Dans les années 90, on faisait encore une distinction très nette entre littérature et littérature de genre. Dans les années 90, encore marquée par une culture universitaire où l'éclectisme s'aventurait jusqu'à Faulkner et Amis (père), mais certainement pas du côté de Chandler et Robin Cook, c'est avec Maurice G. Dantec que je suis revenue, totalement décomplexée, à la littérature de genre ignorée, voire méprisée par mes ex-profs et co-étudiants.
Source Wikimedia ; http://www.panoramio.com/photo/7738899 - Auteur FrenchCobber |
C'était un bel été, chaud, brûlant, étouffant. C'était au bord de l'Atlantique, et ceux qui me connaissent savent bien que lézarder au soleil et brûler sous ses rayons, ça n'est pas vraiment mon truc. Dans la petite ville balnéaire, il y avait une librairie tout aussi petite, un peu vieillotte, avec un rayon d'occasion poussiéreux et quelques livres en anglais. Pratiquement chaque jour, j'y puisais la pitance qui allait m'aider à tenir jusqu'au soir, tard, à ce moment où la fraîcheur, enfin, parvenait à gagner la bataille contre la chaleur moite, un peu dégoûtante, qui avait écrasé les longues heures du jour, et m'avait anéantie. Cet été-là, le premier volume de l'autobiographie de Andrew Loog Oldham venait de sortir en anglais. Comment ce livre tout juste sorti des presses s'était-il échoué là ? Sans doute un touriste britannique l'y avait-il revendu à la va-vite. Toujours est-il qu'il était flambant neuf, visiblement pas lu au-delà des 15 premières pages, et que je l'ai coupablement dévoré, ce bouquin avec de la musique dedans, mais aussi des drogues et du sexe, comme il se doit.
Après ça, pas question de revenir à la littérature anglaise faite d'humour froid, d'ironie et de distance qui faisait mes délices avant les vacances. Là, dans la petite librairie, venait d'arriver un gros bouquin au titre métaphysique, Les racines du mal, paru en Série noire. Auteur inconnu au bataillon, pour moi en tout cas : Maurice G. Dantec. Etait-ce le titre, le nom de l'auteur, à la fois désuet et moderne, la lecture des premières pages ? Toujours est-il que le livre changea vite de mains pour passer dans les miennes, et m'aliéner pour longtemps la sympathie de ceux avec lesquels je passais mes vacances. Là, pour la première fois depuis longtemps, j'allais m'accrocher à ce livre comme une moule à son rocher, ne plus le lâcher, le cacher derrière mon dos quand il était temps de préparer à dîner, l'emporter avec moi sous la douche pour en voler deux pages au passage... A partir de là, il devint pratiquement inutile de m'adresser la parole pour autre chose que des demandes purement opérationnelles : "passe-moi le sel, tu veux un café ? c'est ton tour de faire la vaisselle..." Quant aux propositions quotidiennes : baignade, pêche, ballade dans le marais, je ne les entendais même plus, prétextant la fatigue, un mal de tête abominable ou des nausées récurrentes pour rester à la maison, toute seule. Avec Les racines du mal. Ce que raconte ce roman, vous le trouverez dans n'importe quelle critique de l'époque ou d'après. En revanche, l'effet addictif qu'il produisait reste, en partie, un mystère : était-ce l'écriture, rapide, hachée, condensée ? L'intrigue, prenante, très noire, une des premières que j'aie lues où les technologies qui font aujourd'hui partie de notre quotidien jouent un rôle d'accélérateur puissant et donnent au roman un côté visionnaire qui impressionne, aujourd'hui encore ? L'influence évidente des grands auteurs américains inspirés par l'expérience des drogues les plus diverses? Un peu de tout cela sans doute, mais avec un style très personnel, à la fois heurté et fluide, violent et lyrique. Le sentiment exaltant d'avoir découvert quelqu'un qui ouvrait la voie à une littérature nouvelle, moderne, audacieuse.
Bien sûr, aussitôt après, il fallait que je lise le premier roman de Dantec, La sirène rouge, où j'ai retrouvé la même expérience, moins l'effet de surprise, plus un côté romantique aussi étonnant que bienvenu. Et après... Après, j'ai fait comme à peu près tous les lecteurs de Dantec, acheté tous les romans que l'auteur voulait bien nous envoyer de son exil québecois. Parfois lâché l'affaire (Villa Vortex), parfois tenu jusqu'au bout (Babylon Babies), sans jamais retrouver l'"effet Dantec" de cet été-là. Ajoutons à cela les délires paranoïaques, les prises de position politiques indéfendables, même si probablement sous influence des diverses substances expérimentées par un homme ayant visiblement perdu les pédales... Il a fallu attendre 2014 pour que Maurice G. Dantec, avec Les résidents (éditions Inculte) nous redonne un roman noir formidable, sorte de road movie mortel qui donne à son auteur l'occasion de dépeindre un monde contemporain absolument effrayant. Et puis voilà, le 25 juin 2016, que Maurice G. Dantec nous tire sa révérence, après nous avoir redonné espoir. Du Dantec tout craché...
Les Racines du mal et précédemment la Sirène rouge ne furent que le prologue de l oeuvre de Monsieur Dantec. Sa conversion au Christianisme lui a valu d être rejeté par son pays natal pourtant fille aînée de l Église. Mais la réalité est que ses romans d anticipation (prophétiques?!) tels que Cosmos Incorporated et Grande Jonction sont des chefs d'oeuvre de science fiction/philosophie/Théologie/Métaphysique/politique/réalisme/Cyberpunk/...
RépondreSupprimerVous faites erreur dans vote analyse. Ce n est pas lui mais l'occident qui a perdu les pédales...
DIEU l a utilisé pour nous mettre en garde contre la décadence de notre système et aussi pour nous montrer l unique solution: la conversion au CHRIST.
Toute la fin se sa vie il fut tourmenté de ne pas être pris aux sérieux. Mais comme l a enseigné notre Seigneur Jesus:"Nul n est prophète en son pays."
Sa mission terminée, il a rejoint le Seigneur.
Paix à son âme.