Sébastien Gendron, autant vous le dire tout de suite : je vous déteste autant que j'aime les pingouins. Votre livre m'a fait de l’œil, avec sa couverture en forme de Union Jack et son pingouin en plein milieu. Parce que figurez-vous, Sébastien Gendron, que j'aime le Royaume-Uni presque autant que les pingouins. Et à quelle sauce me les avez-vous mis, ces deux amours de ma vie... Et puis qu'est-ce que c'est que ces façons, attirer une lectrice de polars et de romans noirs dans un traquenard pareil? Vous auriez pu mettre sur la couverture, je ne sais pas moi, Nick Hornby ou Joseph Connolly, là j'aurais été prête. Mais là, quelle traîtrise !
Bon, c'est parti... Nous sommes dans le Yorkshire, à Kirk Bay, au bord de la mer bien sûr. Cette nuit-là, Lawrence Paxton, agent de change à la retraite, aurait mieux fait de rester au lit auprès de sa femme Lynn. Mais non, il a fallu qu'il aille se promener près de la plage. Il a fallu qu'il tombe sur cette multitude de sacs de cocaïne escortés par un cortège de pingouins. Lawrence n'a jamais de sa vie touché à la cocaïne. La bière et le scotch lui suffisent largement. Mais là, il ne peut pas résister, il goûte. Et l'effet est radical. D'un seul coup d'un seul, ce brave retraité se transforme en un machiavélique personnage qui décide et d'une de garder une partie de la cargaison pour lui, et de deux d'éliminer sa femme qui depuis un moment les lui brise menu. Et c'est le commencement de la fin.
Pour commencer, une éminente spécialiste de biologie marine affirme que ce type de pingouin - le pingouin brachyptère - a disparu de la surface de la Terre en 1844... Pas grave ? Eh bien si. Car ces pingouins commencent à envahir la petite ville, à s'attaquer aux plantations, à éventrer tout ce qui leur tombe sous le bec. Mais pas question de les capturer manu militari, il s'agit d'une espèce survivante, rarissime... Tandis que la biologiste s'efforce de les protéger, un promoteur véreux propose de construire un parc d'attraction pour canaliser les bestioles devenues elles aussi accro à la coke, et faire venir les badauds et leurs cartes de crédit. Et pendant ce temps-là, Lawrence est plus décidé que jamais à se débarrasser de sa femme. Mais pas lui-même, non... Il compte bien confier cette mission à son concessionnaire automobile préféré, sur lequel il a quelques informations pas vraiment bonnes à dire. Bref, ce roman est un pur délire de bout en bout. Au fil des pages, Gendron règle quelques comptes avec, en vrac, le mariage, les concessionnaires automobiles, les promoteurs, les politiques, les flics, le pouvoir en général. Sans jamais oublier la dérision, qui est la tonalité dominante de cette folle affaire. L'enchaînement des événements qui vont aboutir à un véritable état de guerre dans cette petite ville bien tranquille est plutôt bien vu, à tel point qu'on finit par oublier à quel point la situation est délirante !
Gendron a la dent dure, et pas seulement avec les pingouins. Des pingouins cannibales, je vous demande un peu ! Il pique des crises de rage qui le poussent à écrire certaines scènes d'émeute et de violence à la limite du gore. Il n'a pas de mots assez méchants pour décrire la malheureuse Lynn, épouse détestée de Lawrence, archétype de la ménagère qui, à force de mourir d'ennui, devient "la femme à abattre". A noter quand même: si Lynn est détestable, que dire de son époux Lawrence?... A ne pas manquer à la fin du livre : un petit coup de romantisme à la Gendron, c'est-à-dire pas vraiment fleur bleue, nous laisse entrevoir la possibilité d'un rapprochement du couple. C'est compter sans la fatalité, l'absurdité, le manque de bol (comme vous voulez)... Voilà un roman où on ne s'ennuie pas une seconde, où on suit l'auteur même lorsqu'il semble s'égarer bien loin de son intrigue, où on sourit... en grinçant des dents.
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Sébastien Gendron - Quelque chose pour le week-end - éditions Baleine
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