7 février 2016

Denise Mina, "La nuit où Diana est morte" : que faisiez-vous cette nuit-là ?

L’Écossaise Denise Mina en est à son douzième roman, et celui-ci est le quatrième de sa série "Alex Morrow". Elle a remporté deux fois de suite le grand prix du roman policier du Festival de Harrogate, sa formidable série "Paddy Meehan" a été portée à l'écran sous la forme d'une série télé qu'on attend toujours de voir en version française. Dimanche dernier, sur France Inter, Christine Ferniot se demandait comment elle avait pu ignorer cet auteur si longtemps... Qu'est-ce que vous attendez donc pour lui faire un triomphe, à cette femme-là ? Elle qui sait si bien exploser le genre du polar d'enquête pour faire de ses histoires d'authentiques romans noirs contemporains ?
Dans La nuit où Diana est morte, nous retrouvons à Glasgow l'inspectrice Alex Morrow, mère de jumeaux de un an, sœur d'un des chefs de la pègre glaswégienne, aux prises avec une affaire de meurtre qui va bientôt la ramener en arrière, à ce fameux 31 août 1997, la nuit de la mort de la Princesse Diana...

Cette nuit-là, dans le centre ville de Glasgow, la jeune Rose Wilson, 14 ans, vient de tuer deux hommes. Sammy, le sale type qui la prostitue. Et Pinkie Brown, celui qu'elle prenait pour le Prince charmant. Sauf que dans ce monde-là, le Prince charmant n'existe pas. Vous l'avez compris, il ne s'agit pas de découvrir le coupable de ce double crime, puisqu'on en est le témoin dès les premières pages. Et dès les premières pages, on comprend que Denise Mina ne va pas faire de concessions, ni d'efforts pour protéger notre fragile petite sensibilité. Tel un taureau furieux, elle entre dans l'arène de la violence, de la misère, de la perversion. Car si Rose est une meurtrière, c'est surtout une victime de la monstruosité des adultes, de la pauvreté, de la solitude. Et cette nuit-là, celle dont tout le monde se souvient, celle où chacun sait ce qu'il était en train de faire, va être le point de départ d'une double enquête où Alex Morrow va se retrouver confrontée, de nos jours, avec le meurtre d'un homme d'affaires et, de retour en 1997, avec le destin de Rose Wilson.
Il y a quelque chose qui ne va pas avec ce meurtre: on retrouve sur le cadavre les empreintes d'un homme... qui n'a pas bougé de sa cellule de prison et qui ne peut matériellement pas être l'assassin. Cet homme-là, Michael Brown, a passé la plus grande partie de sa vie sous les verrous : enfermé adolescent pour le meurtre de son frère, il a enchaîné les faux pas et n'a pratiquement jamais vécu en liberté. S'agit-il d'une erreur de prise d'empreintes ? Ou bien d'une affaire plus complexe et beaucoup plus tordue ? C'est ce que va devoir découvrir Alex Morrow, au prix d'un combat sans merci contre les fantômes du passé et les ordures du présent.
Denise Mina au festival Quais du polar en 2015
Dans La nuit où Diana est morte, Denise Mina pousse encore plus loin un style irrésistible, recule les limites de nos sensibilités en nous livrant ses visions sans merci de la violence faite aux enfants, autant de gifles qui nous font vaciller sur nos certitudes et nos fausses pudeurs. Elle sait comme personne nous confronter à des personnages ambigus, malades, au bord du gouffre, nous plantant ainsi sans plus d'égards devant le miroir de nos peurs et de nos lâchetés. La nuit où Diana est morte est un roman qui secoue, qu'on ne lâche pas jusque tard dans la nuit: l'art de la narration, la sensibilité et la colère de l'auteure, font de ce livre un véritable brûlot où violence, lucidité et compassion se disputent la première place. Par pitié, lisez Denise Mina, je vous jure que vous ne le regretterez pas !

Retrouvez ici les chroniques et interviews de Denise Mina

Denise Mina, La nuit où Diana est morte, traduit de l'anglais (Ecosse) par Nathalie Bru, éditions du Masque

3 commentaires:

  1. Billet très tentateur pour me convaincre de retenter une lecture de cette auteur. J'avais commencer "The end of the wasp season" mais n'avais pas accroché. C'est marrant de voir une photo de l'auteur, car c'est très proche de comment j'imaginais Alex Morrow.

    RépondreSupprimer
  2. Pour tout dire, Denise Mina n'avait pas encore trouvé "son" traducteur. C'est chose faite grâce à Nathalie Bru. Et ça change tout...

    RépondreSupprimer
  3. Pas très convaincant! Tout est un peu téléphoné et j'avoue que j'ai laissé tomber aux 2/3! Polars Urbains

    RépondreSupprimer

Articles récents

  • Benjamin Myers, "Le prêtre et le braconnier" : une parabole vénéneuse
  •  Benjamin Myers connaît auprès du public français un parcours aussi original que sa personnalité, parcours qui favorise peu la découverte de ses livres profondément originaux, salement noirs, ... Lire la suite
  • David Peace, Patient X - Le dossier Ryunosuke Akutagawa
  •  Avertissement au lecteur puriste : ce livre n'est pas un roman noir. Sauf à le considérer comme une enquête de David Peace sur l'auteur japonais, et à travers elle une mise à nu de l'auteur ... Lire la suite
  • Jurica Pavičić, "Mater Dolorosa" : L'amour (maternel) à mort
  • Après L'eau rouge et La femme du deuxième étage, voici le troisième roman traduit en français du Croate Jurica Pavičić, qui, en trois ans, a remporté de nombreux prix et réussi à conquérir un public ... Lire la suite
  • Keigo Higashino, "La Maison où je suis mort autrefois": obsessions, identité et mémoire incertaine
  • Ce roman n'est pas une nouveauté, mais autant l'avouer, je me suis prise d'affection pour Keigo Higashino, et certains de ses romans se glisseront subrepticement au fil de ces chroniques, au rythme ... Lire la suite
  • Stéphane Grangier, "Tour mort" : cavale fatale entre Rennes et Belle-Ile
  • Stéphane Grangier nous a habitués dans ses précédents romans (Hollywood Plomodiern et Fioul, tous deux parus chez Goater noir) à des histoires de paumés, de dérives plus ou moins dangereuses, de ... Lire la suite
  • Frédéric Paulin, "Nul ennemi comme un frère" : le Liban, paradis perdu ?
  • Entre 1975 et 1977, j'habitais une petite rue entre Opéra et Madeleine. Des professionnelles de la profession y exerçaient leur métier à bord de leur Austin Mini, toute blondeur dehors. Il n'y avait ... Lire la suite
  • Adrian McKinty, Des promesses sous les balles : Sean Duffy sur le fil du rasoir
  • La dernière fois que je vous ai parlé d'Adrian McKinty, c'était il y a un peine un an, sur le mode dépité, après la lecture d'un thriller plus que moyen, Traqués, signé de notre irlandais préféré. ... Lire la suite
  • Liam McIlvanney, Retour de flamme : McCormack is back
  • En 2019, nous découvrions avec enthousiasme Le Quaker de Liam McIlvanney et son enquêteur l'inspecteur McCormack, confronté à un serial killer et surtout à une ville en pleine déréliction, Glasgow ... Lire la suite
  • Valerio Varesi, "La Stratégie du lézard" : Parme, neige et chaos
  • Chaque année, la parution d'un nouveau Valerio Varesi est un moment privilégié : certes, on éprouve un certain confort à retrouver Soneri, c'est le principe du personnage récurrent. Mais avec ... Lire la suite
  • Arpád Soltész, un homme en colère
  • Arpàd Soltész, auteur de Colère (voir la chronique ici), était présent au festival du Goéland Masqué (Penmarc'h) du 18 au 20 mai 2024. Depuis peu, il a quitté la Slovaquie pour s'installer à Prague ... Lire la suite