24 avril 2011

L'Honneur de Sartine - Jean-François Parot: un polar du XVIIIe au langage soutenu


Eh oui je n'ai pu résister à feuilleter en ce début d'année le dernier Le Floch avant qu'il ne se retrouve en poche. En fait on me l'a offert pour Noël et il a bien fallu faire plaisir à l'auteur de ce cadeau en allant jusqu'au bout de cette nouvelle aventure du policier à tricorne aux bonnes manières. Dire du mal du principal auteur français actuel c'est presque un crime de lèse-majesté, et pourtant il va falloir en passer par là. Que penser de ces 483 pages d'une platitude déconcertante d'autant que depuis peu le personnage de Le Floch avait pris un peu plus d'allant avec les feuilletons télé dont les scénarios écrits par Hugues Pagan évoquaient avec dynamisme et bonne humeur la Rose-Croix, les sociétés secrètes, et les mythes populaires qui font le bonheur des amateurs du genre cape et d'épée. Soyons définitif et péremptoire, comme il se doit en pareil cas: Les romans de Jean-François Parot sont écrits pour les lecteurs du Figaro Madame ou Magazine selon que c'est Madame ou Monsieur qui chausse ses lorgnons. L'histoire de L'honneur de Sartine est malheureusement un salmigondis de poncifs éculés jusqu'à la balle arrêtée miraculeusement par un médaillon qui se trouvait sur sa trajectoire. Sous une apparence d'enquête policière Monsieur Parot se fait surtout plaisir en jouant avec la langue et les moeurs du XVIIIe. Un snobisme qui laisse à penser sans une hésitation que les lecteurs de polars, les vrais, ceux qui ont parcouru l'asphalte des bouquins qui vous brûlent l'âme se détourneront de ce genre littéraire pompeux et ennuyant à souhait. Attention je ne dis pas que les polars historiques n'ont pas leur place dans la littérature de genre, bien au contraire. Il n'y a pour cela qu'à feuilleter la multitude de livres parus sous la plume des Peters, Sedley, Doherty ou Tremayne qui nous plongent depuis des années dans un Moyen Age hyperréaliste sans avoir besoin de se cacher derrière les artifices d'un langage à l'ancienne... comme la moutarde du même nom. Les condiments de Monsieur Parot cachent en réalité la vraie nature d'un plat insipide et factice pour un public qui pense que le polar est à la littérature - la grande - ce que le rock est à la musique – la classique. Il ne faut pas que ce soit trop fort, trop chaud ou trop froid et le comble de l'histoire c'est qu'en plus l'auteur nous jette en pâture des recettes de cuisine en plein milieu de son récit. Un blabla culinaire insipide qui tombe comme un cheveu sur la soupe avec un petit côté « j'ai trouvé un vieux bouquin à la bibliothèque et je vais m'en servir histoire de rentabiliser ma carte de parking ». Il me semble que Monsieur Parot devrait renoncer à l'intitulé roman policier de ses ouvrages même si le principe de ces écrits fonctionne comme une enquête dans ce qu'il y a de plus conventionnel: le crime, les dépositions des témoins et le dénouement de l'histoire par le flic dans les dernières pages. Supprimer cet aspect de son récit et le livre prendra une tout autre dimension car l'homme est un érudit et cela se sent. Son éditeur ferait certainement mieux son travail s'il l'encourageait à abandonner l'idée d'utiliser le polar pour trouver son public et le poussait à se lancer dans une grande saga relatant par exemple la vie d'une famille de Louis XIV à Napoléon, ou un truc dans le genre, car il est probable que là Jean-François Parot donnerait alors sans retenue toute la mesure de son talent de narrateur. Que d'intrigues de cour, de duels à l'aube, d'amours contrariées et de complots vicelards qui pourraient voir le jour sous la main d'un écrivain qui rivaliserait sans aucun doute avec ses grands aînés de Dumas à Balzac. Allez, sans rancune, mais comme disait un certain petit Gibus, si j'aurais su, j'aurais pas... lu!
L'Honneur de Sartine (JC Lattès, 2010) 18 euros

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