Commençons par une mise au point, je n'ai pas lu Le syndrome E de Franck Thilliez, je l'ai écouté dans sa version Audiolib. Certains diront que cela n'a rien à voir avec un livre mais pourquoi se priver de la possibilité de se plonger dans l'univers de cet auteur même dans les encombrements (nombreux et récurrents). L'interprétation de Michel Raimbault mérite le détour car l'acteur met de la voix avec talent dans ce texte dense qui nécessite de la concentration. Les personnages sont joués avec des intonations différentes pour ne pas mélanger les rôles dans les dialogues nombreux, sans tomber dans la caricature qui est parfois au rendez-vous des pièces radiophoniques.
Pour évoquer le roman, j'en profiterai pour proposer une modeste analyse structurelle du texte qui influe évidemment sur le mode narratif. Franck Thilliez est un habitué du polar sombre avec crimes odieux et si possible sanglants. En cela il est parfaitement dans la mouvance actuelle qui privilégie le gore au détriment du narratif naturaliste en vogue jusqu'à la fin des années 80. Sa recherche du spectaculaire le conduit à proposer des scénarios violents destinés à flatter des lecteurs en quête de sensations. Ce n'est pas le fait du hasard mais vraisemblablement un choix éditorial puisque tous ses textes jusqu'alors tournent autour du même mode. Ce livre commence donc par un évènement fort, un collectionneur est rendu aveugle par le visionnage d'un film en bobine qu'il vient d'acquérir. L'auteur nous donne peu de détails sur le contenu mais propose l'évènement en tant que fait générateur du suspens. L'homme atteint de cécité soudaine n'a pourtant qu'un rôle mineur dans cette histoire puisqu'il va rapidement disparaître du récit. Interviennent alors Lucie Hennebelle et Franck Sharko, deux personnages que les lecteurs fidèles de Thilliez connaissent déjà. Comme il semble qu'il y ait plusieurs publics de Franck Thilliez, attachés chacun à un de ces enquêteurs on peut se demander s'il n'y a pas volonté de regrouper les lecteurs une bonne fois pour toutes et pour un avenir que nous leur souhaiterons radieux. Le récit prend ensuite forme mais évolue assez lentement avec une mise en place logique des autres éléments de l'histoire. Tout d'abord les indispensables crimes horribles avec des victimes énucléées aux crânes sciés et autres détails morbides. Ensuite par un travail d'écriture élaboré sur le système des destins croisés, Thilliez met en contact Hennebelle et Sharko en jouant bien sûr sur l'attirance-répulsion. Franck Thilliez joue à merveille cette partition même si parfois son style abrupt laisse l'amateur de littérature sur sa faim. En revanche le fan de thrillers efficaces au style direct sans fioriture est rapidement comblé par la distillation de faits mystérieux. Ce roman peut se décomposer en six mouvements: Exposition du thème (alléchante), entrée en scène des personnages (parfois laborieuse et touffue), dépaysement (avec des voyages dans nos belles régions pour commencer puis en Égypte et au Canada), un peu d'action (chaque enquêteur a son lot de duels dont il se tirera à merveille), dénouement et explication des crimes (une longue confession de l'assassin) et pour conclure une fin qui réserve une surprise destinée à garder son lecteur captif. Le Syndrome E fait penser à un roman d'école. Une sorte d'exercice de style voulant aborder tous les aspects du polar d'un même coup: suspens, espionnage, crimes en série, amour et passion... Comme si l'auteur avait fait le pari de rassembler tous les lecteurs possibles dans une même enceinte. Cela sent aussi le scénario de film qui ne manquera pas de prolonger le plaisir des lecteurs. Pour conclure cette chronique, j'avoue n'avoir pu détacher mes oreilles des écouteurs jusqu'à la fin. 16 heures d'écoute plutôt attentive même si parfois, comme c'est le cas avec les livres audio, on a tendance à laisser les mots filer dans le casque en pensant à autre chose. En tout cas je vous conseille d'essayer le mode de lecture audio avec ce livre qui est parfaitement adapté à l'exercice.
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