8 janvier 2012

True Crime, de Eric Godtland, à la fois beau livre et document d'époque

Non seulement le Père Noël est gentil, mais en plus il est malin ! Qu'ai-je trouvé au pied du sapin ? Un énorme livre relié consacré à l'âge d'or des magazines "true crime" américains... 450 photos de couvertures de revues, une maquette superbe, et des textes signés par Eric Godtland, "collectionneur compulsif", de son propre aveu, Marc Gerald, ex-collaborateur du magazine True Detective aujourd'hui agent littéraire après avoir été éditeur, et George Hagenauer, auteur spécialisé dans le fait divers et autres sujets plus ou moins underground.
Un beau livre relié superbement imprimé, qui retrace l'histoire des magazines de faits divers américains entre 1924 et 1969, mais illustre également magnifiquement l'évolution de l'attitude américaine envers le sexe et la violence qui étaient au cœur de ces publications. Dans son texte introductif, Eric Godtland n'y va pas par 4 chemins, et commence en affirmant : "N'importe quel scénariste vous le dira, les seules choses absolument obligatoires dans un bon scénario sont le sexe et la violence." Et en feuilletant les pages, vous allez être servi ! L'évolution de l'image de la femme sexy n'est pas le moindre intérêt de ce livre. On y retrouvera aussi les grands noms du crime, et la lecture des gros titres est édifiante. En 1969 par exemple, Master Detective posait une question incroyable : faut-il soigner les homosexuels, les mettre en prison, ou les laisser tranquilles ? Marc Gerald, quant à lui, raconte son expérience d'éditeur de presse de faits divers. En 1989, à l'âge de 22 ans, il cherche un job d'été, plutôt dans la presse. Depuis ses plus jeunes années, il est fan des magazines de faits divers. Il s'adresse donc à Art Crockett, le rédacteur en chef de True Detective. Coup de chance, le deuxième rédacteur vient de passer l'arme à gauche. Gerald est engagé immédiatement. Premier job : légender des photos. Le job est plutôt bien payé, Gerald renonce à l'université. Et comprend bientôt l'importance de la couverture pour ce type de magazine. La couverture, c'est ce qui vend la revue, et la concurrence est rude.Nous sommes à la fin des années 80, c'est dire que c'en est terminé des jeunes femmes en détresse des années 40 et 50, ainsi que des pin-ups vénéneuses, limite "bondage", des années 60 et 70. L'heure est au réalisme... L'âge d'or est bel et bien terminé. Les consignes sont précises : "toutes les histoires doivent se passer après le procès, les coupables doivent être condamnés et punis... Pas plus de trois suspects, sinon, l'affaire est trop difficule à suivre... Ne pas désigner le suspect trop vite, car cela tue le suspense..." En plus, le salaire des auteurs est minable : il n'a pas augmenté depuis la grande époque des Dashiell Hammett et des Jim Thompson : 250 $ pour 5000 mots. Marc Gerald s'en tire tant bien que mal en écrivant du porno en plus de son job. Il veut rajeunir la revue, lui trouver un public plus "hype" (celui qui aimera Quentin Tarantino quelques années plus tard). Mais la direction ne suit pas, Art Crockett meurt, et c'est la fin...
Un livre extrêmement séduisant, bien documenté et superbement illustré à s'offrir de toute urgence !
True Crime - Detective Magazines 1924-1969, Taschen éditeur

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