Absente est le troisième roman de Megan Abbott, paru en 2007 et traduit en français en 2009. Son premier livre publié, The Street was Mine, était un essai sur le roman noir vu à travers le prisme d'un de ses mythes les plus connus : l'homme blanc, solitaire, le "dur à cuire" (hard boiled). Dans cet essai, elle passait au crible de son analyse les plus grands auteurs des années 30 et 40 : Raymond Chandler, James M. Cain, Chester Himes...
Le roman Absente est encore très imprégné de cette approche et de cette fascination. Le début du livre se passe à Hollywood, en 1949. Jean Spangler, actrice débutante, vient de quitter la maison où elle habite avec sa fille de 5 ans, sa cousine Peggy et sa mère pour un tournage de nuit. La nuit est longue... Quatre ans plus tard, Jean n'est toujours pas rentrée. C'est Gil Hopkins, dit Hop, attaché de presse dont la mission consiste plutôt à étouffer les vilaines affaires, qui va jouer le rôle du détective. Hop se sent un peu coupable d'avoir si vite considéré l'affaire comme bouclée, lui qui a connu Jean et l'a peut-être inconsciemment poussée vers un destin tragique. Pour tout dire, il est fasciné par cette femme. Et il va relancer les recherches, à sa manière.
Megan Abbott fait merveille quand il s'agit de reconstituer les milieux du cinéma des années 40-50. Ses personnages sont finement décrits, avec des mots qui font mouche. Et le personnage de Hop nous entraîne à sa suite dans sa quête de vérité. On boit avec lui, on traîne avec lui, on frappe avec lui à la porte de témoins plus couards les uns que les autres. La piste est sanglante, elle est sexuelle, elle est perverse. La seule personne qui fera preuve d'un tant soit peu de courage et de sensibilité dans cette histoire est une femme, et elle le paiera très cher... Ce qui est le comble du "noir" et du pessimisme. Megan Abbott joue avec le lecteur, mêlant réalité et fiction avec un art consommé. L'histoire elle-même est inspirée d'une disparition qui défraya la chronique, et Hop l'attaché de presse, quand il n'enquête pas, est chargé de "veiller" sur une actrice, Barbara Payton, actrice bien réelle qui fit les beaux jours des feuilles de chou à cause de ses frasques avec l'acteur Franchot Tone. Hop, le héros, est un drôle de "dur à cuire". Pas question pour lui de jouer les chevaliers vengeurs, à la manière d'un Philip Marlowe ou d'un Sam Spade. En fait il ferait plutôt pitié, malgré sa réussite sociale... Chez Megan Abbott, les héros sont fatigués.
Roman habile, nostalgique à sa façon, Absente séduit par une intrigue plutôt bien menée, un style audacieux, des personnages réussis. Seul bémol, tout personnel, quand on a lu ou relu Chandler, Hammett et Cain, on éprouve quand même un brin de nostalgie envers leurs héros désespérés mais jamais tout à fait cyniques, leur machisme fragile, et leur vision désabusée d'un monde finissant auquel ils essaient de croire encore.
Megan Abbott, Absente, traduit de l'américain par Benjamin Legrand, Sonatine - Egalement disponible en Livre de poche
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