Chose promise, chose due et en partie réalisée car la version de Crime et châtiment que j'ai à ma disposition est constituée de deux volumes (Gallimard 1938 - 19e édition, les classiques russes - traduction de Jean Chuzeville) et depuis ma chronique du film d'hier je n'ai eu le temps que de lire le premier tome qui fait tout de même 285 pages écrites en petits caractères. Comme une série télé, l'histoire est décomposée en deux temps: la préparation et l'exécution du crime avec les rencontres des protagonistes récurrents du roman dans le premier volume. Et le fameux face à face Raskolnikov-Porphyre qui aboutit comme chacun sait aux aveux dans le second. C'est donc le premier tome comportant la scène de massacre à la hache que j'ai avalé d'une traite même si certains passages relatifs aux confessions du personnage de Marméladov l'alcoolique et aux déboires familiaux de Raskolnikov sont très datés. En revanche le rythme et l'ambiance de la partie noire du récit ont visiblement servi de modèle à bon nombre de polars modernes.
C'est indéniable, ne serait-ce que la scène du crime décrite en détail. Mettant en parallèle les faits bruts et la perception psychologique des évènements par le criminel lui-même, oscillant entre la folie, l'allégresse et une présence d'esprit digne du plus retors serial killer à l'américaine. Quelques lignes pour vous en mettre plein la vue:
"...Au milieu de la pièce Elisabeth débout, tenant un grand paquet dans les mains, contemplait avec stupéfaction sa sœur morte. Elle était pâle comme un linge et semblait n'avoir pas la force de crier. En le voyant accourir, elle se mit à trembler comme une feuille, d'un frisson bref et saccadé, tandis qu'un spasme convulsif parcourait son visage (vous ne trouvez pas qu'il y a du Hitchcock là-dedans?). Elle leva les bras, fut pour ouvrir la bouche, toutefois ne poussa pas un cri, mais reculant avec lenteur elle battit en retraite devant Raskolnikov, pour chercher à se blottir dans un coin... Il s'élança sur elle en brandissant sa hache; les lèvres de la pauvre femme se contractèrent douloureusement, comme celles des petits enfants lorsqu'ils sont pris de peur à la vue de quelque chose qui les effraye et sont sur le point de crier. Et si simple était cette malheureuse qu'elle n'étendit même pas le bras pour se protéger la figure, bien que ce fut le geste qu'elle aurait dû faire le plus naturellement du monde à cette minute où la hache était levée droit sur son visage... Le coup l'atteignit en plein crâne, du côté coupant, et fendit net toute la partie supérieure du front presque jusqu'au sinciput. Elle s'effondra sur le plancher."
(Alors qui osera dire que ce n'est pas totalement flippant comme ambiance? Imaginez en plus que cela a été écrit en 1866 et il ne vous reste plus qu'à tout recommencer de zéro en matière de culture polar).
Si après cet extrait vous ne vous précipitez pas dans votre bibliothèque pour retrouver votre exemplaire de Crime et Châtiment, j'en mange mon chapeau. Ah au fait je n'ai pas de chapeau alors je pense ouvrir une boîte de foie gras à la place.
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