Revoilà Michael Mention. Quelle santé ! Quelques semaines après la publication de Fils de Sam (voir chronique ici), voilà, en quelque sorte, la suite de Sale temps pour le pays (voir chronique ici), paru chez Rivages/Noir. Nous revoilà donc dans le Yorkshire, au nord de l'Angleterre, entre Leeds et Bradford, région sinistrée après l'ère Thatcher, dont une partie a réussi à se refaire une santé à coups de centres commerciaux et de boutiques branchées, et l'autre a continué à s'enfoncer dans la pauvreté, la violence et le désespoir. Nous sommes au début du XXIe siècle, en mai 2010, et Stephen Griffiths, qui se fait appeler le cannibale à l'arbalète, vient d'être arrêté. Il est coupable de trois assassinats de prostituées, tuées à l'arbalète, sauvagement mutilées et découpées... Presque 30 ans après l'arrestation de Peter Sutcliffe, l'éventreur du Yorkshire, au terme d'une longue et pénible enquête retracée par Michael Mention dans Sale temps pour le pays. Voilà pour le réel. Car si dans Sale temps pour le pays, l'auteur était resté très proche des faits, ici, s'il s'inspire de l'affaire Griffiths, c'est pour mieux se rapprocher de son sujet: la peur. Et la manipulation.
Les premiers chapitres retracent la vie de Peter, depuis sa naissance. Peter, l'arachnophobe, celui dont la phobie le mènera tout droit à la violence. Un épicier refuse de lui vendre l'insecticide qui le libérera du monstre poilu qui fait le siège de son petit appartement. Il le frappe, violemment. Et finit en prison, sans passer par la case départ. Là-bas, il rencontrera Peter Sutcliffe... Puis retrouvera la liberté et entamera des études de criminologie. Pendant ce temps-là, en ville, les morts violentes se multiplient. Des femmes, des prostituées pour la plupart, tuées à l'arbalète, mutilées, découpées. Et le jeune inspecteur Clarence Cooper, en charge de l'affaire. Pas l'ombre d'une piste, jusqu'au jour où on s'aperçoit que plusieurs victimes sont passées par le cabinet d'un psy, le Dr Kraven, spécialiste des troubles phobiques. Clarence Cooper va donc, pour les besoins de l'enquête, se glisser dans la peau de Matthew Penn, cadre chez IBM et souffrant... d'arachnophobie. Il ne se doute pas un instant de ce qu'il va subir...
La peur. La manipulation. De ces deux sujets, lequel a donné des insomnies à Michael Mention? Le sort de Clarence/Matthew ressemble à un chemin de croix. A chaque étape de son enquête, à chaque échec, à chaque fausse piste, Clarence/Matthew plonge un peu profond dans l'horreur. Il plonge même au sens propre du terme. Lors d'une de ses séances de plongée habituelles, il est mentalement sous emprise, après une séance chez le bon Docteur Kraven et une approche de cette technique qu'on appelle la PNL. Oui, celle qui est tellement appréciée des coaches d'entreprise en tout genre. Au point qu'il en oublie ses techniques de plongeur émérite : emphysème, pneumothorax, la totale. Dans quel état Clarence va-t-il terminer son enquête? Comment va-t-il vivre, après ? Irrémédiablement abîmé ? Qui est l'assassin ? L'un, l'autre ? D'une phobie à l'autre ? D'une douleur à l'autre ? N'importe lequel des patients du Dr Kraven pourrait faire l'affaire, à vrai dire. L'important, c'est l'au-delà de la peur. C'est l'amour, c'est l'enfant qui arrive, en bref, c'est la vie. Et là, le lecteur est seul. Seul à se demander s'il faut croire à la magie de l'amour et de la vie. Ou pas.
Michael Mention, Adieu demain, Rivages / Noir
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