11 juillet 2011

Retour aux sources avec Dashiell Hammett

Il y a des classiques du polar qu'on ne peut s'empêcher de relire chaque fois qu'ils se rappellent à nous. C'est le cas de La clé de verre de Dashiell Hammett, récemment tombée d'une étagère un jour de rangement des polars qui menaçaient d'essaimer dans les rayonnages avant l'arrivée de l'été. C'est dans sa version poche Carré Noir numéro 97 avec une couverture stylisée dessinée aux crayons de couleurs que ce roman a ainsi fait sa réapparition dans ma vie. Écrit en 1931 et traduit par P.J. Herr pour les éditions Gallimard en 49, il a d'ailleurs fait l'objet d'une révision par Marcel Duhamel et Renée Vavasseur, à en croire la page de garde. Première constatation, le plaisir de parcourir cette histoire sur fond d'élections est toujours aussi intense et incoercible: dès la première page j'ai su que n'allais plus quitter Ned Beaumont, grand joueur devant l'éternel, qui mène l'enquête tout au long de cette histoire complexe peuplée de durs à cuire, de truands au cœur un peu trop tendre et de femmes tourmentées et vénéneuses, jusqu'à ce qu'il ait dénoué ce nœud de vipères. Ned est un solitaire intelligent dans un monde de brutes stupides et bornées, il n'a aucun mal à manipuler les uns contre les autres pour arriver à ses fins même s'il se fait corriger sévèrement à l'occasion. L'intrigue tourne autour du meurtre du fils d'un sénateur en période pré-électorale. Ned est employé et ami dévoué d'un certain Paul Madvig qui tire les ficelles dans l'ombre. Ce dernier charge son homme de main de faire la lumière sur cette affaire qui non seulement compromet sa position de chef de bande mais rend difficile des projets de mariage avec la sœur du défunt. Ce livre est rythmé par l'enquête de Ned Beaumont dont on suit les pérégrinations minute par minute. La clef de verre est construite pour que le lecteur s'identifie inévitablement au héros, souffrant avec lui lorsqu'il se fait tabasser ou pendu à ses lèvres lorsqu'il accouche les témoins au fur et à mesure de l'avancée du récit.

Ce livre de Dashiell Hammett se classe volontiers dans la tradition du roman noir dans lequel le lecteur est constamment au côté du protagoniste principal. C'est une forme de moins en moins pratiquée de nos jours où les auteurs talentueux se font un devoir de rédiger leurs livres sur le modèle cinématographique des récits à destins croisés, sautant d'un chapitre à l'autre dans la peau des différents personnages jusqu'à la rencontre finale. Il est certain que cette forme actuelle demande une préparation soignée et un grand nombre de notes en post-écriture alors que le récit linéaire façon Dashiell Hammet n'est pas sans évoquer un corps à corps schizophrénique entre l'auteur et son personnage. Certains écrivains célèbres prétendent même qu'il est arrivé plus d'une fois que celui-ci leur échappe et n'en fasse qu'à sa tête. Dans le cas de Ned Beaumont, les spécialistes s'accordent d'ailleurs pour estimer qu'il fait partie de ces "doubles" que Dashiell Hammett se plaisait à créer.
Est-il vraiment utile de souligner que le style de Hammett a servi de révélateur et de modèle à de nombreux successeurs, et pas seulement dans la catégorie polar ? Des descriptions au scalpel, des dialogues ciselés, une rigueur impressionnante : Dashiell Hammett est un vrai "maître".


Pour conclure, n'oubliez pas que Moisson rouge, Sang maudit, Le Faucon maltais, La Clé de verre et L'Introuvable ont fait l'objet d'une nouvelle traduction en 2009 signée Pierre Bondil (dont nous avons déjà parlé dans le blog) et Natalie Beunat. Gallimard, coll. Quarto-rom. Vous n'avez donc aucune excuse pour ne pas vous replonger vous aussi dans ces textes fondateurs qui restent indémodables.



Dashiell Hammett naît le 27 mai 1894 à Baltimore, Maryland - Alcoolique et tuberculeux, il meurt à New York en 1961, il y a exactement 50 ans.


Les livres qu'il faut lire:

1924 : Dollars de sang ou Le Grand Braquage (The Big Knockover)

1929 : La Moisson rouge (Red Harvest)

1929 : Sang maudit (The Dain Curse)

1930 : Le Faucon maltais (The Maltese Falcon)

1931 : La Clé de verre, (The Glass Key)

1934 : L'Introuvable (The Thin Man)

et aussi le formidable Hammett signé Joe Gores, qui a servi de base à l'étrange film éponyme de Wim Wenders.

A voir, l'adaptation cinématographique de La clé de verre, tournée par Stuart Heisler en 1942, avec Veronika Lake et Alan Ladd.

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