projet travaillez-vous en ce moment?
Je ne réponds jamais à cette question avant d’avoir fini…
Les livres cités : Les derniers jours d’un homme, Loin des humains et Le bal des frelons (éditions Rivages), Les Voies perdues (éditions Après La Lune).
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