L'écriture et les écrivains
Les auteurs de romans policiers semblent former une sorte de caravane itinérante qui se déplace de Salons en Festivals dans le monde entier, de Paris à Dubai, New York, Montréal… Que pensez-vous de la mondialisation de la littérature ? Appréciez-vous ces rencontres avec vos concurrents, mais néanmoins amis ?
J’aime beaucoup rencontrer les autres auteurs, et cette mondialisation me plaît. Mais ce que j’aime le plus, c’est avoir le privilège de rencontrer des lecteurs issus de tant de cultures différentes, et de comprendre quel aspect de la littérature est le plus important pour une culture donnée, alors qu’ailleurs on privilégiera une autre approche.
Éprouvez-vous des affinités spécifiques avec certains auteurs contemporains ? Qu’il s’agisse de l’approche de l’écriture, des thématiques ou d’autres sujets ?
C’est vrai, j’ai rencontré certains auteurs contemporains dont je me sens proche, ne serait-ce que parce que nous voyons la vie de la même façon. J’ai beaucoup apprécié les moments que j’ai passés avec Don Winslow et Daniel Woodrell. J’ai discuté avec John Connolly, et nous partageons de nombreux points de vue en termes d’écriture. J’ai rencontré Michael Connelly et George Pelecanos, Robert Crais, Walter Mosley : ce sont des gens très intelligents, très perceptifs et humains, et c’était un plaisir que de les fréquenter.
En France, nous avons une mauvaise habitude, celle de coller des étiquettes sur les auteurs. Vos livres ont dû soulager bon nombre de malheureux lecteurs dits “intellectuels” qui se croyaient encore obligés de se cacher pour lire de la littérature policière. Grâce à vos romans, ils peuvent proclamer qu’ils lisent de la littérature ! Pensez-vous que cette évolution soit commune, ou bien est-ce spécifique à la France ?
Non, c’est un phénomène général, mais peut-être qu’en France il est plus sensible qu’ailleurs. L’accueil que j’ai reçu en France est extraordinaire, tout à fait particulier. J’adore la France, j’adore parler aux lecteurs français. C’est un grand honneur pour moi que d’avoir été si chaleureusement accueilli, et j’espère bien que cette relation d’amitié se renforcera avec les années. C’est ici qu’on a évoqué pour la première fois les mots de “drame humain” et de “thriller au ralenti” au sujet de mes romans, et pour moi c’était très révélateur. Cela m’a fait comprendre quelle importance vous accordiez à ces notions, cela m’a révélé votre intérêt, et même si je ne me préoccupe pas beaucoup de savoir si j’écris des thrillers, de la littérature policière ou des drames humains, c’est formidable de pouvoir parler à des gens qui apprécient les livres pour ce qu’ils sont, contrairement à ceux qui se sentent obligés de se justifier. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’avoir de bonnes raisons lorsqu’on aime un livre. Les livres sont comme le vin : s’il est bon, alors c’est un bon vin, quelque soit le millésime ou le cru !
Stephen King, dans un recueil de conseils à de jeunes écrivains, proposait une bibliographie de 70 titres où ne figurait qu’un seul auteur non Américain. Pensez-vous que cela soit représentatif de la vision qu’ont les Américains de la culture mondiale ? Partagez-vous l’idée selon laquelle les auteurs Européens, d’une certaine manière, ont perdu le contact avec la réalité du monde?
Je pense que nous sommes en train d’assister à une révolution. Ces quarante dernières années, la littérature – et en particulier la littérature policière – a été dominée par le roman américain. Aujourd’hui, on voit déferler une vague de fiction scandinave, et j’ai l’impression que les éditeurs se tournent en ce moment vers l’Amérique du sud et l’Europe pour y rechercher le prochain événement éditorial et littéraire ! A mon sens, cette tendance va avoir pour effet de faire tomber les barrières et d’engendrer de plus en plus de traductions en anglais d’auteurs non anglophones, favorisant ainsi leur diffusion à travers le monde. Pour moi, ce qui compte vraiment, quels que soient la langue, le genre, le thème ou la nationalité de l’auteur, c’est d’encourager à lire.
A ce propos, que pensez-vous des livres numériques ?
Je n'utilise pas de liseuse, et il est probable que je n'en utiliserai jamais. Mais tout ce qui peut inciter les gens à lire est bon à prendre. A mon sens, jamais les e-books ne remplaceront les livres papier. La qualité tactile est importante, le côté pratique, le fait qu'on puisse les perdre, les donner, les lire jusqu'à ce que le train d'atterrissage touche terre (alors qu'on est obligé d'éteindre tous les appareils électroniques une demi-heure avant l'atterrissage), qu'on puisse les laisser sur le transat pendant qu'on pique une tête dans la piscine, et les retrouver au retour. Les livres papier ne sont jamais à court de batterie, et en plus ils parlent de vous. Vous pouvez même vous en servir pour décorer la maison !
A suivre...
© Tous droits réservés - Entretiens pour le Blog du Polar (Avril 2011)
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