Encensée par la critique, cette auteur de thriller, fille d’universitaires anglais, quitte le cocon familial très tôt pour s’aventurer dans la vraie vie. Elle se retrouve serveuse et hôtesse dans un club au Japon à l’âge de 25 ans où elle restera pendant deux ans. Ensuite direction Los Angeles où elle entreprend des études de cinéma. Enfin, elle fréquente les milieux policiers et les médecins légistes pour parfaire son éducation avant de prendre la plume. Dès son premier livre, son savoir acquis sur le terrain ressort pour accoucher de textes noirs au possible. Cela va encore s’aggraver par la suite pour le grand plaisir de ses lecteurs en quête de sensations fortes car les livres de Mo Hayder se veulent réalistes, terriblement efficaces. Aucune lueur d’optimisme à l’horizon, du début à la fin c’est une descente aux enfers guidée par sa majesté Mo Lucifer qui sait jouer avec les mots pour mieux nous captiver. Mais voilà, sommes-nous seulement témoins de ses fantasmes ou veut-elle appuyer là où ça fait mal car ses livres naviguent entre voyeurisme malsain et photographie hyperréaliste du quotidien morbide de la police incarnée par un personnage récurrent ambigu. Son inspecteur est rongé par le souvenir d’un frère disparu, des rapports avec les femmes tout à fait alarmants, voire frisant la schizophrénie et des enquêtes au plus profond du sordide. Par moment Mo nous met mal à l’aise, comme si la lecture de ses pages révélait la nature humaine dans son plus simple appareil. Une forme de complaisance avec l’horreur pour bien marquer son territoire. En matière de polar la tendance est effectivement de descendre aux enfers en compagnie de personnages qui n’ont plus aucun lien avec la réalité, malades psychotiques, serial killers découpeurs de cadavres à la tronçonneuse, chiens fous livrés à eux-mêmes. Parfois je me demande ce qu’auraient pensé Edgar Poe (le précurseur), Gaston Leroux ou Simenon de cette littérature sans retenue, course à l’horreur qui de toute façon ne réussit qu’à nous offrir un pâle reflet du comportement humain car la réalité dépasse malheureusement la fiction comme en témoigne la multitude d’affaires récentes livrées en pâture sans décryptage par une presse avide de sensations : « Faut que ça saigne ! ». On a aussi parfois l’impression que ces auteurs se livrent entre eux une course sanglante pour voir lequel va monter sur la première marche du podium. Je soupçonne pour ma part que Mo est bien placée dans cette ligne droite qui je le crains n’est probablement pas la dernière.
A lire Birdman, L’homme du soir, Rituel et Skin (Pocket)
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