Le problème quand on ouvre un roman signé d'un nom aussi vénéré que celui de Dennis Lehane, c'est qu'automatiquement, on a des attentes qui ne sont pas petites. L'homme est prolifique, ses inspirations multiples, son talent impossible à cantonner dans des limites stylistiques, sa bibliographie impressionnante. Ces dernières années, ses activités de scénariste pour la télévision et le cinéma ont sans doute pris le pas sur la littérature.
Mais lors de sa prestation au dernier festival de Harrogate (voir ici), il affirmait : "Le travail que j'ai effectué pour la télévision m'a encore plus engagé à faire de vrais romans. Le dernier fait 700 feuillets, et il m'a fallu trois versions pour y arriver... Je déteste les gens qui disent qu'un roman est "cinématographique". La littérature vient avant. C'est le cinéma qui est littéraire." Une telle profession de foi ne pouvait qu'encourager à la lecture de Après la chute, c'est donc avec un bel enthousiasme que je l'ai entreprise.
Le roman fonctionne sur deux parties. La première commence par un long flash-back sur l'enfance et l'adolescence de l'héroïne, fille d'une auteure (célèbre pour un best-seller consacré aux clés d'un mariage réussi - oh ironie de la vie!)... et d'un inconnu. Tout le problème est là. Rachel est obsédée par l'identité de son géniteur. Plus elle grandit, plus l'obsession est présente. Sa mère lui raconte à peu près tout et n'importe quoi, et se garde bien de lui donner son identité. Plus les mensonges s'accumulent, plus Rachel veut savoir. Aussi, quand sa mère meurt dans un accident de voiture, c'est la libération. Elle se met à enquêter. Mais la tâche est ardue, vu qu'elle ne dispose d'aucune information solide... Et là entre en scène le deuxième personnage clé du roman, Brian Delacroix, détective privé de son état.
Dennis Lehane à Harrogate (2017) |
La deuxième partie du roman commence après que la carrière de Rachel, grand reporter, a plongé en chute libre après un reportage catastrophique en Haïti. Rachel sombre dans une dépression terrible, assortie de troubles récurrents qui l'empêchent de sortir de chez elle, de se déplacer, et donnent à sa vie sociale une tournure cauchemardesque. C'est le moment que choisit Brian Delacroix pour refaire son apparition... pour le meilleur et pour le pire.
L'un des secrets de la réussite d'un roman, c'est probablement la capacité qu'a l'auteur d'éveiller chez son lecteur un intérêt immédiat pour ses personnages. Dans Après la chute, Dennis Lehane se donne beaucoup de mal pour faire de sa Rachel une héroïne hitcockienne - mi Marnie, mi-Madeleine/Judy (Vertigo). Il construit patiemment, pierre après pierre, la maladie mentale de Rachel. Qui finit par prendre toute la place, effaçant derrière elle pratiquement toute la personnalité de Rachel, qu'on finit par prendre en pitié, mais malheureusement pas pour les bonnes raisons. Ce n'est que pendant le court passage où on assiste à son ascension professionnelle qu'on a l'impression d'avoir affaire à une personne de chair et de sang, au-delà de son obsession. Hélas, ce moment ne dure pas longtemps et on retrouve bien vite une Rachel en perdition, dont la personnalité s'efface derrière ses terreurs, ses efforts pour mener une vie "normale", ses échecs prévisibles.
L'un des secrets de la réussite d'un roman, c'est probablement la capacité qu'a l'auteur d'éveiller chez son lecteur un intérêt immédiat pour ses personnages. Dans Après la chute, Dennis Lehane se donne beaucoup de mal pour faire de sa Rachel une héroïne hitcockienne - mi Marnie, mi-Madeleine/Judy (Vertigo). Il construit patiemment, pierre après pierre, la maladie mentale de Rachel. Qui finit par prendre toute la place, effaçant derrière elle pratiquement toute la personnalité de Rachel, qu'on finit par prendre en pitié, mais malheureusement pas pour les bonnes raisons. Ce n'est que pendant le court passage où on assiste à son ascension professionnelle qu'on a l'impression d'avoir affaire à une personne de chair et de sang, au-delà de son obsession. Hélas, ce moment ne dure pas longtemps et on retrouve bien vite une Rachel en perdition, dont la personnalité s'efface derrière ses terreurs, ses efforts pour mener une vie "normale", ses échecs prévisibles.
Alors oui, Lehane nous mitonne quelques-uns de ces retournements de situation dont il a le secret. Même si certains d'entre eux ratent leur coup et font figure de pétards mouillés. Oui, il a toujours ce sens du rythme qui fait qu'on continue à lire. Mais au bout du compte, la frustration est au rendez-vous, voire un certain ressentiment. La déception est forcément là : sans doute les ficelles du scénario sont-elles parfois trop visibles, sans doute le style pèche-t-il lorsque Lehane cède aux clichés - notamment lors des scènes d'amour, qui, on le sait bien, sont un véritable "piège à auteur" ! La rançon de la gloire, sans doute...
Dennis Lehane, Après la chute, traduit par Isabelle Maillet, Rivages
Dennis Lehane, Après la chute, traduit par Isabelle Maillet, Rivages
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